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Le 26 avril, journée de répétition hors des murs de l'école

Publié par Camille Le Jeune

Journal du projet

Lors de ma résidence artistique au Logelloù (Penvénan-22) pour ma deuxième étape de création, la classe de Saint-Péver s'est déplacée pour une journée de répétition sur place, l'occasion de leur montrer ma première étape de création, et de recueillir leurs questionnements et leurs propositions !

Il est 11h quand les élèves, accompagnés de leur institutrice, d'une future enseignante en formation et d'un parent d'élève, foulent du pied le plancher de la salle de répétitions du Logelloù, à Penvénan.

Le lieu se trouve également dans les Côtes d'Armor, mais à environ une heure de route de leur école.

Après une visite et présentation de ce bâtiment, qui est une ancienne école rénovée depuis 2015 en lieu de résidence artistique, je leur ai présenté mon étape de création du projet Héritages.

Leur montrer ainsi mon spectacle m'a permis avant tout d'aborder avec eux une notion que nous avions déjà approchée : le quatrième mur.

Au cours de mes deux résidences de création, j'ai pu m'apercevoir à quel point le quatrième mur était important dans mon spectacle – pour créer une bulle de fiction, une intimité entre le personnage que j'interprète et le landau- et à quel point j'avais aussi le besoin de pouvoir briser par moment cette séparation entre le public et moi.

J'avais prévenu les enfants de ces moments de bascule, où tout d'un coup on se retrouve dans le même espace-temps, -mais tout en restant dans la fiction-, car ce peut être déstabilisant, même pour un adulte.

L'illusion

J'ai également pu aborder avec eux la notion de l'illusion.

Extrait d'une discussion avec un élève, suite à la présentation :

 

« _ C'est quand même bizarre parce qu'il n'y a pas de bébé dans le landau.

_ Et à aucun moment tu n'as pu croire qu'il y avait vraiment un bébé ?

_ Bah, non, puisque je sais qu'il n'y en a pas.

_ Et si, par exemple, cette histoire tu ne l'avais pas vue comme ça dans une salle de théâtre, mais que tu l'avais vue par exemple à la télé. Sans voir à l'intérieur du landau, est-ce que tu aurais pu croire qu'il y avait un bébé dedans ?

_ Peut-être, je ne sais pas. »

 

Cette remarque a ouvert sur un débat entre les élèves, dont voici les principaux arguments:

 

« _ Si, on pouvait croire qu'il y avait un bébé dans le landau, parce qu'il y avait des réactions.

_Non, justement, un bébé ça pleure tout le temps, et là on ne l'a jamais entendu.

_ Oui, mais elle avait des réactions comme s'il y avait vraiment un bébé dedans. »

Extrait du spectacle Héritages pendant la présentation aux élèves de Saint-Péver
Extrait du spectacle Héritages pendant la présentation aux élèves de Saint-Péver
Extrait du spectacle Héritages, pendant la présentation aux élèves de Saint-Péver

Matérialiser l'héritage psychologique

Dans cette fiction, j'ai choisi de matérialiser l'héritage psychologique, pour que la transmission ne soit pas uniquement orale, pour qu'il y ait un geste concret et physique de l'ordre du don, du personnage de la mère vers celui du nourrisson. Cet objet, je ne l'ai pas encore trouvé ; l'occasion pour les enfants de me faire leurs suggestions.

Plusieurs m'ont suggéré que cet objet soit un doudou qui appartenait à Maryvonne, l'arrière-arrière-grand-mère et qu'il ait traversé les années, comme son histoire.

Les autres objets qui ont été suggérés sont une boîte à musique, une boule de cristal, une turbulette qui aurait aussi appartenu à Maryvonne et qui se serait transmise ainsi de génération en génération, et une serviette.

La serviette est un élément d'un conte de Luzel que nous avions vu ensemble lors d'une journée. Dans le conte en question, intitulé Crampouès et les talismans (traduction du mot crêpe, dans le pays du Tregor au XIXè. Aujourd'hui, avec l'uniformisation de la langue bretonne, on le trouve plus couramment écrit ainsi : krampouz), la serviette a une vertu magique pour celui qui la possède : elle lui délivre autant à boire et à manger qu'il le désire.

Cette idée d'un élève de la classe permet de faire un nouveau pont avec les contes de Luzel, que je n'avais pas envisagé jusqu'à présent. 

Échauffement collectif
Échauffement collectif

La fin heureuse

Enfin, j'ai souhaité ne pas leur montrer l'entièreté de mon étape de création, (cf article intitulé Résidence au Logelloù - aiguiser ses choix) mais je leur ai demandé d'inventer la fin du conte, l'histoire de Maryvonne que je raconte. Si pour un élève, le personnage connaît irrémédiablement une fin tragique, pour les autres la quête du happy end et de la résolution du conflit est flagrante.

Ils ont bien en tête les éléments structurels de cette histoire (vraie) : une petite fille de leur âge, à la fin du XIXè siècle, fait une chute. Faute d'argent pour payer la guérison de sa jambe, elle cesse de grandir, garde ce handicap toute sa vie, et se retrouve alors mendiante.

Pour les élèves, la guérison et l'amour sont étroitement liés au bonheur, à la fin heureuse de Maryvonne. Ainsi, j'ai eu comme suggestion qu'en allant mendier, un jour, elle rencontre un riche monsieur qui tombe amoureux d'elle et paye la machine nécessaire à la guérison de sa jambe.

Dans cette résolution, non seulement elle parvient à guérir de son handicap et récupère toute sa mobilité, mais en plus, elle se met à grandir d'un coup et à atteindre la taille d'une femme adulte.

Ils se marièrent et vécurent heureux toute leur vie.

Une autre idée dramaturgique assez originale m'a été proposée : Maryvonne, également en allant mendier, un jour rencontre une personne de petite taille comme elle. Ils tombent amoureux, décident de se marier, et aussitôt se mettent à grandir tous les deux ensemble.