Tirage au sort, la séance se base sur un jeu de hasard.

#7 Trou-trou

Publié par Coline Cuni

Journal du projet
Arts plastiques Sculpture Performance, Objet à manipuler

"Trou - trou. Une allumette pompi pompette c’est toi qui pète au bout de trois. Un, deux, trois."

Pour cette fois, les créations vont dépendre d'un jeu de hasard. On commence par une petite comptine que les enfants appelle Trou-trou.

Par les mots, par le jeu

Et si on s'obligeait à modeler à partir de gestes et de formes piochées au hasard ? 

C'est le postulat de ce travail. Sous contrainte ludique. Avant même l'évocation d'une figure, les contraintes de formes élémentaires viennent guider les élèves. Premier impératif : les élèves "piochent" donc une série de deux formes et d'un verbe d'action qui devra définir leur volume d'argile.

À vrai dire, j'organise les ficelles de ce petit jeu pour arriver à des éléments simples et formels. Ainsi, les listes de mots - gestes et formes - qui définiront les modelages sont établies à partir d'un moment d'observation des travaux. Pendant celui-ci, les enfants étaient invités à commenter les réalisations en évitant l'écueil du "on dirait" ou "ça ressemble" mais en utilisant "c'est". 

Par exemple : c'est un pont avec des rebords en forme de vague, pour le fabriquer, on a dû assembler et creuser. 

Accidentée, poignée, un pont, fissuré, évasé, allongé, vague, bosselée, saucisses // Trou, anse, épaisseur, boudin, pied, haute, triangle, poire, colimaçon, ovale, spirale, étoile, fine, pyramide, carré, demi-cercle // Coller, aplatir, assembler, empiler, enrouler, mélanger, torsader, construire, monter // 

Re trous et retours

Groupe d'élèves en train de modeler
Groupe d'élèves en train de modeler un "pied-trous-accidenté"
Ensemble, affairés
Vue d'atelier, début du modelage.

Échelle et autres larmes

La deuxième contrainte, qui va façonner le travail ici, est le travail collectif puisque nous allons œuvrer tous ensemble. 

Cette organisation, plutôt inhérente au travail de la terre brute, s'inscrit dans la continuité de nos séances. Mais jusqu'ici les groupes se sont formés assez naturellement, par affinités. Je leur demande pour cette fois une coopération à 4, 5 voir 6 élèves. Et dans ce groupe, il n'y a pas que des copains avec qui ils s'entendent, des personnalités avec qui ils arrivent à collaborer. Certains sont très impliqués et parfois un peu autoritaires. D'autres passifs, attendent que l'orage passe entre leurs camarades. Enfin, les plus timides font des demandent à voix basse dans un groupe qui file ! Après quelques larmes, on s'arrête pour discuter. 

On essaye de voir l'intérêt d'être plusieurs ... Comment va-t-on se partager le résultat, après l'exposition de fin ? Est ce qu'on fera une garde alternée des réalisations collectives ? En tout cas, nous pouvons avancer plus vite, car il faut d'une part préparer les mélanges terre-paille ou terre-eau ; et puis modeler. Les premiers travaux étaient bien mais trop petits par rapport à leurs ambitions. Les enfants veulent même faire une très grande sculpture finale ! Ah, la fabrication collective redore son blason. Enfin ! Nous allons pouvoir faire de plus grandes choses. 

Il faut dire que l'échelle du travail est en question depuis le début du projet. Qu'est-ce que je suis capable de faire, de soulever, de construire, de maintenir ? A Quelle échelle est ce que je peux me confronter ? Et de se reposer ces questions à plusieurs. 

Parfois, après des heures de travail, tout s'écroule. Mi amusés, mi apeurés, comme les jeunes enfants qui détruisent leur tour de cubes après un méticuleux empilement. On essaye de comprendre pourquoi la chute ? Ou se logeait la fragilité, l'empressement ? Puis, le groupe doit décider du sort de cette beauté : qu'est-ce que l'on peut sauver, que faut-il recommencer ? Est ce que Coline nous aide à réparer, ou est ce que la sculpture blessée est bien aussi comme ça ? On essaye d'aimer l'échec. Pas facile, car l'ego guette, surtout dans les couloirs de l'École, ...

Pour moi un dernier combat, physique : le nettoyage de la salle !
Il me faudra passer plusieurs fois la serpillière à grandes eaux à chaque séance et après chaque groupe. L'argile que nous avons récoltée est puissante, très colorée. Les élèves la transportent sous les semelles de leurs chaussures par exemple et très vite, on en retrouve dans toute l'école. Je sens que le paramètre poussière et salissure, ajoutées aux nouveaux protocoles sanitaires qui demande une vigilance particulière aux équipes d'entretien rend les discussions un peu tendues. L'aspirateur et les balais sont interdits puisqu'ils sont des outils de diffusion aérosol de virus. Les limites de l'accueil de l'art en milieu scolaire se font ici ressentir.