Maquettes de la classe : Echelle, ouvertures ajourées et couleurs sont des ressources pour concevoir la cabane qui sera réalisée

De la cabane de lecture à la petite roulotte

Tout commence une sombre matinée de février.

La pluie dégouline sur les fenêtres de la petite école de Scrignac. A l'intérieur, on parle école idéale : les enfants tentent de décrire les lieux qu'ils aiment, de la cour à la salle de classe. Pelouse et jeux des petits, préau, salle de garderie reviennent souvent. Un petit coin bibliothèque ménagé dans la salle des maîtres fait l’unanimité : tout au fond, retranché derrière des étagères à livre et une grande fougère, avec un tapis et des fauteuils de cinéma. Nous – Pierre-Yves, le maître, Paloma et moi – amenons les enfants à décrire ce qu'ils y trouvent : une cachette, une tranquillité, un confort, un petit lieu secret et aimable. Malheureusement pour les enfants, il est situé dans la salle des maîtres : dans cette sympathique école, elle est loin d'être une forteresse inatteignable pour les élèves, mais ils ne peuvent y accéder quotidiennement – ce qui participe peut-être de son attrait. Par ailleurs, les enfants dénoncent leur cour : sans pelouse, sans arbre, sans jeu comme celle des maternelles ! Une belle étendue d'asphalte un peu usée, celui qui rappe bien les genoux. Quelqu'un – Pierre-Yves, un élève, Paloma, moi ou un peu tout le monde – propose donc de construire des cabanes dans la cour. Assez naturellement émerge l'idée d'une cabane de lecture : un coin bibliothèque accessible tout le temps ! Cabane de lecture, c'est désormais ainsi qu'est nommé le projet par les enfants.

Lors de plusieurs ateliers en classe, d'abord en plan puis en maquette au 1:10e, nous expérimentons des dimensions, des usages possibles, des formes, des fenêtres. C'est l'occasion d'introduire des notions de représentations architecturales, ainsi que certaines formes typiques encore usitées ou non, telles que le dôme, la toiture mansardée, l’œil de bœuf, etc. Avec ou sans nous, les enfants produisent un grand nombre de maquettes, aux dimensions similaires – 1 mètre par 1 mètre – mais aux couvertures, ouvertures et couleurs différentes. Des aménagements intérieurs liés à la lecture sont aussi proposés. Pour vérifier les dimensions, les enfants découpent des personnages à l'échelle de la maquette, de la taille du maître mais aussi de la leur et de celle des plus petits élèves. La maquette prend vie !

Axométrie d'étape
Axométrie d'étape

De notre coté, de retour à Paris, nous oublions un peu cette histoire de cabane et nous concentrons sur les grands dessins projetés depuis longtemps : dessiner l'école, sous toutes les coutures ! Un mail de Pierre-Yves nous relance sur le sujet : il a bien avancé avec les enfants, et il semble qu'il y ait une grosse attente sur le sujet. Le temps nous manque. Deux semaines avant le début de la deuxième et dernière période de résidence, nous nous lançons. Des pots de fleur sur roues, des cabanes perchées ou adossées à un mur, de l'asphalte percé et planté, et finalement, on ne sait trop comment, une cabane serre – en lien avec le potager planté à l’arrière, une cabane roulotte – la fameuse cabane de lecture – et un auvent – le préau est trop bruyant et exigu. Roulotte, parce qu'on peut ainsi la déplacer sur cette grande étendue d'asphalte. Nous avons l'impression de toucher plus large comme cela. Et puis, nous sommes dans le grand ouest ! Nous établissons des plans, faisons des petits croquis explicatifs et chiffrons rapidement ces constructions, puis les envoyons. Pas trop de réponse. En arrivant à Scrignac, on se demande un peu à quelle sauce on va être mangés. L'accueil est plutôt favorable, quoique un peu circonspect quand à la possibilité de construire ces trois cabanes. En tous cas, nous recevons l'appui du maire, Georges, qui soutient financièrement et matériellement le projet. Il fait avec nous le tour des ateliers municipaux et d'une ancienne école pour voir quels matériaux et outils nous pourrions récupérer.

Nous expliquons nos dessins et nos projets aux élèves et à Pierre-Yves. Plutôt content, quoique un peu surpris par l'absence de référence explicite à leurs cabanes. Pour être parfaitement honnête, nous les avions un peu oubliées entre les deux résidences. Nous improvisons donc une petite synthèse : la cabane serre et la cabane roulotte ne font plus qu'une. Une première peau en PVC transparent, puis une seconde en contreplaqué mince, reprenant les couleurs et les ouvertures des cabanes conçues par les enfants. A l'intérieur, tout un jeu d'ombres chinoises, propices à la rêverie et à la lecture. A l'extérieure, une roulotte serre, aux formes amusantes. On adapte les plans, il n'y a plus qu'à construire !

Plan, coupe, élévation de la cabane finale
Plan, coupe, élévation de la cabane finale