La couverture du recueil est presque finie !

Tu ne vas pas réussir à fermer l’œil de la nuit

Publié par Ariane Hugues

Journal du projet

En ce début du mois de juin, j'ai passé mes quatre derniers jours d'ateliers avec la classe des CE2/CM1. Le mardi, mercredi et jeudi matin ont été consacrés à finir individuellement les histoires et les textes qui devaient encore l'être. On a précisé les points à préciser, rajouté des bouts de textes, trouvé des titres aux histoires qui n'en avaient pas. J'ai aussi montré aux enfants la mise en page que j'ai commencé à effectuer sur Indesign. Tout ça prend tournure dans leurs esprits et dans le mien. Le livre est en train de naître !

À partir du jeudi après-midi, c'est la dernière ligne droite : il faut encore trouver un titre au recueil, et en fabriquer la couverture. Pour le titre, on fait un brainstorming collectif autour du thème. Quelques bonnes idées sortent. Je choisirais les plus fortes et puis, vendredi, tout le monde votera pour sa préférée. Pour la couverture, j'ai essayé de penser à un système qui permette à tous et toutes de mettre la main à la pâte. Au premier groupe, je montre une sélection de livre de la bibliothèque de l'école dont les couvertures me paraissent variées et intéressantes. Ensemble, on essaye de bien les regarder et de repérer des groupes, différentes façons, dont le titre est intégré à la couverture, comment est placée l'illustration, quels sont les éléments de la mise en page, etc. Ensuite on essaye de réfléchir collectivement à ce qu'on pourrait faire figurer sur notre couverture pour qu'elle reflète le contenu de l'ouvrage. Après un temps, on décide qu'il y a aura une foule de personnages effrayants, rappelant les protagonistes de toutes les histoires.
Je désigne trois petits groupes, chargés de faire chacun une proposition de 1ère de couverture.
C'est la fin de la séance.
Le groupe suivant prend le relai : les CM1 votent pour la proposition qu'ils préfèrent. Ensuite, je définis encore deux groupes. Trois enfants sont chargés de faire un croquis pour la 4ème de couverture. Les autres fabriquent des papiers teintés au fusain, du gris pâle au noir. On fabriquera notre image en papier découpé à partir de ces feuilles, sur le modèle d'illustrations que j'ai réalisées récemment.
Le lendemain, les deux premiers groupes de la journée taillent des petits personnages dans tous ces papiers. Le groupe suivant est chargé de les rassembler en une composition cohérente, d'en choisir certains, de faire de petits ajustements sur la couleur du fond, et enfin, de coller !
Le dernier valeureux groupe se charge, avant de partir en weekend, de terminer la quatrième de couverture et de de rajouter de petits détails ici et là : mini araignées et petits fantômes peuplent les interstices de l'image.

Enfin, tout le monde a voté pour le titre. « Tu ne vas pas réussir à fermer l’œil de la nuit » triomphe haut la main face à « La chasse aux frissons » et « Histoires de la mort qui tue ».


Cette dernière semaine a aussi un goût de bilan. Tout en mettant en page, en scannant ou en renommant mes fichiers, je prends un pas de recul que je n'avais pas beaucoup eu l'occasion de faire durant ces cinq mois de projet. Je réalise l'écart entre mes intentions initiales et le résultat final. J'avais écrit vouloir les faire travailler sur leurs peurs personnelles, travailler sur l'empathie face à la peur des autres, etc. Une forte dimension émotionnelle ressortait du projet. Moi qui avait peur de trop cadrer, trop diriger, ne pas laisser assez de place à la co-construction à l'énergie des enfants, je réalise que je me suis finalement beaucoup laissée entraîner par l'énergie assez explosive du groupe, et son imaginaire de la peur ! Plus nourri par les légendes urbaines, l'imaginaire des films d'horreur (ou en tous cas l'idée qu'ils et elles s'en font) et les jeux vidéos, que par leur expérience personnelle. Le titre choisi par les enfants annonce bien le programme « Tu ne vas pas réussir à fermer l’œil de la nuit » nous plonge dans les histoires horribles et un brin fantaisistes qu'on va se raconter dans un coin de la cour de récré ou sur l'oreiller à la fin de la soirée pyjama. L'attrait pour la transgression qu'il y a à inventer des personnages méchants, des aventures qui finissent mal, des fins trop sanguinolentes pour être vraies et des cohortes de monstres. C'est cathartique !

 

En attendant je cogite : comment aurais-je dû faire pour davantage accéder à une part plus  proche et réaliste imaginaire ? Quelques pistes se dessinent, à réinvestir dans une prochaine expérience d'ateliers :

- davantage les plonger dans d'autres références que les leurs. Leur faire voir, systématiquement, des films, des livres, des peintures, écouter de la musique.
- donner du temps au temps, avec, peut-être un cadre de projet moins précis, et une finalité moins définie. Le principe d'échange des histoires au milieu était intéressant, mais exigeait un certain formalisme des participations, dès le début du projet. Si c'était à refaire, je formulerais un projet moins gourmand en temps, plus ouvert en terme de réalisation finale, pour laisser plus de place à l'improvisation.

 

Comment permettre d'exprimer publiquement des choses personnelles devant un groupe (surtout un groupe de cet âge, si remuant, prompt à la moquerie, pas forcément très bienveillant?). Comment mettre en place une vraie écoute ? Cela reste une vraie question pour laquelle je n'ai pas beaucoup de pistes. Il était parfois difficile, dans ce groupe, de ce faire écouter en tant qu'adulte, alors c'est aussi difficile d'imaginer comment protéger la parole personnelles des participant.es pour qu'elle puisse s'exprimer.

 

Bref, à la suite de cette dernière semaine, il a été décidé que je reviendrai une dernière fois à Eyjeaux, juste avant l'été, pour accompagner le groupe dans la découverte du livre fini, et rediscuter de tout ce que ça leur a apporté, de ce qu'ils/elles ont aimé ou pas, du résultat final, de comment ils/elles ont abordé le thème, etc.

 

À bientôt pour le dernier épisode !