« — Mais toi, dans ton domaine, les esprits sont ouverts, non ?
— Ouai, mais il y a un gros travail de mémoire à faire. Combien peux-tu me citer de sculpteurs et combien de sculptrices ?
— Oh là ! Je sais pas moi, il y a la Camille de Rodin, et… les autres. »
Camille et les autres… révèle l’absence de sculptrices dans le grand livre de l’histoire de l’art. Et propose de transmettre les grandes notions de la sculpture en réparant cette anomalie dès les premiers contacts avec l’œuvre d’art.
Les élèves seront invité(e)s à plonger dans l’univers d’une sculptrice via une boîte aux trésors. Puis, par un travail d’appropriation, à réaliser une sculpture qui leur soit propre.
L’exposition des travaux des élèves viendra conclure le projet.
Camille et les autres…veut faire résonner la cour de récré à coup de : « Il y a Camille Claudel, Teresa Burga, Lygia Clarck, Isa Genzken, Nancy Graves, Eva Hesse, Lola Mora, Louise Bourgeois, Kiki Smith… »
2002 : ma première approche de la sculpture se fait à l’école primaire avec les œuvres de Giacometti. J’avais neuf ans et le déclic s’effectue à la vue de ses corps filiformes. La passion nouvelle, me plonge dans des livres qui me font rencontrer Brancusi, Rodin, Arp, César, Duchamp, Fontana, Moore, Bourdelle, Tinguely, Calder, Burry, Boetti, Andre, Serra, Penone, Schutte... Avec leurs œuvres j’appréhende les grands enjeux de la sculpture moderne et contemporaine.
2009 : année du bac, l’enseignant de l’option d’arts plastique nous emmène en sortie scolaire, voir l’exposition elles@centrepompidou. L’exposition « consacré(e) aux artistes femmes, réunit une sélection de 350 œuvres de 150 artistes, du début du 20e siècle à nos jours.» (1)
La révélation : au-delà de comprendre que jusqu’à cet instant mon approche de la sculpture et de l’art en général avait été genrée, majoritairement voire entièrement masculine dans ses référencements ; je découvre une multitudes d’œuvres et d’artistes plus inspirantes les unes que les autres, qui viennent contre-balancer, approfondir et compléter l’apprentissage que m’avait offert le travail de leurs contemporains.
2020 : Après « me too », « balance ton porc », et les marches « nous toutes » les conversations féministes sont en premières ligne. Un ami m’interroge :
« — Mais toi, dans ton domaine, les esprits sont ouverts, non ?
— Ouai, mais il y a un gros travail de mémoire à faire. Combien peux-tu me citer de sculpteurs et combien de sculptrices ?
— Oh là ! Je sais pas moi, il y a la Camille de Rodin, et… les autres. »
Camille et les autres… est un projet qui prend racine dans ces deux constats : L’individu se développe en observant les autres, il est alors primordial de se confronter aux œuvres du plus grand nombre d’artistes possible pour développer sa propre individualité. La palette de référence doit être multiple. Et s’il est évident qu’une meilleure visibilité est offerte aux artistes contemporaines, les sculptrices d’hier sont encore méconnues. Evincées de la grande histoire, leurs œuvres restent difficiles à archiver. Dans la continuité de l’exposition elles@centrepompidou, le site internet awarewomenartists.com sous l’initiative de la commissaire Camille Morineau, s’efforce de « replacer les artistes femmes dans l’histoire de l’art et les rendre visibles ! ».(2)
Constats qui mènent au désir de prendre ces sculptrices et leurs travaux, comme support pédagogique dès les premières appréhension de l’œuvre d’art.
Camille et les autres… prend la forme d’un jeu. Les élèves sont appelé(e)s à tirer au sort le nom d’une sculptrice. 30 sculptrices pour 30 élèves. Il/elle se voit remettre une boîte correspondant à l’artiste que le hasard lui a attribué(e). La boîte thématique « type boîte à chaussure », contient un texte général présentant l’artiste, un ensemble de photographie, une sélection de ses œuvres, les notions qu’elle a abordées, des échantillons de matières et des outils qu’elle a travaillés…
L’élève est invité(e) à plonger dans l’univers de l’artiste.
Après un premier temps de digestion de ces informations les élèves font un tour de table et présentent à tous l’artiste qu’ils/elles ont reçu, et ce qu’il/elle a compris de son travail. Un instant collectif, que j’animerai pour faire découvrir l’ensemble des sculptrices à la classe.
Dorénavant accoutumé(e) à son artiste et nourri de celles des autres, chaque élève est ensuite invité(e) à s’approprier son œuvre. Dans un premier temps, par les matières et les outils qu’il/elle trouvera dans la boîte, il/elle expérimentera plastiquement le travail de l’artiste. Dans un second, il/elle sera incité(e)e à s’interroger sur les points communs qui lui apparaîtraient entre son histoire et l’œuvre de l’artiste, ce qui lui plait, l’intrigue. Enfin l’élève orienté(e) réalisera une sculpture qui lui soit propre. Quelle sera la part visible de l’appropriation de l’œuvre de sa sculptrice de référence ?
Camille et les autres… s’achèvera sur une exposition. Du début à la fin du projet je me placerai en commissaire d’exposition. Un travail qui commencera dans la sélection des 30 sculptrices : à ce jour le site awarewomenartists.com, en répertorie 208, il s’agira de s’appuyer sur cet inventaire, et de le caractériser avec mes recherches personnelles. Tout au long de mes études j’ai consigné un référencement de sculptrices dans des carnets. Elles ont fait évoluer mon travail, et je comprends aujourd’hui l’importance de reprendre cette collection. Ce premier temps de recherche en sera l’occasion. Avant tout, je dois sélectionner un groupe de 30 sculptrices qui forme un ensemble cohérent, lisible pour l’exposition finale. J’alimenterai encore ma réflexion pendant la création des 30 boîtes. La boîte, outil pédagogique, trésor de curiosité, doit rendre hommage aux sculptrices dans une lecture simplifiée pour les enfants. Mon histoire de l’art des sculptrices s’enrichira surtout au contact des élèves. Et s’accomplira lors de la mise en place des œuvres des élèves dans leur exposition. Une exposition qui permettra aussi à son échelle, la transmission de ses grands noms de la sculpture.
Camille et les autres… est un projet par lequel, consciente de l’importance de modèles, références et figures pour développer sa personnalité, et constatant le manque voire l’absence d’artistes femmes dans le grand livre de l’histoire de l’art, je propose de transmettre une première approche des grands thèmes, notions et enjeux de la sculpture moderne et contemporaine, en m’appuyant sur des sculptrices et leurs œuvres.
Camille et les autres… veut faire résonner dans la cours de récré à coup de :
« Il y a Camille Claudel et Magdalena Abakanowicz, Teresa Burga, Selma Hortense Burke, Lygia Clarck, Isa Genzken, Nancy Graves, Eva Hesse, Lola Mora, Louise Bourgeois, Meret Oppenheim, Germaine Richier, Niki de Saint Phalle, Kiki Smith, Annette Messager… »
1. Exposition : elles@centrepompidou (Artistes femmes dans les collections du Musée national d'art moderne) mai 2009 - février 2011
2. Association loi 1901 à but non lucratif co-fondée en 2014 par Camille Morineau, historienne de l’art spécialiste des artistes femmes, AWARE : Archives of Women Artists, Research and Exhibitions a pour objet la création, l’indexation et la diffusion de l’information sur les artistes femmes du XXe siècle.
Par le(s) artiste(s)