Baratte à beurre - objet du Musée-maison de M. et Mme. Pignault

Le Musée-maison de M. et Mme Pignault, route d'Alençon, 612300, Gacé - Fermé définitivement

Publié par Nathalie Bekhouche

Journal du projet
Installation Sculpture écriture et tissage

Après avoir visité la Manufacture Bohin, je décidai de m'attaquer à un autre point crucial du patrimoine normand : le camembert. La camembert avait pour moi le même statut ambigu que les aiguilles. Il représente quelque chose de traditionnel, très cliché, et pourtant, en sillonnant les routes de l'Orne, on ne peut que constater l'évidence du travail du lait dans ce département, tellement il y a de vaches. Le camembert est un stéréotype au même titre qu'il n'est pas un stéréotype. Pour tenter de démêler ce paradoxe, et comprendre son identité "traditionnelle" et clichée, je me rendis à la Maison du Camembert de Vimoutiers. 

Going back home

Vimoutiers fait parti des quelques villes comme L'Aigle, Alençon et Argentan, dont ma grand mère parlait tout le temps, que je n'avais littéralement jamais visitées. Je me souviendrai toujours de la manière particulière dont elle prononçait ce nom, inimitable à l'écrit. J'avais le sentiment de connaître Vimoutiers, sans connaître Vimoutiers. J'avais cependant décidé de mettre de côté mes souvenirs pour étudier concrètement les savoir-faire autour du lait, dans l'Orne. Je cherchais à comprendre la limite entre le folklore et le réel. Je savais néanmoins que cette frontière serait probablement floue. De la même manière que la frontière entre réalité et fiction est souvent trouble.

Le musée était assez didactique, expliquant les différentes étapes de fabrication du fromage. Pour donner un fond concret visuel, sur lequel s'appuyer, de nombreux objets étaient exposés et reparties en "groupe de genre", en fonction de leur usage. Ils étaient plus ou moins entassés et me faisaient penser à ces musées de collectionneurs frénétiques ou ces magasins de seconde main qui vendent des série d'objets "identiques". La visite commençait par la présentation de la fameuse vache normande et de la méthode de trait, pour se poursuivre par les différentes étapes de transformations. Dans cette circulation, à l'instar de la Manufacture Bohin, avant d'avoir accès au "folklores", on doit d'abord apprendre, de manière concrète les gestes et les savoir-faire, toujours actuels. Finalement, quelque soit la production finale, aiguille ou camembert, il y a toujours cette dichotomie entre le geste, très technique, très concret et les objets exposés, porteurs de récits plus ou moins mythologiques...

Maison du Camembert

Au fur et à mesure que ma visite se poursuivait, je devais me rendre à une évidence : tous ces objets, je les connaissais. Je les connaissais même très bien. C'était les mêmes que ceux qui avaient longtemps décorés la maison de mes grands-parents. J'avais commencé ma résidence par un essais intitulé "We'll remember you for ever Mamie" où je décrivais mon rapport étrange à tous les objets pittoresques de leur maison, presque trop clichés pour me sembler réels à l'époque. Et pourtant, perdue au milieu de la Maison du camembert, que je n'avais jamais visitée, dans une ville où je n'avais jamais mis les pieds, je me sentais "chez moi".

A une toute autre échelle qu'à l'usine Bohin, j'avais le sentiment d'enfin comprendre. J'avais toujours entendu mon grand-père dire "ça, c'est un bon camembert, parce que...". Il était directeur de laiterie. Tous les objets associés aux savoir faire du lait et du fil, qui peuplaient la maison de mes grands-parents, ne m'apparaissaient plus si "exotiques" que ça. Tout ceci était logique, presque indiscutable. Et, à l'instar de ma visite à la Manufacture Bohin, tout me semblait s'entremêler, se tisser. Tout était lié. Mon histoire, les savoir-faire, le patrimoine officiel, il n'y avait plus de frontière, tout était poreux. J'aurai pu partir de n'importe quel objet, aussi anecdotique soit-il, pour raconter et décrire l'Histoire et le territoire ornais dans sa complexité et sa globalité. Et c'est précisément ce que je commençais à imaginer pour la suite du projet.

L'idée de devoir traiter mes propres souvenirs comme matériau de recherches m'avait posé problème. J'avais l'impression que cette matière était trop sensible et spécifique pour faire sens. Mais, à la Maison du camembert, je réalisais que la maison de mes grand-parents était comme une sorte de musée de la Normandie. J'avais toujours été baignée dans l'Histoire, par leurs histoires, sans m'en rendre compte. 

Quitte à faire un grand tour de l'Orne, dont le point de départ était Gacé, pour finalement arriver à Gacé, je pensai qu'il fallait approfondir sérieusement ces recherches.

Je savais qu'à Gacé vivait un spécialiste de l'Histoire de l'Orne : M. Choulet.