Gilets Jaunes et bord de route
Ma plaque d’immatriculation porte le numéro 67 (Bas-Rhin, Alsace), et ici, on affiche 88 (Vosges, Lorraine). C’est souvent apparu comme un premier sujet de conversation lors de mes rencontres. (On regarde la plaque avant la voiture et ensuite on commence à se demander qui est dedans). Avoir une voiture à disposition pendant la résidence m'a permis de placer la question du territoire au centre de mon travail. J'ai pu en découvrir l'histoire en parcourant les villages alentours. J'étais résidence à Monthureux-sur-Saône mais il y avait aussi Claudon, Darney, Bleurville etc.
Chaque village a ses spécificités et ne répond pas au même besoin. Un a la station essence, l'autre le magasin bio, le supermarché traditionnel, les différentes fermes etc. Il peut y avoir 15 kilomètres à parcourir et il vaut mieux s’organiser.
Mes élèves à l’école détiennent toutes ces informations et m'ont appris à connaître le canton. C'était aussi une occasion de les faire parler et d'observer comment un territoire et ses distances sont appréhendés à cet âge. Par exemple, la récente suppression d'écoles primaires à travers la région a modifié la carte scolaire et changé le parcours quotidien d'élèves qui à présent peuvent mettre une heure en bus le matin pour venir à l'école.
Cette idée d'un allongement des distances à parcourir revient aussi avec l'évocation continue de la disparition des commerces et s'accompagne d'une certaine nostalgie, même de la part des plus jeunes. On ne sait pas bien si elle est réelle ou héritée, comme une histoire qu'on se raconterait de génération en génération. Cette image du village qui se vide oriente et accompagne l'écriture du film.
Épicerie ambulante de Monthureux-Sur-Saône, dernière année avant la retraite
J'aime aussi découvrir les constructions des Gilets Jaunes qui sont encore présentes ou les traces qui en reste et qui ponctuent le paysage. La révolte qui animait les campagnes un an plus tôt se ressent.
