On commence la suite de histoires.

Deuxième round

Publié par Ariane Hugues

Journal du projet

Troisième semaine à l'école d'Eyjeaux. Le lundi, les élèves sont en sortie ; je passe la journée à travailler sur mon scénario. Le mardi est consacré à terminer les illustrations du début des histoires.

En quart de classe, par groupe de cinq ou six élèves, cette séance suffit à certains pour terminer, d'autres n'ont pas tout à fait fini. Avec ces derniers, on boucle les images le mercredi matin, en petits groupes. Voilà une bonne chose de faite !

Maintenant, nous allons devoir passer à la deuxième partie du projet : les enfants vont échanger leurs débuts d'histoires, et imaginer une fin pour l'histoire de quelqu'un d'autre. J'avais glissé cette information à certain.es au fil des séances, et au vu de leurs réactions, surprises et pas toujours très positives, j'appréhende un peu. Comment leur présenter la chose pour qu'iels acceptent de renoncer à leur création et de la laisser aux mains de quelqu'un.e d'autre ? Je décide de leur faire tirer au sort l'histoire qu'iels termineront, je pense que l'aspect ludique et surprenant évitera les disputes.

Jeudi, on commence la séance (toujours par groupes de cinq ou six) en regardant un accrochage des images produites par tout le monde, ce qu'ils ont, finalement, peu fait depuis le début (d'ailleurs, je me dit en écrivant ces mots qu'amener un peu plus de collectif dans ces ateliers ne ferait pas de mal). Je les interroge sur ce qu'ils voient. Est-ce qu'il y a des images qu'ils trouvent particulièrement réussies, ou qui leur plaisent, et pourquoi ? Étonnamment, les quatre groupes flashent successivement sur les deux même images (évidemment pas du tout celles que j'aurais choisies moi...). "C'est bien fait", "c'est bien détaillé". Ok, ce n'est pas vraiment ce que j'attendais. J'essaye donc de leur faire regarder les autres images, de leur faire prendre conscience des différentes façons de construire une image, d'utiliser l'outil fusain, le trait, les masses, les matières, et l'effet qu'ils produisent. Ce n'est pas évident de leur apprendre à regarder avec attention : iels se focalisent tout de suite sur ce qui est représenté, et pas du tout sur comment c'est représenté. J'essaye aussi d'attirer leur attention sur le fait qu'une grande majorité de la classe utilise le même cadrage : un plan large, le ciel collé en haut de la feuille, le sol plaqué en bas. Pas facile de leur expliquer ce qu'est un gros plan, la notion de point de vue, comment décider ce qu'on veut mettre en valeur dans l'image ! Pour la prochaine semaine d'atelier, je vais essayer de leur préparer une activité là-dessus. Je vais également essayer de leur faire expliquer comment construire des personnages, pour que ceux qui ont du mal se sentent moins limités dans leur dessin. Peut-être une séance à base de pâte à modeler pour leur permettre de créer leurs propres modèles ? 
Mais je m'éloigne du sujet : ensuite je leur lis une histoire, Crotte de nez, d'Alan Mets. Je l'ai choisie car elle raconte l'histoire d'un petit cochon sale qui utilise son odeur et sa saleté pour dégoûter le loup et ne pas se faire dévorer. J'essaye de les mettre sur la piste de leurs fins d'histoires : pour trouver une juste, ils peuvent se servir des éléments déjà présents dans l'histoire pour créer un retournement de situation, quelque chose de surprenant. Je leur dis aussi que l'histoire peut se finir bien ou mal. (Par la suite iels me redemanderont de leur lire une histoire : à refaire).
Ensuite vient l'heure du tirage au sort.... Soulagement ! : à part deux enfants, ils acceptent sans trop de difficulté de devoir "laisser" leur histoire à quelqu'un d'autre. Des combinaisons et des collisions d'imaginaires assez rigolotes se forment. Des idées de fins inattendues émergent.

Je retrouve le problème de différence de rythme entre les enfants : certains ont à peine écrit trois mots que d'autres veulent déjà passer à la suite. Pour gérer ça, je leur propose dès le vendredi matin de commencer leurs chemins de fer. D'ailleurs, j'hésite sur la marche à suivre : au premier round des histoires, j'ai l'impression qu'il était difficile pour elleux d'accepter l'utilité du découpage, du crayonné, et plus encore qu'à l'étape fusain, ils avaient du coup tendance à décalquer le crayon à papier et à se priver de certaines possibilité techniques du fusain. Est-ce que tous ces brouillons ne leur faisaient pas perdre en énergie et en spontanéité ? Iels n'ont pas du tout l'habitude de la recherche : pour eux, ce n'est pas bien de faire des ratures, de réécrire plusieurs fois les choses. Ils écrivent, corrigent à l'effaceur ou au blanco : l'erreur ou le tâtonnement ont finalement peu de place dans la production écritre à l'école primaire. J'aurais du leur montrer des extraits de mes carnets à moi, ou d'autres artistes, car finalement, le brouillon d'artiste est aussi codifié, organisé d'une certaine façon que j'ai apprise au fil des années, sans m'en rendre compte. Mais, bref, je me demande si je ne devrais pas directement les faire passer du chemin de fer à l'illustration finale. Cela nous ferait gagner du temps pour des petites activités annexes autour du dessin, et éviter la lassitude qui pointe son nez dans les longues séances d'1h30. Car la gestion du temps commence à se poser plus sérieusement : on a désormais dépassé la moitié du projet. Je pensais les faire travailler un peu sur la mise en page, la reliure, etc. Je me demande à présent si c'est opportun, et surtout si nous aurons le temps...

La suite au mois de mai !

Troisième semaine à Eyjeaux