Les élèves en train d'apprendre leur texte

Notre place dans le temps et dans la fiction

Publié par Camille Le Jeune

Journal du projet

En parallèle des contes de Basse Bretagne du XIXè siècle, j'ai proposé aux élèves, sur deux journées, de nous raconter des souvenirs d'enfance collectés préalablement auprès de leurs grands-parents. Je leur ai également demandé de nous raconter des souvenirs à eux, des événements qui les ont marqués collectivement ou individuellement dans le cadre de l'école, où ils sont tous ensemble.

Enquêter sur le passé

L'idée est de nous fabriquer un matériau commun, constitué de souvenirs, d'histoires (vraies) d'hier et d'aujourd'hui, et proches de nous (dont on connaît la source du récit, c'est-à-dire la personne à qui l'événement est arrivé), des contes inventés par les élèves et des contes de Luzel.

Ce matériau commun est comme un coffre dans lequel on range ses jouets. Sauf qu'ici, ce coffre est notre mémoire, et les jouets sont nos souvenirs.

En proposant ce travail, j'avais deux objectifs :

Le premier était que les élèves puissent plus facilement imaginer concrètement les différences entre leur vie d'enfant d'aujourd'hui, et celle d'un enfant d'il y a soixante, soixante-dix ans, pour progressivement essayer d'imaginer la vie qu'ils auraient pu avoir au XIXè siècle, comme les personnages des contes de Luzel (éléments fantastiques mis à part).

Certains élèves, en plus de leur collecte de souvenirs, nous ont également apporté des objets : des cahiers d'écoliers et des jouets en bois d'un grand-père, une poupée en porcelaine d'une arrière-grand-mère, l'ombrelle de mariage d'une grand-mère transmise à sa fille pour son mariage également et apportée en classe par sa petite fille...

Enfin, une élève a relevé le défi au-delà de ce que j'imaginais, en nous témoignant le souvenir de sa grand-mère à la première personne du singulier !

Nous avons également traversé une journée où chaque enfant présentait à la classe un objet qui était important pour lui. Je cherchais à ce moment-là à ce que chaque élève éprouve le regard de ses camarades sur soi, surtout pour ceux qui n'avaient pas de conte inventé à partager. L'objet pour moi n'était alors qu'un prétexte à libérer la parole. Pourtant, cet exercice a eu pour incidence de rapprocher les élèves entre eux. Chacun ayant ainsi offert une part de lui à travers cette présentation a provoqué une complicité nouvelle entre eux, une cohésion de groupe. La directrice a d'ailleurs salué ce moment qu'elle a jugé bénéfique à la fois pour les élèves individuellement et pour la classe.

De vieux cahiers d'écoliers et les jouets en bois de son grand-père ont été apportés par un élève pour nous les partager.
De vieux cahiers d'écoliers et les jouets en bois de son grand-père ont été apportés par un élève pour nous les partager.
Travail en amont de la répétition pour trouver l'endroit stratégique de chaque élève, en regard de son rôle à jouer à ce moment précis
Travail en amont de la répétition pour trouver l'endroit stratégique de chaque élève, en regard de son rôle à jouer à ce moment précis

Un spectacle collectif

Mon deuxième objectif avec la métaphore du coffre à jouets était de créer une œuvre collective, un spectacle porté par le groupe.

Au-delà d'une esthétique de mise en scène, je suis persuadée que ce choix est porteur pour les élèves, car il leur permet de se sentir concernés tout le temps de la répétition/représentation, et responsables du bon déroulé de leur histoire qu'ils racontent toutes et tous ensemble. Les différences d'âges et de niveaux (les CE2, CM1 et CM2 sont mélangés), et par conséquent les différents degrés de confiance en soi, ont aussi influencé mon choix. Je voulais éviter le plus possible qu'on ressente des écarts entre les élèves, que certains soient plus mis en valeur que d'autres. Ainsi, chaque enfant a sa place dans le groupe, au sein du spectacle, et a sa partition à jouer. Chaque élément est important.

D'autre part, n'étant pas conteuse mais comédienne, je trouvais plus simple et plus juste d'orienter les élèves davantage vers le théâtre que vers le conte. Et, à l'instar du spectacle Héritages que je suis en train de créer en parallèle de ma résidence dans l'école de Saint-Péver, dans lequel j'entremêle une histoire vraie avec les contes, je souhaitais faire porter aux élèves une histoire qui les touche personnellement, dans laquelle ils tiennent une place aussi comme protagoniste, et pas seulement comme comédien. Ainsi, ils ont pu se rendre témoins du passage de certaines anecdotes de la réalité à la fiction, de la transformation de certains des jouets de notre coffre.

Le moment présent, les faire jouer avec ce qui les entoure, se faire confiance à eux-mêmes et à leurs camarades/partenaires de jeu, sont autant d'éléments que j'ai voulu aussi mettre en avant à travers une fiction.