L'inauguration de la roulotte de lecture

Récit de la construction - enfin ! - de la cabane de lecture / petite roulotte

Le pardon à Scrignac :

Une fête foraine, où apparemment tout le monde finit éméché. Nous sommes samedi, il nous reste une semaine pour construire la cabane. Y arrivera t-on ? Sans matériaux, c'est certain que non ! Le tardif petit déjeuner est écourté, la mairie ferme dans vingt minutes. Paloma met au propre la nouvelle estimation de la cabane de son écriture chaloupée, et nous courons voir le maire. Son large nez nous accueille : il est partant, nous poussons pour avoir des bons d'achat tout de suite, c'est chose faite. En sortant, nous hésitons entre l'agréable sentiment de l'affaire qui avance et la désagréable sensation d'abuser de leur gentillesse. Enfin ! Cette cabane n'est pas pour nous, et il nous semble juste que la mairie la finance. Plus qu'à attendre lundi.

Le lundi matin, huit heure, nous choppons littéralement au vol le tenancier de la scierie d'Huelgoat, à vingt minutes de route :

Du bois, en douglas, pour ces sections, vous avez ? A peu près. Richard, essaie de me trouver ça.

Il faut en effet chercher : à l'intérieur, à l'extérieur, du bois dans tous les sens, en grumes, en sections de toutes les tailles, en chutes, en différentes espèces, en neuf ou pourri, en bien rangé ou en bordélique. D'un peu partout, nous parvenons à trouver suffisamment de douglas dans des dimensions proches de celles que nous voulions. Il va falloir un peu s'adapter, mais que serait autrement le bricolage. Un bémol, les pièces d'environ cinq mètres de long passent difficilement dans l'auto. On reviendra. En attendant, nous partons de l'autre coté de Scrignac, à Plouigneau au bricodépot du coin. On passe un petit bout de temps à trouver toute notre quincaillerie et la toiture en PVC ondulée. Des vis de multiples tailles, des verrous, des équerres, des tiges filetées, écrous, etc. Nous repartons lardés de fer. Nous passons à la mairie emprunter le trafic de la commune. Daniel, adjoint au maire ancien charpentier nous emmène et nous aide à charger. Tout cela dépasse allègrement à l'arrière. Des morceaux de tronc font contre-poids à l'intérieur et évite le basculement du chargement. Heureusement, les routes sont petites et la gendarmerie la plus proche est bien loin. Quelques vieilles plaques de contreplaqués oubliées dans les ateliers municipaux viennent alourdir le chargement.  

Le pardon à Scrignac :

Nous voilà équipés ! Manque encore les roues, nous espérons les trouver un peu plus tard, à la déchetterie ou avec l'aide des parents d'élève. Tout notre petit stock est installé sous le préaux, fréquemment traversé par les enfants pour entrer, sortir, aller aux toilettes ou à la bibliothèque. Un chantier public et ouvert ; quelques plots de sport délimitent néanmoins un espace où il faut faire attention. Après cette intense journée de course dans tous les sens, tout reste encore à faire. Encouragements diverses des maîtres, des enfants. Dès le lendemain, nous attaquons le socle de la cabane. La scie circulaire usée mugit sous le préau, la perceuse vrombit, le vacarme sous le préau est impressionnant !

Qu'est ce que vous faiteeees ? Demande encore une élève.

Il est vrai que cela ne ressemble pas encore à une cabane !  

La cabane ! La cabane de lecture ?

  Pendant que la classe se fait, nous découpons les morceaux de bois aux bonnes dimensions. Aux longues récréations de cette fin d'année scolaire, deux ou trois enfants nous aident à assembler, visser les différents éléments. Une planche ou deux, un tasseau, et puis on tourne ! Les élèves des différentes classes participent ainsi à la construction. Chaque fois, il faut faire preuve d'une certaine passion, entre la lourdeur des outils, les vis qui s'échappent et roulent, les bouts de bois qui se décalent, les faux mouvements, etc ! Enfin, ça avance. Le socle, les murs, la charpente, la toiture, les portes et volets, les contreplaqués intérieurs, etc. Petit à petit, la cabane se monte, occupe le préau, prend du poids. A toutes les récréations, c'est la visite de chantier : nous arrêtons les outils dangereux, les enfants visitent et vissent. Un simple socle devient cabane, un toit devient parapluie, des murs des boucliers, puis le tout assemblé une cabane. Et enfin les roues ! Trouvées à la déchetterie, deux petites roues de vélo pour enfant. Nous les montons le dernier soir, bien après le départ des enfants. Pierre-Yves, le maître, nous aide à monter la légère et pourtant lourde cabane sur des bancs. Couchés dessous, nous installons des cales, puis les petites roues. Nous la posons sur ces nouvelles pattes, tout doucement. Appréhension. Les cales sont remontées, la roulotte ne tient plus que sur ses roues, et elles roulent. Oh ! Joie sous le préau !

Le lendemain, la cabane attend sagement quand les enfants arrivent, portes et volets fermés. Ils regardent cet étrange objet avec une envie qui nous surprend et nous flatte. L'inauguration officieuse a lieu à la récréation du matin : Pierre-Yves décide trois enfants maximum dans la cabane – nombre qui nous rassure quand à la solidité de la cabane – une queue se forme à l'extérieur du préau. Tour à tour, les enfants pénètrent, éprouvent la solidité, ouvrent et referment les volets, s'installent.

Le maire arrive, ainsi qu'un inspecteur : l'inauguration officielle. Pour l'occasion, la roulotte est sortie du préau. Elle essuie alors sa première pluie. Bien étanche, malgré quelque rétention d'eau au faîtage, elle est alors plutôt belle comme abri d'enfants, avec ses roues de vélo, son petit toit ondulé en demi-lune sur lequel l'eau file doucement, ses contreplaqués finement découpés selon les tracés créés par les enfants et sa belle charpente en douglas tout frais, tout rouge.

Faudra t-il la peindre ? Le PVC va t-il bien vieillir, particulièrement dans les angles ? Comment la meubler ? Où l'installer ? En faut-il une deuxième ? Autant de questions que nous nous posons, Paloma et moi, mais qui ne sont déjà plus les nôtres. Il est vendredi soir, et nous repartons le lendemain, imaginant déjà repasser dans quelques années et voir la petite cabane transformée et réparée.

Le pardon à Scrignac :