sharon alfassi

Deux ou trois choses sur Sharon Alfassi

Par Sharon Alfassi

Le

Lauréate du Prix Ateliers Médicis du 65e Salon de Montrouge, Sharon Alfassi a exposé son travail aux Ateliers Médicis pendant la Nuit Blanche 2022. À cette occasion, elle a répondu à quelques questions.

Ta résidence aux Ateliers Médicis a été l’occasion pour toi de te confronter pour la première fois à la réalisation d’un film. Peux-tu nous en dire davantage sur ton désir et ce projet ?

Je nourris depuis plusieurs mois l’envie de raconter des histoires, de les articuler dans un seul objet et l’« objet film » s’est imposé avec naturel et naïveté. En découvrant Clichy-Montfermeil, je me suis installée assez régulièrement dans les fast-food autour des Ateliers Médicis, pour regarder
les gens qui y venaient et partaient ensuite. Je m’imaginais les histoires d’amour que se racontaient les inconnu·e·s et aussi un peu les miennes. Je souhaitais rendre compte de tout ce foisonnement intime et sentimental qui se devine quand vous voyez quelqu’un qui sourit, s’agite et trépigne seul·e sur sa chaise devant son téléphone.

Quelles sont tes références ou celles qui te manquent ?

Mes références sont multiples et croisent pop culture et mythes occidentaux. C’est tout un système de jeux d’échos pour qui souhaite les saisir. Je n’ai pas
la prétention de tout connaître, je préfère reconnaître mes lacunes. Et si des références me manquent, soit cela m’échappe, soit je parviens à pallier cette carence par un travail actif de recherche.

C’est quoi pour toi la « pop culture » ?

Je définis par « pop culture » toute production culturelle consommée
et appréciée par une proportion massive de la population. La pop culture est à la fois fédératrice et clivante.

Comment définirais-tu ta pratique artistique et ce que tu attends de celles et ceux qui la découvre ?

Je raconte des histoires, traversées par l’érotisme, la gourmandise,
la tendresse et ma foi. Pour déployer leurs narrations, j’opère une géométrie variable où s’agencent différentes techniques qui servent la construction des mondes que j’imagine. Je me laisse guider par le fantasme de chaque pièce et choisis le médium qui me semble le plus pertinent par la suite. Je considère mon travail comme étant généreux et je suis heureuse de l’offrir au monde. J’espère susciter des émotions mais la réception de mon travail ne m’appartient pas.
Et tant mieux, il faut aussi des moments de silence pour que la rencontre entre l’œuvre et le cœur se fasse en mon absence et sans ma médiation.

Que faire avec l’art ?

L’art permet d’engager des discussions, de mobiliser les imaginaires, de susciter des émotions, de rêver aussi. Je vois l’art comme un espace fantasmatique nécessaire pour reposer un peu son cœur, le recharger.

Tu crois à l’amour ?

Oui, c’est une certitude.

Si tu pouvais réaliser un vœu ici, à Clichy-Montfermeil, quel serait-il ?

J’aimerais produire une œuvre sincère et puissante. Quelque chose qui évoquera un sentiment de familiarité, de douceur, une expérience intime. Je travaille dur pour que cela se réalise.

Si la ville de Montfermeil te commandait une statue pour la place Notre-Dame des Anges, quelle serait-elle ?

Je prendrais le temps d’aller à la rencontre des personnes qui traversent
cet espace au quotidien, de comprendre ce que cet endroit signifie pour eux, et j’irais sûrement faire des visites dans les archives municipales. Il me semble important de pouvoir raccrocher tous les wagons partant des petites histoires jusqu’à la grande qui s’archive dans des registres. La forme, dans mon travail, est toujours au service des idées, et j’aimerais que cette statue soit fédératrice et qu’elle devienne familière dans le paysage de Montfermeil.

Peux-tu nous partager une pensée, une image, une mélodie, un souvenir qui t’accompagne ?

Question de feeling, à écouter sans modération.

Propos recueillis par Clément Postec