En bout de chaîne, la table de tri des cailloux

#4 Grande lessive

Publié par Coline Cuni

Journal du projet
Arts plastiques Sculpture Performance, Objet à manipuler

Aujourd'hui nous préparerons l'argile pour pouvoir la modeler au cours des futures séances. Il faut donc ouvrir les grands sacs  de la semaine dernière, et par petites pelletés, mettre de côté les impuretés : les racines les feuilles et surtout les cailloux.

Pendant la séance qui va durer 1h30 pour chaque groupe, on peut discuter et apprendre à se connaître. Les mains travaillent presque toutes seules, le tamis est presque méditatif. On réfléchi, on se "pause".

Petits cailloux, grands cailloux, faux cailloux

Au début de l'atelier, nous trions grossièrement les cailloux à la main, et écrasons les mottes avec nos pieds sur une grande bâche.

Ensuite, toujours dans un jeu de relais entre élèves, nous opérons un tri plus fin au tamis. La terre ainsi nettoyée va ensuite tremper dans l'eau jusqu'à demain matin pour être parfaitement imbibée et souple. Ainsi, elle pourra être utilisée comme terre de modelage. 

Les cailloux, quand à eux sont triés par taille. Nous en aurons peut-être l'usage plus tard. Petits cailloux, grands cailloux et faux cailloux puisque certains blocs sont en fait de la terre très compacte. Les enfants s'amusent à tenter de les écrabouiller, les identifier, les brosser consciencieusement, voir quels sons ils produisent les uns contre les autres (ce que je crois n'avoir jamais expérimenté ) ou les laver. Parfois, ils tamisent à quatre observant le mouvement des cailloux sur le grillage, s'émerveillant de la couleur des matières qu'ils trouvent. 

lundi 21 septembre, les bacs de tris distinguent "petits cailloux, grands cailloux, faux cailloux"

Hibou, chou, genou

Je crains un peu que l'on fasse trop de bruit puisque l'atelier donne dans le couloir des maternelles qui dorment ou se reposent en ce début d'après-midi. 

En observant, je me rends compte qu'il ne s'agit pas d'agitation, mais de mouvement, d'énergie. Les enfants sont en activité : ils se déplacent, sont occupés. Toute leur attention est portée à ce travail, tout leur corps est monopolisé par la tâche qui les attend, dans des dynamiques différentes : attentifs et précautionneux ou bien assez tempétueux, presque brusque parfois. Il faut dire que je leur confie des outils d'envergure, grands, lourds, très simple d'utilisation, mais qui demande leur implication totale. Il s'agit de pelles, de seaux, de sac, de tamis. D'ailleurs, les ATSEM ou les enseignantes qui passent parfois la tête par la porte de notre salle sont toujours surprises par la quantité de terre, l'ampleur de notre chaîne de travail, du rythme!

Alors, le cadre scolaire s'élargit pour faire place à des expériences autres. Les élèves voient autre chose de leur école, tout comme les personnels de l'école, qui accueille une nouvelle forme. C'est aussi l'occasion pour certains de faire des expériences différentes dans leur rapport à la matière, à la manipulation. On met rarement les mains dans ces textures, rarement à cette échelle aussi. 

Tandis que l'on quitte l'atelier pour rejoindre la classe, des bruits secs retentissent dans le couloir. C'est Tilian qui, en enlevant sa blouse, a fait tomber des cailloux chipés pendant l'atelier qu'il avait gardé dans ses poches, pour les ramener chez lui. "Oui [il] les trouvait très beaux ! "Je repense à l'exposition Flamme éternelle de Thomas Hirshorn au Palais de Tokyo, dans laquelle le public avait accès à une bibliothèque de références de l'artiste. Ce dernier n'avait pas voulu attacher les livres par des câbles pour les protéger du vol. Il pensait presque ce dernier geste comme une réussite : avoir fait désirer sa matière au point de susciter la possession et le larcin.