Thomas Couppey, interprète

Ma meilleure récré ?

Publié par Eliakim Sénégas-Lajus

Journal du projet

Chacun·e des interprètes de Bande d'enfants présent·es à un moment lors de la résidence de transmission à l'école de Cozes a écrit une petite contribution, en hommage à cette période passée auprès des enfants.

Voici celle de Thomas.

Ma meilleure récré ?
Celle où tout les codes
Les lois tacites entendues
Filles
Garçons d’un côté
Sont abolies
Ils ne le diraient pas comme ça
Quand on a joué à garçon attrape fille
Quand je suis resté-e caché-e dans les couloirs
Quand j’ai embrassé bidule derrière le préau
Quand les maîtres et maîtresses ont oublié de sonner la fin de la récré

 

On n’essaie de s’accorder on ne s’entend pas toujours on se demande quelle posture prendre

 

J’étais un mauvais bon élève
Je me sens un peu perdu ici et pourtant je suis bien entouré 

 

Qui décide des règles pendant la recréation ?
Celui où celle qui a la plus grande popularité

Qui allie une autorité naturelle répond à des schémas ancestraux sait jouer des coudes
Ils ne le diraient pas comme ça
Machine parce que c’est la fille la plus belle
Truc parce qu’il joue le mieux au foot
Surtout pas lui qui fait tout comme les filles ou elle qui est hyper timide 

 

On se baigne on ne pense pas au travail on ne s’entend pas toujours sur la marche à suivre on tatonne dans l’espace 

 

Je me demande ce qui différencie l’ordre du conseil je me dis que ma pensée et ma parole ne sont pas justes et je lutte avec le  grand temps 

 

Ma pire récré ?
Celle où il n’y a rien à faire où ils-elles sont toujours exclu-es renvoyé-es à leurs rôles l’idée de leurs rôles celle vécue comme une punition un temps pourri de l’école de la confrontation sauvage à l’autre à sa capacité à faire du mal celle où les tensions montent sans se résoudre sans trouver de pardon celle où ces individus en création sont rendus invisibles
Ils ne le diraient pas comme ça
Elle a passé la récré toute seule en gardant un œil sur les copines qui maintenant ne veulent plus lui parler
Il a pleuré dans un coin sur son humiliation parce qu’ils ont refusé qu’il joue au foot avec eux
Il a attendu la fin de la récré parce que ce jour-là sa seule amie était absente 

 

On parle de nos histoires d’amour tente de faire des plaisanteries on s’isole parfois et mangeons malgré tout ensemble on rend le moment un peu oisif 

 

Je me convainc que rien n’est fixé, que mon étroitesse trouvera des issues et je mets en veille mon sentiment d’illégitimité 

Aujourd’hui, dans mon métier d’artiste, suis-je resté le même élève que j’étais ? 

 

Quelles types de récréations s’inventent-on une fois adulte ? Quelles règles ? Quel fonctionnement ? Qui décide quoi ? Maintenant que la déconstruction de notre enfance est en route