"Cartographie d’une vie" est un projet artistique et culturel de territoire proposé par Tali Serruya, avec les élèves de CM1 de l'école primaire de la ville de Millas et ses habitant-e-s.
Intéressée par les multiples récits qui traversent et singularisent chaque territoire, ainsi que par la façon dont l'identité, qu'elle soit individuelle ou collective, est sculptée par son contexte, la construction de cette proposition se fera de façon progressive et sensitive, à partir de la manière dont ceux qui vivent à la frontière la ressentent, l’imaginent et la franchissent au quotidien.
Née dans un pays que je n'ai jamais eu l’occasion de visiter, j'ai passé la moitié de ma vie en Argentine avant de m'installer en France en 2007, après un séjour au Canada et en Espagne. Pendant des années, j'ai essayé de comprendre comment "appartenir" quelque part : j'étais trop argentine pour être française ; trop française pour me sentir argentine ; trop proche du monde du théâtre pour être considérée comme artiste visuelle ou chorégraphe ; trop performative pour être sérieusement perçue comme metteuse en scène... Plus tard, j'ai compris que tous ces « trop » matérialisaient l’entre-deux que j’incarne au quotidien. Ce genre de mobilité, de porosité, de multiplicité, "d’indéfinition", d'indétermination, d'instabilité ne sont pas seulement présents dans ma vie personnelle, mais ont surtout été déterminants dans la construction et l’évolution de mon parcours professionnel.
Ayant vécu quelque temps à Perpignan, j’ai rapidement pu constater la richesse et la complexité de cette ville, à la croisée des cultures, des paysages, des langues et d’identités. Le "centre du monde" était devenu, à mes yeux, un lieu de passage, vidé de tout élan dynamisant, fracturé aussi bien par les écarts socio-économiques existants que par le manque de dialogue entre les différentes communautés que la composent. Cette richesse et complexité sont ainsi au cœur de mon projet. Elles résonnent dans mon corps, font écho à mon histoire et donnent du sens à ma pratique.
Avec le désir de valoriser la culture locale et créer des liens interculturels et intergénérationels, ce projet souhaite bâtir des espaces multiples (de rencontre, de parole, d’échange, de réflexion), lors d'une pratique proche des gens, dans une logique de dialogue et d’écoute réciproques, avec le désir de construire collectivement de nouvelles manières d’être ensemble, d’habiter la ville et de la raconter. Il ambitionne remettre au centre l’art comme expérience humaine, comme modalité d’une pensée non-linéaire, d’un échange mobile, poreux et non-disciplinaire. Comme expérience, en somme, d’une société.
"Cartographie d’une vie" se développera ainsi sur deux plans parallèles : sur la question de l’identité à travers le vécu de la ville et le regard posé par les habitant-e-s non-scolarisé-e-s, d'une part. Et d’autre part, sur le ressenti des différents espaces que la ville propose, grâce à la sensibilité et à l'innocence des enfants.
L’idée principale sera ainsi de faire résonner l’histoire du lieu avec celle de sa population, mettant en relation la construction du "moi" à l'expérience de la frontière. En assemblant horizontalement et de façon non-hiérarchique les paroles intimes avec les différentes archives patrimoniales, le but sera de créer une sorte de jeu d’assemblage pouvant être par la suite matérialisé et puis enfin, performé.
Par le(s) artiste(s)