Comme dans les Variations Goldberg de J.S. Bach - partant d'une Aria de base qui ne cesse de varier au fil de l'oeuvre - les deux danseurs avanceront au fil de variations chorégraphiques, cherchant toujours à aller dans le sens d'une transformation progressive de la personne à la figure, s'émancipant de leurs affects pour tenter de ne devenir que des mediums de sensations et de formes.
AD BEATITUDINEM est un projet chorégraphique dont le processus de création s'étend entre décembre 2017 et décembre 2018, pour une création pendant le festival Faits d'hiver de micadanses-ADDP, en janvier/février 2019. Il s’agit de réunir les conditions pour faire varier la matière, chercher une transformation sensorielle, comme dans un tableau de Bacon dans lequel la substance semble à la fois se répéter et aller vers d’autres états d’être. Les variations amènent les corps à investir de nouvelles parcelles d’eux-mêmes et de l’espace. Les corps, en passant par de multiples tonicités et dynamiques gestuelles, cherchent dans leurs variations le potentiel d’une nouveauté à venir, accompagnés par la musique, elle-aussi sans cesse changeante. Ne serait-ce que dans l’imaginaire, les corps travaillent à s’émanciper de leur affect à travers une recherche d’équanimité quant aux habitudes, aux concepts et aux émotions qui les traversent. Ils tâchent de parvenir à une simple observation des densités et des flux énergétiques, sensationnels, psychologiques et kinesthésiques circulant en eux. La pièce toute entière devient le fruit d’une spirale qui se résout à mesure que la danse évolue. Au fil de la pièce, les danseurs, possiblement émancipés de leurs afflictions émotionnelles, peuvent tenter de n’être plus rien qu’une matière organique en mouvement, une plastique, un agencement de masses, de lignes et de points. Le corps n’est plus un personnage ou une personne, il est une figure. L’essentiel réside dans la sensation, et dans l’observation de la sensation, pour le danseur, comme pour le spectateur. C’est dans ce nouvel état d’être que se trouve quelque chose d’une résilience, ou d’une libération : les souffrances inhérentes à l’être - disparaissant à mesure que la personne et l’égo disparaissent - sont substituées par la sensation de la figure, exempte de toute narrativité. Le spectateur, témoin sensible de ce processus, peut lui-aussi tenter de faire l’expérience de cette libération par l’abstraction. Le fait de pouvoir intervenir auprès d’élèves de CM2 me semble tout à fait cohérent dans le cadre du projet AD BEATITUDINEM. À 10 ans, n’avons-nous pas commencé à comprendre et à faire l’expérience de la souffrance humaine, au sens personnel et collectif ? A l’âge où le corps de l’enfant petit à petit se transforme, où il se sépare doucement des rêves et des monstres pour se confronter à sa réalité d’adulte naissant, n’est-il pas utile pour lui de s’inscrire dans un processus créatif portant sur la question de la recherche du bonheur ? Ces temps de transmissions pourraient permettre de se recentrer sur la question de « l’être au présent », dans l’ici et le maintenant, pour permettre de toucher à quelque chose d’un bonheur profond, loin de la vitesse effrénée de nos quotidiens. Je proposerai à la fois des ateliers chorégraphiques (composés d’improvisations guidés, de temps de composition encadrés seul ou en groupe) et des temps de transmission d’éléments construits avec les danseurs pour la pièce, le tout ponctué par des moments d’échange et de discussion sur le travail. Nous accompagnerons les élèves dans un développement de leur sens de la créativité et de la spontanéité, mais aussi de leur écoute de l’autre, de leur capacité à interagir et à produire de la matière dans un contexte de groupe. Enfin, nous travaillerons à aiguiser par la danse leur regard et leur pensée, en mettant un focus particulier sur la réflexion et la verbalisation.
Par le(s) artiste(s)
Par les participants