pam5 sur la plage

Le monde continue de danser

Publié par Cecilia Galli

Où l'on écoute ce que ces semaines de danse ont déposé en nous.

Nous nous sommes éloignées de l'île, mais d'une certaine façon elle continue à nous habiter. Des petits bout resurgissent sans crier gare, dans les rythmes d'une musique ou les couleurs d'un paysage. Il était formellement interdit d'embarquer des coquillages ou des bouts de corail dans nos valises, mais nous avons eu mieux ! Des mots et des images précieusement récoltés auprès de nos petits camarades de travail...

"Qu'est-ce que tu as retenu du stage de danse?"

"As-tu des images ou événements qui t'ont marqué?"

"Maintenant as-tu toujours le même regard sur la danse?"

Ce sont les questions que nous avons posées aux enfants quand nous sommes parties. Nous voulions avoir leur regard, leurs impressions sur ce qu'ils avaient vécu. Pour pouvoir avoir du recul sur notre travail et nous améliorer encore. Leurs mots et dessins nous touchent beaucoup : ceux qui expriment leur enthousiasme et leur amour pour la danse, ceux qui nous lancent la prière de revenir, ceux qui dessinent des coeurs et des danseuses de flamenco et ceux qui manifestent leur mécontentement pour ces activités. Même de ceux-là nous sommes ravies, parce que heureusement nous ne sommes pas tous pareil, et certains d'entre eux ont d'autres passions, comme le dessin ou le rugby. Mais cela ne les a pas empêché de participer à des activités de groupe, qui ont été fédératrices pour la classe.

Pour nous, ce mois et demi à Mayotte a été très enrichissant, sous de nombreux aspects : humain, culturel, professionnel et personnel. En plus des images magnifiques qui nous tournent dans la tête et du goût des avocats mûrs, à peine cueillis, nous repartons avec plus de questions que de réponses.

Nos questionnements portent en partie sur notre place au sein de l'enseignement. Qu'est-ce que nous avons apporté aux enfants ? Comment perçoivent-ils la découverte de danses parfois si éloignées des leurs ? Comment peuvent-ils nous faire part de leurs pratiques, notamment la danse afro contemporaine ou le hip hop ? Comment pouvons nous amplifier encore plus cet échange, qui a été limité dans le temps ? Notre présence sur place nous a donné encore plus d'idées et nous aurions dû rester un an pour pouvoir réaliser toutes les activités rêvées. Nous sommes conscientes que peut-être ce qui restera aux enfants sera un souvenir d'un moment passé avec les copains, ou des acrobaties à la plage. Mais ce qui nous rend heureuses c'est d'entendre des phrases comme “j'ai appris qu'il faut mettre sa joie et sa colère dans la danse”.

Nous gardons avec nous l’image des visages barbouillés de couleurs, des étonnements face à ces danses du monde « vraiment bizarres », et des petits corps qui se déhanchent sur la plage.

Et puis en dehors des heures de travail avec les enfants, nous avons découvert l'île sous de nombreux autres aspects.

Nous avons questionné notre pratique de danse, notre manière d'ancrer une danse dans un paysage, un lieu, un contexte. Celui-ci s'est révélé très complexe et riche, parfois difficile à cerner.

Nous avons rencontré le fondateur de la compagnie Kazyadance, qui investit toutes ses forces dans la création d'un lieu culturel et vivant dédié à la recherche et à la danse. Faute de moyens, l'entraide et l'engagement des jeunes danseurs permet la création de festivals et initiatives de quartier.

Nous avons fait des entretiens avec le fondateur de l'association de Chigoma de Pamandzi. Cette danse traditionnelle est pour lui une bénédiction et une bouée pour ne pas sombrer à cause de ses problèmes personnels. Il a partagé sa triste histoire avec nous, toujours avec un gros sourire et une grande force.

Nous avons échangé avec la fondatrice de l'association de Chakacha, qui depuis près d'un demi siècle perpétue cette tradition.

Nous avons dansé avec des danseurs comoriens, dans le cadre de performances filmées. Nous avons investi avec eux des lieux insolites et partagé notre passion pour la danse et le voyage. Ils nous ont raconté comment la danse les a portés à se déplacer (parfois malgré eux) et nous avons retracé ensemble tout leur parcours. Certains ont dû échapper à une situation politico-sociale très critique qui menaçait leur vies.

Enfin nous avons essayé de nous fondre dans le paysage et dans la culture, de comprendre la langue mahoraise, la façon de s'habiller, de manger, de partager.

Et deux semaines après notre départ, deux danseurs de la compagnie Kazyadance avec qui nous avons travaillé ont été rappelés par la directrice de l’école, Karima, pour encadrer des ateliers lors du passage de la flamme olympique des Jeux des îles. Il se pourrait qu’un cours de danse se mette en place durant l’année scolaire prochaine...

Les activités danse ne s’arrêteront donc pas à Pamanzi 5 ?!

Nous comptons en tout cas sur les élèves pour qu’ils continuent d’eux-mêmes leur pratique.

Nous sommes reparties avec dans nos valises du sable encore infiltré dans les chaussures et les chaussettes, mais avec une envie particulière d’y revenir pour poursuivre le travail amorcé avec les acteurs de la danse en petite terre. Les adresses e-mail et les numéros de téléphone sont échangés.

De retour en métropole, nous attend à présent un grand tri de la matière filmée. Cette matière sauvage qui a été captée tout au long du séjour, au fil des rencontres et des découvertes, parfois filmée au téléphone portable à la tombée nuit. Rien ne se perd... C’est une deuxième écriture qui va s’amorcer avec le travail de montage. Nous allons prendre de la hauteur sur le séjour, pour le redécouvrir et l’ausculter une deuxième fois en image.

C’est un bout de l’île que nous gardons derrière les écrans de nos ordinateurs !

Les retours des élèves

deux semaines après la fin des ateliers, nous avons demandé aux instituteurs de proposer aux élèves d'écrire ou de dessiner ce que l'expérience avait laissé en eux. Heidi, qui était encore sur place, a pu récupérer une jolie pile de mots et de couleurs. En voici un échantillon !