FACES est une recherche pluridisciplinaire autour de l’idée de transformation des matières, des relations et des émotions. L’idée de ce projet est née de la lecture de l’essai de François Jullien : Les Transformations silencieuses. Tout est transition : le corps, la mémoire, la flore, les relations amoureuses,... Ce que nous percevons n’a aucune forme définitive et franche. Les Idoles cherchent ces métamorphoses invisibles et incessantes qui transforment peu à peu l’intégralité de ce que nous sommes. Ainsi, Les idoles créeront des personnages à l’identité ambiguë et insaisissable. Chandra et Martin partageront leurs recherches et leur processus de création avec les élèves et construiront avec eux un espace d'expérimentation. A travers la danse, le théâtre et la musique, les jeunes pourront explorer un nouveau corps, se glisser dans la peau d’un ou d’une autre et tenteront de prêter une attention particulière à “ce que l’on regarde mais qu’on ne perçoit pas” (F. Jullien)
Note d'Intentions
FACES naît d’une recherche physique et musicale autour de l’idée de transformation, déformation et altération des matières, des relations et des émotions. Tout est transition : le corps, la mémoire, l'environnement social, la nature, les relations amoureuses, les pouvoirs politiques... Ce que nous percevons n’a aucune forme définitive et franche. Cette idée d’impermanence sur laquelle nous travaillons est notamment développée dans un essai de François Jullien qui s’intitule Les Transformations silencieuses. Il y dit : «La transition est imperceptible, mais elle conduit sous nos yeux au complet renversement : de la victoire à la défaite ou de l’amour à la haine...»
Dans la lignée de cette pensée, FACES cherche cet état de transition, ces métamorphoses invisibles et incessantes qui transforment peu à peu l’intégralité de ce que nous sommes. Ainsi nous souhaitons user de cette instabilité permanente pour construire des personnages à l’identité ambiguë, rencontrer des figures insaisissables et vaporeuses. FACES est un solo pour deux interprètes, un glissement permanent entre différentes identités et différents corps.
Qui est-ce ?
Qu’est-ce que ce c’est ?
Une personne âgée ?
Deux enfants ?
Un vampire ?
Une ombre ?
Une créature hybride ?
Impossible de répondre. Non que nous ne voulions pas, mais nous ne pouvons pas. Plutôt que de figer ces personnages dans des images stables et immuables, nous travaillons sur leurs complexités, établissons des relations illusoires, troubles et instables.
Plus largement notre envie est de prêter une attention particulière à “ce que l’on regarde mais qu’on ne perçoit pas” ou à “ce qu’on écoute mais qu’on n’entend pas”*. Et pour aller encore plus loin symboliquement de trouver des alternatives aux grandes figures et événements qui tracent les contours fixes de notre Histoire et de notre quotidien.
Voici les différents thèmes que nous développons dans FACES :
La trace et le souvenir
Si tout se transforme, rien ne se conserve, rien ne s’inscrit dans le temps, tout disparaît ? Pourtant nous sommes entourés de traces : un bâtiment en ruine, le souvenir d’une image, la nostalgie d’une relation ambiguë, une marque sur la peau,... Comment se rapporter à ces objets mémoriels, signes du passé, eux aussi soumis à des transformations incessantes ? Peut-être parce que « le passé n’est pas derrière nous, comme un état ancien des choses, il est devant nous, avec nous»**. Notre idée est de travailler à partir d’images mémorielles, de souvenirs de photos et notamment d’images cinématographiques.
A partir d’une banque de personnages cinématographiques, FACES dessine une cartographie de la mémoire, s’empare d’images anachroniques pour les faire revivre, répète des actions passées, réhabilite des lieux oubliés et fait sans scrupule se côtoyer différentes temporalités.
Identité usurpée
Ces mutations et glissements incessants d’une forme à une autre, d’une identité à une autre, seront au cœur de notre recherche. Ce que l’on ne peut nommer, ces personnalités que l’on ne peut définir, ces êtres sans étiquettes claires et lisibles : voilà ce qui nous intéresse. Au regard de ces idées, nous nous sommes, dans un premier temps, intéressés à la figure du vampire : personnage marginal et mystérieux, vivant hors du monde et hors du temps, entretenant avec ses victimes des relations ambiguës. Cette première recherche a finalement ouvert un spectre plus large de personnages nébuleux – cette fois non plus mythologiques mais cinématographiques.
Le binôme vampirique et étrange de Only Lovers Left alive (Jim Jarmusch – 2013) : Adam et Eve, couple androgyne, traversant les époques et tentant inlassablement de passer inaperçu en s’adaptant au rythme humain. Ensuite le couple de Betty/Diane et Camilla/Rita dans Mulholland Drive (David Lynch – 2001) où la perte de l’identité s’ancre dans une relation énigmatique et peu à peu corrosive. D’une part, c’est l’identité complexe de chaque personnage qui nous attire : reprendre leurs postures, simuler leurs regards et leurs mimiques. Mais c’est aussi dans le motif du double, du couple que le trouble se joue et se révèle : usurper l’identité d’un(e) autre, se prendre pour un(e) autre, s’y perdre… Ainsi nous tentons de faire surgir dans notre travail ces alter-egos qui forment les mille facettes de nos personnalités changeantes.
Note de mise en scène
Nous avons d’ores et déjà songé à des « éléments de mise en scène ». Certains des éléments présentés ci-dessous ont déjà été testés, d’autres restent à concrétiser et à faire évoluer.
Recherche physique
Notre recherche physique s’inspire de processus de déformations d’images : Glitch, stop motion, slow motion, bugs, décomposition d’une image... A partir de ces inspirations numériques, nous explorons les possibilités de déformations articulaires et musculaires. Ce processus de transformations nous permet d’explorer différents types de corps et de jouer sur ce que cela provoque émotionnellement en nous. Par la répétition, les changements rythmiques, nous cherchons à décomposer ces images corporelles, à les distordre et à faire émerger de nouvelles images. Nous nous inspirons aussi de sculptures anciennes, de ruines, de corps archaïques, de matières déliquescentes, de formes accidentées pour trouver des états de corps. En se laissant traverser par des souvenirs physiques et émotionnels, cette recherche de corps fait surgir des personnages, des alter-ego laissant place à des scènes plus théâtrales.
Recherche spatiale
Nous recherchons un espace avec différentes perspectives. Un espace lointain du trouble, de l’illusion, de l’hallucination dans lequel les formes et les contours sont flous et incertains. Un espace de proximité où chaque spectateur et spectatrice aura son propre accès à une facette du personnage. La proximité permet de guider les regards et de créer des illusions, des tromperies, des changements invisibles qui ont pourtant lieu sous nos yeux.
Nous imaginons aussi créer une version In-situ et investir des lieux extérieurs réhabilités. Des lieux qui portent les marques d’un temps ou marqués par l’idée d’anachronisme.
Recherche musicale
Le processus musical sera étroitement lié au processus chorégraphique. Notre recherche tend à déformer et transformer des sons quotidiens en boucle, des structures folkloriques et à les complexifier par superposition. Tout comme la recherche corporelle, la recherche musicale évolue par couches répétitives lentes et enveloppantes. Nous voulons créer une bulle sonore, immersive pour le public qui accentue l’épaisseur des corps et de la matière.