Réflexions sur l’avant et pour l’après

Réflexions sur l’avant et pour l’après

Publié par Caroline Frachet

Journal du projet

extrait du livre que j'ai distribué aux enfants le 26 juin

Escape Land, Terrain et Maison se sont écrits ensemble, comme un triangle équilatéral. Ces trois textes sont nés au cours de cette résidence sans avoir été programmés. Ils ont été principalement inspirés par les discussions que nous avons eues avec les élèves autour des lieux dans lesquels nous nous sentions bien…

Avec ces trois textes, il y a eu le surgissement de plusieurs thématiques – ou questions qui me préoccupaient. 

Il y avait la notion de territoires abandonnés, d’espaces libres dont les humains pouvaient reprendre possession, d’espaces de jeu que les enfants pourraient recréer dans nos villes, du changement climatique, de l’évolution des technologies et de ce que cela influe sur nos gestes quotidiens, etc.

Escape Land est une ville imaginée comme une bulle d’air au milieu des autres villes où la vie me paraît saturée, où l’être humain connecté voit ses perspectives de respiration réduites, où les rencontres sont de plus en plus virtuelles. Escape Land apparaît alors, dans un paysage saturé de connexions, de cyberespace et d’humains aux corps mous, comme un espace en dehors du temps, suspendu au-dessus des nuages, accessibles à tous-ceux qui auront besoin de trouver une respiration, « recharger les batteries » comme on dit aujourd’hui. Escape Land est comme une réserve de protection des restes d’humanité. 

À travers Escape Land, je réfléchis à nos habitudes de vie et aux possibilités futures, à ce que nous construisons pour demain. 

À travers le regard des enfants, il y a souvent de la lucidité, parfois un imaginaire qu’on ne se permettrait pas, parfois le contraire… un imaginaire qui colle au réel, voir à l’extrême quotidien, il y a aussi une relation franche au présent (à leur époque), qui m’a permis de pousser mon imaginaire plus loin et d’inviter les enfants à envisager les choses par un autre regard que celui qui nous est le plus immédiat. Et c’est grâce à la multitude de leurs regards et de leurs rapports au présent que j’ai pu écrire Escape Land. 

Avec cette fiction je leur proposais de retrouver le plaisir des jeux collectifs, de l’appropriation d’un espace, de la construction d’une cabane – Retrouver le plaisir de jouer physiquement, sans virtualité aucune mais bien dans le présent et à l’écoute de leurs camarades de classes – Inventer – Construire – Fabriquer – Courir – Grimper – Crier – Créer des sons et parfois Déconstruire – Effacer – S’adapter – etc.

En projetant nos imaginaires dans une ville future, nous avons questionné nos habitudes en utilisant la fiction pour réfléchir au présent et au futur.

Pour moi, l’objectif était en partie de leur faire comprendre que nous pouvons nous ménager des espaces de rêves et de jeu, que c’est en faisant qu’on expérimente et qu’on apprend, que nos rêves peuvent prendre la forme d’espaces concrets. 

Alors, on a parlé — entre autres — des transports du futur et je me suis posée plusieurs questions : Est-ce que les drones côtoieront les trains, les bateaux les vélos et les piétons ? Est-ce que ce qui nous semble être le futur n’est pas déjà dépassé ? Est-ce que le transport du futur ce ne serait pas plutôt que l’on soit tous des funambules comme Philippe Petit ? Que l’humain sache développer au maximum ses capacités jusqu’à savoir marcher d’une ville à l’autre suspendu sur un fil  au dessus des nuages ? Est-ce que les villes du futur pourraient être si légères qu’elles seraient construites sur des nuages ? Est-ce que l’eau de pluie et la transpiration humaine pourraient être recyclées et réutilisées pour alimenter les piscines perchées sur les toits et l’eau nécessaire au quotidien de l’humanité ? 

Est-ce que l’on pourrait vivre dans des bulles d’air ? 

Enfin, il y a eu plusieurs lectures ou souvenirs de lecture qui ont nourris Escape Land. Par exemple, il y a l’univers d’Enki Bilal, Le Traité du Funambulisme (de Philippe Petit), ou encore plus récemment la merveilleuse découverte du livre Le Grand BAL de Gilles Clément, les dessins du Codex de Luigi Serafini, le processus de travail du metteur en scène Bruno Meyssat, mais aussi certains exercices d’acteur de Peter Brook, et encore les théâtres imaginaires d’Ettore Sottsass. 

De mon côté, l’aventure Escape Land va se continuer dans l’écriture de la fiction elle-même et dans la poursuite de l’exploration du processus de création mené à l’école Victor Hugo. L’installation, elle, reste à l’école dans l’espoir que s’y écrivent d’autres histoires…

Réflexions sur l’avant et pour l’après