Manipuler les sons avec les mains

La matière, le papier et la timeline

Publié par Guisane Humeau

Le montage est une de mes étapes préférée. La matière est réunie, elle est là, avec tous ces défauts, ses pleins, ses creux, et il s'agit de lui donner une forme. L'écriture se fait en fabricant, le stylo est remisé au fond du sac. C'est au tour des oreilles de mener la danse ? Et bien non, j'ai redécouvert le montage-papier, et cette étape m'a redonné goût au montage rêvé, au montage loin des ordinateurs.

Les sons ont été écoutés, rangés et classés. La composition peut commencer. Le montage-papier est un outil merveilleux et plein de surprises pour débuter une réflexion. C'est ce que j'ai proposé aux cinq groupes d'enfants avec qui j'ai exploré le son et l'ennui tout au long de l'année. Ils ont noté sur des bouts de papiers colorés les différentes matières qu'ils avaient enregistrées : entretiens, sound painting (dont je parlerai plus en détails dans un autre article), bruitages, paysages sonores. Ils ont assemblé, superposé, imaginé ce que ça donnerait, discuté et débattu, pour créer ensemble leur montage rêvé.

Ensuite j'ai assemblé les sons dans mon logiciel de montage en suivant méticuleusement les indications des montages-papier. Et le résultat est surprenant, décalé, subtile. Passer par le papier autorise des transitions auxquelles on ne pense pas forcément quand on travaille sur logiciel. Le fait de séparer les étapes de dérushage et de montage me plaît. J'ai hâte de leur faire écouter le résultat qu'il pourront ensuite modifier et transformer pendant l'étape du mixage.

Je n'avais pas spécialement prévu de faire un montage papier dans mon projet de création personnelle, mais de voir les enfants manipuler les sons avec leur imagination m'a donné envie de faire comme eux, et de moi aussi passer par cette étape pour faire une sorte de premier assemblage. Je vais prendre le temps de détailler ma matière, de l'imaginer, avant de la composer concrètement.

Cette matière est riche, il y a des textes dans ma voix, des gens qui crient dans la forêt, des entretiens avec les enfants. Le temps a filé et l'ennui nous a fait faux-bond. Je dois lui courir après, le convoquer, le provoquer, fouiller dans mes souvenirs et dans ceux des enfants qui se répondent et s'emmêlent parfois dans un silence circonspect. J'ai hâte et peur de la partager.