De la terre à partir de la terre

De la terre à partir de la terre

Publié par Naomi Melville

Journal du projet

Voici venue la dernière étape, celle de la restitution des travaux réalisés avec la classe de CM1-CM2 de l’école de Mahaut.

Depuis plusieurs jours, les élèves me disent que je vais leur manquer, et c’est réciproque ; j’ai débarrassé mon atelier, tout a déjà un goût de départ. Les flamboyants sont en fleur, signe, me dit-on, que les grandes vacances approchent. Il fait de plus en plus chaud, on peut difficilement sortir si l’on n’a pas de chapeau, ou au moins de parapluie. Entre Mahaut et Pointe-Noire, la route est bordée d’un nombre impressionnant de manguiers dont le car et les voitures écrasent les fruits, laissant un tapis d’or moelleux. Il y a 80 variétés de mangues, M. Annerose, l’enseignant avec qui j’ai collaboré, m’en cite une dizaine. On voit de nombreux cueilleurs. Il est également possible d’en ramasser au bord du chemin. Allez savoir pourquoi, je ne tombe que sur des mangues communes, les mangofil.
Le groupe d’élèves qui m’est le plus fidèle m’aide à trier les dessins, à les installer en utilisant un niveau, à disposer nos réalisations en plâtre, ce qu’ils font avec grâce. Le jour de la restitution à l’école, plusieurs parents d’élèves viennent en matinée, alors que je suis là. Par petits groupes, les enfants font la médiation. Une fois leur timidité surpassée, ils expliquent notre projet avec justesse.
Et puis, c’est la fin. Le lendemain, j’installe l’exposition à la bibliothèque de Pointe-Noire où se rendront plusieurs classes du bourg, visites auxquelles je ne pourrai assister, car mon retour est imminent. Je n’ai plus que mon exposition à désinstaller, mes cartons à renvoyer, et il est déjà l’heure de prendre l’avion.

A l’heure où j’écris, il est 19h aux Antilles, 1h en métropole, et je me situe à mi-chemin, au dessus de l’Atlantique. La pleine lune brille entière à travers les hublots de l’avion. Ce que je retire de la partie de transmission des enfants, qui fut ma première expérience réelle avec une classe entière, c’est qu’outre mes projets personnels, je souhaite développer de nouveaux projets comme ceux-ci. Je les considère comme de véritables collaborations, qu’à long terme je voudrais être assez pertinentes pour constituer une part de mon travail tout aussi importante que mes réalisations personnelles. Mon travail s’oriente nettement vers des questions d’assimilation, de cultures croisées, de créolisation au sens large, et ce contenu renvoie évidemment à une forme collaborative. Ainsi, non seulement avec des enfants, mais en exploitant mes rencontres, mêmes brèves, avec des acteurs non seulement artistiques mais d’autres disciplines, je veux poursuivre ces projets à entrées multiples.

J’ai plusieurs pistes pour développer ces futurs projets de façon plus pertinente. Tout d’abord, mon travail, qui demeure assez porté sur la théorie, nécessite un jonglage permanent entre celle-ci et une traduction visant à la rendre plus compréhensible, moins abstraite. Ensuite, je voudrais chercher à laisser ces projets plus ouverts, en envisageant plusieurs pistes à proposer, plusieurs déroulés selon les envies des enfants. Enfin, leur dynamisme étant porté à des activités entières, mais brèves, il s’agit de proposer des interventions au rythme soutenu et aux changements fréquents.

Je remercie encore l’équipe de Création en Cours, la DAC Guadeloupe, particulièrement M. Toussaint, M. Knop et Mme Labeyle, la Maison du Patrimoine de Basse-Terre, Mme Radjouki et Mme Crane, Gwladys Gambie pour nos échanges riches et nombreux, mes colocataires, Axel, Morgane et Antoinette, l’équipe de l’école de Mahaut, notamment M. Annerose, Santiana, Joanna et Ludji, les archivistes des archives de Gourbeyre, ainsi que toutes les rencontres ayant nourri ce projet.