Récitations ornithologiques 1

Récitations ornithologiques 1

Publié par Guillaume Hermen

Journal du projet

À travers les contours mélodiques d’un chant d’oiseau, lire la silhouette sonore d’un langage humain

Les Partitions ornithologiques sont terminées. Après de nombreux contacts avec cette multitude de formes, de couleurs, de vibrations, les élèves, l’institutrice et moi-même approchons tous ces fragments de chant d’oiseau avec une agréable familiarité, comme de bons amis que l’on a plaisir à retrouver. Certains sont élégants, d’autres farfelus et quelques-uns nous font rire. J’ai toutefois la sensation qu’il nous reste un petit cap à franchir, une étape supplémentaire qui nous permettrait de véritablement faire corps avec chacun des motifs transcrits en formes et en couleurs. De la même manière qu’une pulsion nous pousse à chanter une mélodie qui nous a profondément touché, ce long travail d’expression graphique et d’apprivoisement sonore a fait naître peu à peu chez nous la nécessité de le mettre en voix. Faire vibrer nos cordes vocales, certes mais… quelle matière leur offrir ? Notre nouvel objectif devient plus clair : fabriquer un matériau qui nous permette de faire corps avec les chants d’oiseaux représentés dans les Partitions ornithologiques et nous donne plaisir à jouer avec notre voix.

Une première étape dans cette nouvelle réalisation consiste à tendre une oreille sur les fragments que l’on connaît bien qui chercherait cette fois-ci, à travers les mouvements mélodiques du son, des éléments cachés de langage humain. Notre précédent chapitre sur les rythmes du langage nous a permis d’approcher des œuvres de John Cage, de Luciano Berio, de Cathy Berberian ou d’André Minvielle : nous avons les bonnes armes !

Récitations ornithologiques 1

Récitations ornithologiques 1

Afin de suivre au mieux les formes du son, je propose aux enfants 2 progressions vocales, comme des échelles, partant toutes deux d’une bouche fermée et libérant de plus en plus d’aigus pour atteindre finalement le son « i ». La première : m-ou-o-e-u-i. La seconde : m-ou-o-ᴐ-a-è-é-i. Le but pour les élèves est maintenant de placer des sons tenus du langage humain (voyelles) sur les contours du fragment de chant dont ils sont responsables (spectrogramme). Par exemple, si une courbe part du milieu de la feuille vers le bas, on pourra entendre, selon l’échelle choisie : un glissando partant du son « e » traversant les sons « o » et « ou » jusqu’au son « m » bouche fermée ; ou un glissando partant du « a » traversant les sons « ᴐ », « o » et « ou » jusqu’au son « m » bouche fermée. J’invite quelques élèves au tableau pour être sûr que ces consignes un peu étranges leur deviennent amusantes.

Vers une calligraphie sonore et ornithologique

Une fois que tous les enfants ont positionné leurs voyelles sur leur spectrogramme, ils sont invités à placer cette fois quelques consonnes percussives (k, t, p) ou râpeuses (r) en fonction des attaques ou des timbres qu’ils perçoivent dans leur fragment. Ils obtiennent donc quelques phonèmes (ka, ri, raou, ré, té etc.) et cela nous propose un nouveau défi : à partir de ces phonèmes, les enfants doivent composer des mots existants. Par exemple « ka » + « o » donnerait « chaos » ou, en ajustant un peu, « é » + « a » pourrait donner « Léa ». Cet exercice est de loin le plus difficile que nous ayons réalisé ensemble durant ces 6 mois. On sent de manière évidente que les cerveaux sont en surchauffe. L’institutrice et moi-même passons dans les rangs pour tenter de garder intacte la motivation générale, offrant de temps en temps quelques indices. Mais l’heure tourne en cette fin de matinée, la faim a tendance à l’emporter sur la créativité. En toute honnêteté, nous sommes débordés…

Après un ravitaillement nécessaire, les enfants retrouvent courage et disponibilité d’esprit. Voici les consignes de l’après-midi : une fois que les enfants ont réussi à réunir une série de mots devinés dans leur chant d’oiseau, ils doivent les écrire par effet de transparence en les inscrivant dans la forme du son dont ils sont extraits, d’un trait épais si le son est fort et d’un trait fin s’il est doux, en veillant à imaginer une calligraphie s’accordant avec le caractère de leur fragment mais aussi donnant à l’œil de celui qui la déchiffre l’envie irrésistible de le faire en chantant. Les élèves jouent le jeu et s’appliquent. Il naît progressivement une diversité de mots et d’écriture faisant écho à notre précédent projet, gestes et couleurs laissant place au trait noir sur blanc. On assemble nos nouvelles œuvres, on découvre nos Récitations ornithologiques.