J’ai toujours eu l’envie de mélanger le cirque avec les arts plastiques. Une façon de faire de la scène un tableau, de permettre au public de voyager loin, dans un espace sans temps. S’amuser avec la scénographie, créer les possibilités de jouer avec l’impossible. Rechercher avec le sérieux de l’enfant qui joue, la préciosité de l’instant présent. Naturel, spontané. La suspension, la verticalité, l’acrobatie, l’empilement, le mât chinois, le déséquilibre, la manipulation d’objet sont mes langages du présent. J’ai envie d’amener les enfants dans cet univers pendant les ateliers. Leur créer un espace de jeu et d’expression, de tous les possibles. Et ainsi observer leur manière de jouer dans l’instant présent et partager les possibles de chacun.
Après des années de pratique au mât chinois, mon envie est de m’approprier un nouveau terrain d’expérimentation plus personnel. Depuis 2013, je travaille autour sur une branche verticale qui se démarque du mât chinois de plusieurs manières : sa flexibilité offre de nouvelles possibilités de mouvements, et sa texture, comprenant plus d’aspérité, permet des nouveaux appuis, la façon d’avoir le contact est autre. Pour glisser, quand c’est possible, il faut trouver d’autres moyens, pour le frottement il faut être plus doux… En plus, le fait de travailler avec une matière "vivante" modifie complètement le rapport à l’objet, qui doit être plus adapté en fonction des changements de celui-ci selon l’environnement extérieur. La démarche de ce spectacle c’est la matière : mon corps - la matière humaine et le bois - matière naturelle, organique. La relation avec cette matière en tant qu’objet et de mon corps qui se sert d’elle. Toutes les valeurs et représentations qu’elle a pour moi et les manières dont elle me sensibilise. Je joue avec le bois, en différentes formes, je joue avec les objets, ces bois, toujours vivant. Ce n’est pas un spectacle en rapport avec la solitude. Pour moi la relation avec l’objet fait partie du langage circassien. La relation avec l’autre (en tant qu’objet). L’art du cirque c’est la relation du corps et de la matière corps et objet. Mon défi c’est moins de raconter quelque chose, que de sensibiliser le public, pour que chacun se raconte sa propre histoire, et voyage dans son intime. L’intimité est toujours en jeu, j’offre la mienne, sans être explicite pour que les spectateurs se l’approprie et rencontrent leur intimité dans ma matière. Ainsi nous pouvons voyager ensemble. "Carvoeiro" est un solo qui cherche à entraîner le cirque dans un univers encore inexploré. Il conjugue acrobatie, équilibre et manipulation et convoque une évocation de la nature sur scène grâce à la création d'agrès utilisant le bois, sous forme brute. Il vise à travailler avec du bois sous des formes très variées comme une matière vivante pour donner un sens différent au mouvement acrobatique. C'est un solo à deux protagonistes. Une rencontre entre deux êtres vivants : la nature et l'acrobate. L’intention est d'expérimenter les potentialités de cette matière simple et riche en symboles, afin de donner à voir la richesse du sens qui peut être contenue dans l’image d’un homme évoluant sur une branche, ou parmi le bois, sans pour autant la réduire à l’animalité. Cela va avec ma manière d’envisager le cirque, comme un moyen d’expression basé sur l’exploration et la liberté des formes recherchées. Tout part d'une branche verticale de 5 mètres qui va modifier en profondeur le rapport à l'agrès mât chinois. Par son irrégularité et sa flexibilité particulière, elle implique un renouveau de la corporalité et des mouvements. Son contact est également extrêmement différent, l'écorce constitue une “peau” pleine d'aspérités qui transmet à la peau de l'acrobate une énergie singulière. Le bois est présent sous des aspects variées : troncs, buches, fagots qui sont autant de prétextes à de la manipulation et de l'équilibre. Cette confrontation entre cette matière complexe et l'artiste ne vise ni discours écologique simpliste ni posture moralisatrice. Entre jeu et prise de risque avec cette matière organique, le public va être associé à cette découverte progressive, cette quête d'harmonie et de dépassement de soi. De cette relation dure et complice, tendre et conflictuelle il émerge une tentative de créer un rituel. Le caractère ancestral de la matière présente au plateau peut être perçu comme un mystère relevant du sacré voire dégageant une aura spirituelle.
Deux-Sèvres
Par le(s) artiste(s)