Image montrant des philactères et rubans méticuleusement archivés par ma grand mère.

Le projet initial

Publié par Pauline Fremaux

Les envies de travail autour desquelles s'articulent le projet, au départ, sont toutes liées à ce qui fonde le caractère politique du langage, et des langues. Comment donc, dans le cadre d'un travail mêlant choses visuelles et textuelles (volume, photographie, et image au sens large), aménager un espace permettant les rencontres ? Ou plutôt comment établir ce travail grâce à l'aménagement d'un espace assez inclusif, qui constituerait à la fois un lieu d'échange, de collecte, d'archivage et donc de consultation, et de dépôt de choses, d'objets ; bref, un lieu dans lequel on se sent libre d'entrer, libre d'utiliser, et qui rend plus transparent le travail de représentation.

Les envies de travail autour desquelles s'articulent le projet, au départ, sont toutes liées à ce qui fonde le caractère politique du langage, et des langues. Comment donc, dans le cadre d'un travail mêlant choses visuelles et textuelles (volume, photographie, et image au sens large), aménager un espace permettant les rencontres ? Ou plutôt comment établir ce travail grâce à l'aménagement d'un espace assez inclusif, qui constituerait à la fois un lieu d'échange, de collecte, d'archivage et donc de consultation, et de dépôt de choses, d'objets ; bref, un lieu dans lequel on se sent libre d'entrer, qu'on se sent libre d'utiliser, et qui rend plus transparent le travail de représentation.

Participer à multiplier les foyers de représentation (visuelle, sociale), par et pour les personnes concernées, et à désamorcer les « impensés » de la représentation, de la visibilité, analyser les biais structurels du langage, de la culture, leur absence de neutralité liée à une histoire qui elle non plus n'est pas neutre, est un pas vers la constitution d'un continuum d'images conscient de ce qui l'a précédé, ce qu'il implique, et donc peut être moins violent dans ce qu'il propose.

J'aimerais pouvoir organiser des sortes de tables rondes, toutes axées sur certaines particularités du langage, des langues, de la traduction, de l'espace politique et fictionnel qu'elles ouvrent, de leur parenté avec le monde des images concrètes, de leur manière de renfermer une histoire et une culture qui les placent de fait dans la balance de l'espace social. Ces tables rondes, je les imagine sous la forme de discussions publiques d'une à deux heures, succédant à des rencontres plus informelles, entre divers corps de métiers et corps sociaux, dont le point commun est de mettre l'échange au centre de leurs pratiques ou analyses ; des chercheurs/théoriciens/linguistes, ou travaillant en sémiologie ou iconographie, des locuteurs et locutrices de certaines langues dont la pratique n'est pas forcément le métier (je m'intéresse particulièrement aux « langues intimes », telles que les décrit Nurith Aviv dans Yiddish (documentaire, 2020, 60 mn, Les Films d'Ici, Laila Films, France Télévisions), ou des ami.es qui sont amené.es à parler dans leur quotidien plusieurs langues, dont certaines semblent soit proscrites suite à des conflits/animosités/discriminations les mettant en danger, soit juste oubliées et donc restées fondamentalement liées à un domaine ou à une transmission liée à des traditions intimes, etc.), des personnes dont l'héritage culturel « domestique » est passé sous silence (comme souvent c'est le cas dans les familles pour les femmes), et dont parfois l'exercice de ces savoirs informels (tricot, couture, etc.), s'accompagne de récits/paroles/discussions répétées, liées à l'action entreprise, des personnes travaillant dans le domaine de la linguistique appliquée ou des neurosciences (orthophonie, neurologie, psychiatrie, avec plus de pincettes), des personnes autistes verbales et non-verbales (je suis moi-même autiste), qui auraient envie de parler de leur rapport à l'expression, ou encore toute personne intéressée par un usage spécifique ou une relation spécifique entre image, parole, et texte (par exemple, des enfants, qui font parfois assez vite la transition entre diverses "imagéités" de signes, dans leur expression gestuelle/physique/verbale, etc).

Je pense au travail de Falke Pisano (artiste, 1978-), et j'aimerais, au cours de cette résidence, et autour de cette situation idéale (organisation possible, et accessible, de ces espaces de réflexion/expression), pouvoir construire des supports pour mettre à disposition les collectes de matériaux visuels/textuels effectuées pendant ces moments et en parallèle (bien entendu, au fur et à mesure du travail, ils pourront servir aussi, s'il y a lieu, de base de discussion), dans la veine de mes précédents projets, et aussi construire l'espace des échanges lui-même, de manière à ce que les paramètres des échanges souvent laissés de coté comme insignifiants (gestuelle, qui se sent la possibilité de prendre de l'espace physique, de s'étendre sur la table, ou pas, de faire des gestes marqués, ou pas, de bouger, ou pas, etc), soient conservés comme parfois la trace principale d'un moment d'échange, ou d'une relation. Certes, ces traces révèleraient peut être certains enjeux proches de rapports de pouvoirs-si infimes soient ils, mais aussi seraient de belles partitions à posteriori, permettant de comprendre ce qui a eu lieu sous un autre angle, de pouvoir rendre cela dialectique en revenant dessus, et de considérer aussi ces marqueurs comme dignes de place - et comme des éléments esthétiques proches finalement, de tous les autres signes déployés.

Bandes de sable disposées sur le plateau de tables légèrement creusées, émulsions photosensibles à base de plantes, poudres fines, ou simple textile dont la fibre selon le mouvement qui lui est apposé, se brossent dans un sens ou l'autre... Cela n'empêchant pas de développer d'autres structures, mais permettant de poser l'accent sur les échanges qui ont lieu. Il s'agirait donc finalement de construire un ensemble de bureaux, tout en répondant à une envie de portrait, de discussion, de comparaison de supports, et de construction collective (bien sûr dépendante de la possibilité de se déplace pour les personnes invitées, et des envies/ disponibilité des personnes vivant dans la région). Plusieurs matériaux ou techniques m'intéressent dans ce cadre, soit qu'ils se dédient plus à un travail parallèle, mais relié, de sculpture, soit qu'ils se destinent précisément à ces tables rondes, ce qu'elles demandent/à hybrider ces deux premières propositions : du bois, du verre gravé, des matériaux de photographie alternatifs, ou non, de la sérigraphie, de la gravure et du textile...

dessin montrant de petits peignes doubles, qui semblent classer un ensemble de plans, en les faisant donc apparaitre reliés les une aux autres.
Dessin de structure
élément d'un abécédaire gravé sur le tain d'un miroir, la lettre A figure au centre d'un visage de femme dont on ne voit que la bouche.
élément d'un abécédaire gravé sur le tain de miroirs, détail d'une structure en cours.
Image d'une sorte d'espace de travail, où s'enchevêtrent des plans de différentes couleurs, partie du travail de Falke Pisano.
Falke Pisano