PARTITIONS ORNITHOLOGIQUES 3

PARTITIONS ORNITHOLOGIQUES 3

Publié par Guillaume Hermen

Journal du projet

S’immerger dans la réalité temporelle des oiseaux en adaptant les partitions en objets cinématographiques

La réalisation des 5 Partitions ornithologiques nous  offre une visualisation de plus en plus précise de notre restitution/exposition du mardi 3 juillet 2018. Répartis dans l’espace de la salle polyvalente de Curemonte, située juste en dessous de la salle de classe, les panneaux deviendront 5 points d’attraction sonores et colorés, d’où le public pourra apprécier de ses tympans les chants d’oiseaux diffusés en boucle à proximité de leur partition et de son regard le détail des contours mélodiques et rythmiques de ce même chant. Mais une question surgit : le public aura la possibilité de l’apprécier, mais l’appréciera-t-il véritablement ? Autrement dit, avons-nous réellement mis toutes les chances de notre côté pour qu’une personne pour qui notre propos est absolument nouveau et potentiellement très abstrait puisse en saisir l’essence ? Ne ressentons-nous pas un petit goût amer d’échec et d’inutilité lorsqu’un public, comme dans un self-service, déambule d’une œuvre à l’autre sans éprouver le besoin de s’arrêter un instant, balaye du regard l’espace sans jamais se concentrer, entend de loin mais n’écoute rien, ne parvient pas à tisser des liens et finit par cacher derrière un intérêt de surface une évasion nécessaire via le fil de ses pensées. Associer d’un lien étroit objet sonore et objet visuel et les inscrire dans le temps musical de l’oiseau nous permettrait une accroche concrète voire magnétique de l’attention sur notre propos : c’est avec les outils cinématographiques qu’il va falloir passer à l’action…

D’abord, un titre général, pour annoncer la couleur : 5 Partitions ornithologiques, que l’on pourrait lire comme Prêtez 5 fois de suite un œil musical  à des éléments ayant probablement un lien avec l’univers des oiseaux. Puis noir. On est plongé dans le son d’un chant d’oiseau in situ, plusieurs séquences différentes entendues à vitesse réelle, rythmées de quelques pauses du maître chanteur qui nous permettent de profiter brièvement d’un lointain fond sonore, comme si l’on fermait les yeux au cœur d’une forêt. Soudain, de la couleur, une bande se dessine, puis à nouveau, noir. Quelque chose s’est passé qui nous a dépassé, des motifs colorés faisant la course avec un chant d’oiseau habitent notre mémoire. Ce noir devient le support de notre résonance face à cette expérience subliminale, une page sombre, comme l’ombre de notre questionnement. Alors on entre dans le temps de la compréhension, avec une partition qui se construit progressivement en fonction du chant de l’oiseau qu’elle représente, lu 4 fois plus lentement que sa vitesse d’origine. L’écoute est guidée par la géométrie des motifs colorés, on se laisse porter par la synchronisation et la cohérence entre ce que l’on entend et ce que l’on voit. La succession des fonds de différentes textures et couleurs nous aident à découper musicalement le déroulement de la séquence. Il naît une magie de ce contraste entre une grande intensité musicale ressentie suite pourtant à une écoute de courte durée, pouvant rappeler en cela l’univers du compositeur Anton Webern. Après avoir été lue 2 fois successives à vitesse ralentie, la partition se construit à nouveau au rythme de la nature et l’on peut apprécier à nouveau le fond sonore que nous percevions au début. Quelque chose se passe qui dépasse, mais peut-être un peu moins qu’une minute auparavant. Enfin l’animation s’arrête et le regard a la possibilité de se promener librement, d’un motif à l’autre. On reconstruit intérieurement le souvenir de ce que l’on a entendu, on profite d’un temps de résonance. Entre parenthèses apparaît telle une griffe finale le nom de l’oiseau à qui l’on a rendu hommage. Trois points de suspensions, comme chaque Prélude de Debussy…