Goélette articule deux dimensions. L'une pédagogique d’exploration et de transmission d’outils liés à la notation Laban, et l'autre de recherche et création à partir d'une œuvre cinématographique. Jeunes diplômées de cinétographie Laban, écriture du mouvement, nous souhaitons créer une pièce chorégraphique à partir du travail de notation que Lina Schlageter a mené sur le film « Salomé » de Charles Bryant et Alla Nazimova. L'enjeu est de partager à des jeunes élèves autant un processus de création, que nos outils liés à la notation. Un système peu connu que nous envisageons de façon ludique et stimulante pour la création.
"Goélette" est un travail sur la cinétographie Laban et la danse des sept voiles de Salomé, à bord de l'association Nautes. La goélette est un voilier de deux à sept mâts. L'unique sept mâts construit fût celui de Thomas W. Lawson en 1902, qui fit naufrage à cause d'une tempête et du refus de son capitaine de quitter le navire. Transportant une cargaison de pétrole, il causa sans doute la première marée noire. Le récit de la danse des sept voiles exécutée par Salomé, de la bible à la pièce d'Oscar Wilde, est d'une influence comparable dans l'histoire des arts, inspirant de nombreuses œuvres et polémiques. La version étudiée par Lina Schlageter est un film muet réalisé par Charles Bryant et Alla Nazimova en 1923. En transcrivant un film en partition de cinétographie Laban, Lina doit procéder à des adaptations sur ce système d'écriture, et travailler à rendre visible le montage cinématographique à même la partition. Ainsi, le langage du plan, du cadrage, du rythme des coupes, se déduit dans les symboles de la cinétographie, à la lecture de la partition. Pour ce projet, nous voulons reprendre cette scène de danse selon différentes modalités : déchiffrer la partition réalisée par Lina, en transmettre des extraits aux élèves, et réfléchir sans puis avec eux, à comment la mettre en scène. Comment la prendre en charge à un nombre de personnes réduit, la mettre en regard d'autres œuvres et références théoriques. Nous chercherons ensemble comment reprendre et traduire un film en une danse. Comment danser un film ? Comment faire apparaître le montage d'une scène, un groupe de figurants et une dizaine de personnages, à trois ou quatre ? Comment faire le récit de la danse, du montage, son écriture, sa réception? Aucun système de notation du mouvement ne s'étant imposé dans le travail de répertoire, transmission, et création en danse de la même manière que le solfège l'a été pour la musique en occident ; ce projet de traduction d'un système de représentation (ici cinématographique) en un autre (ici notation du mouvement) est assez inédit. C'est là que cette démarche nous stimule également, en allant où la notation n’est pas encore allée. Aussi, la culture du cinéma étant largement partagée et présente dans le quotidien d'enfants et adolescents, passer par une analyse de ce medium pour la transférer dans la danse via les outils de la notation, nous semble un levier intéressant pour constituer un espace de dialogue avec eux. En s'essayant à l'exercice de la traduction, faire d'un montage cinématographique une danse collective, nous nous demanderons : quel langage - et par là quel monde - construit le film ? Quelles sont ses règles, ce qu'elles intègrent et excluent à la fois ? Est-ce qu'on peut les déplacer ? Est-ce qu'on les retrouve dans le langage de la chorégraphie ? L'autre dimension de Goélette est de développer des dispositifs et outils pédagogiques qui innerveront le travail sur Salomé, avec cette attention portée à la danse comme un langage, et à ses traductions possibles. Nous souhaitons partager et élaborer avec des élèves des outils pédagogiques et créatifs. Des exercices mêlant à la fois analyse du mouvement, et stimulation de son intuition et sa sensibilité, avec l'idée que chacun est porteur d’un langage gestuel. De plus, par la lecture et transmission aux élèves d'extraits de partitions d'oeuvres qui ont jalonné l'histoire de la danse, nous souhaitons traverser avec eux d'autres langages gestuels et les questions qu'ils suscitent, afin que les élèves les enrichissent de leurs idées et sensibilité. Les dispositifs et stratégies que nous trouverons pourrons nous amener à d’autres médiums comme la voix (récits de la danse) voire la fabrication d’objets scéniques. Notre intérêt pour ces questions va de paire avec celui que nous nourrissons pour le travail en collaboration, la transdisciplinarité, les constitutions de corps de métiers et de pratiques. Le milieu scolaire est un milieu qui croise autant d'histoires et cultures portées par les élèves et le corps enseignant, que de pratiques portées par les disciplines qui s'y exercent. Rudolf von Laban porte une grande partie de sa recherche en dehors du monde de la danse, vers le geste quotidien et le geste lié au travail (en l’occurrence ouvrier). Ainsi, ce travail fait écho nos recherches respectives et nos travaux avec des amateurs . Ayant suivi une formation ensemble et été interprètes sur différent projets, nous avons développé une dynamique de dialogue d’interprètes et d'auteures, de l'une à l'autre. Nous rejoindre sur des projets pédagogiques et sur la notation est un outil riche pour être auteures d’une recherche commune. De fait, les expériences que nous faisons avec la cinétographie se répondent. Marie a procédé en 2016 au remontage d’une partition de "Waterproof" de Daniel Larrieu. Pièce en piscine, Marie s’intéresse à la remonter sans eau et se confronte ainsi à des problématiques de traduction et transferts similaires à celles que traversera Lina l'année suivante. Enfin, Goélette naît en même temps que celui de créer notre association, Nautes, dont un des objectifs est de développer des projets avec et par le biais de la notation Laban. Cette résidence nous intéresse car elle allie directement la transmission, la recherche et la création ce qui pour nous est le propre d’un travail de création. Cela nous permettrait également de nous interroger sur les problématiques d'inscription d'un projet sur un territoire. Nous souhaiterions rencontrer d’autres partenaires, en dehors de l’école, et permettre aux élèves de nous rencontrer dans un autre cadre (aller voir une pièce de danse, venir nous voir travailler dans un autre environnement...). Enfin, Dominique Brun, en résidence de territoire par le dispositif In situ, nous a invitée à intervenir au collège Louise Michel à Clichy-sous-bois. Cette expérience très riche nous a donné envie de la réitérer, si possible dans le même collège, mais cette fois à l'initiative du projet afin d'être présentes sur toute la durée, en échange direct avec les partenaires institutionnels, et de construire quelque chose qui nous ressemble et avec lequel nous pouvons trouver une cohérence.
Essonne
Par le(s) artiste(s)