Trois artistes de la Compagnie Celui qui dit qui est proposent d'habiter l'école pour créer un film choral sur notre insatiable goût pour la fiction.
Un aller-retour entre des temps d'infusion où les artistes offrent des incrustations de faux dans le décor de l'école et des temps d'échanges avec les enfants de la classe de CM sous deux aspects.
Nous créerons un espace de réflexion sous forme de discussions collectives, débats, jeux d'écriture; ainsi qu'un espace d'expérimentation sous forme d'ateliers-laboratoires de théâtre et cinéma.
En complicité avec les enfants, les enseignants, le personnel et proches de l'école, ceci est une tentative de définir le « jeu », danser avec les lisières du réel, se réapproprier la fabrique de la fiction.
La production sera -entre documentaire et fiction- le fruit d'une réflexion collective, nourrie de scènes de jeu capturées, d'images de vie collectionnées, de témoignages récoltés.
Dans la Cie Celui qui dit qui est, compagnie de théâtre et pas que, on a à coeur de questionner la place de l'art dans la vie et le geste de « création ». D'où notre envie de questionner l'inépuisable soif de fiction, de héros, mythes fondateurs, mensonges, simulacres, reproductions, trompes l'oeil : autant d'oeuvres imaginaires qui nous fascinent toustes. On a eu envie d'aborder cette thématique en parallèle de nos répétitions de création spectacle. Le départ du projet cinéma « Le goût du faux » est de penser notre besoin d'histoires et notre inclination constante à se représenter et à se voir représenté. Partant de l'univers du spectacle vivant, le choix du médium film donne la possibilité de rassembler aisément tant des bribes du réel que des univers créés de toute pièce. L'écriture de ce documentaire de création se fait à plusieurs, entre Ana Urbain et Cecilia Coquillat en co-réalisation et Lucie Garrigues complice comédienne. L'objectif est de créer un film basé sur un enchevêtrement de sensations collectées, de scènes de vie du réel, de vraies scènes rejouées, d'incontestables fausses interviews de personnages, de discussions collectives, de véritables images de répétition, de témoignages... Pour construire cette forme, parce que nous aimons recueillir des sensations nombreuses et proposer de multiples angles de vue, nous croisons nos réflexions avec un public différent de nous.
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En s'immisçant à l'école, les artistes renouent avec l'état préalable à la création, l'état de « jeu », dont on dit de lui qu'il est le grand travail de l'enfant. En troquant notre réflexion du jeu théâtral avec le jeu enfantin, nous pensons pouvoir aborder avec aubaine cette réflexion. Pour nourrir la création de ce docufiction, les artistes proposent une occupation quotidienne de l'école sur plusieurs semaines, des temps de réflexion avec les enfants et des temps de pratiques d'ateliers laboratoire théâtre-cinéma. Les comédiennes seront en présence régulière dans les couloirs, la cour, à la photocopieuse ou dans la classe. Elles proposeront de discrètes parcelles fictionnelles et des présences de personnages qui modifieront le paysage réel de l'école le temps d'une journée. Cette « infusion » est un moyen de chatouiller les enfants quant à la lisière entre le réel et la fiction. D'autre part, des temps d'échange pour créer un espace de discussion collective seront instaurés avec les enfants. Au programme: débats, jeux d'écritures, interviews. Enfin, un atelier laboratoire régulier de pratique théâtrale et fabrique à cinéma sera mis en place. Il s'agira de s'approprier les notions de jeu/hors jeu, scène, décor, personnage et de pousser les enfants à s'interroger sur les moyens de narration traditionnelle. Ces ateliers mèneront à la création de scènes de cinéma collectives in situ dans divers espaces usuels de l'école pour rendre à leur tour les enfants acteurs-performeurs dans leur espace quotidien. Tous les moments de transmission seront filmés et pourront devenir des bribes du film. Plus largement, les artistes pourront recueillir des images de vie de l'école (on pense notamment à la cour de « Récréations » le film de Claire Simon) et des témoignages des enseignants, du personnel et proches de l'école. Voilà pour le lien avec les enfant.
Pour ce qui est de notre processus de création, notre approche est expérimentale. Nous nous plaçons du côté de l'essai et de l'invention, le regard est à imaginer avec cet échange, l'écriture n'est pas prédéfinie. Elle n'est pas à envisager comme réponse sociologique à la question "la fiction c'est quoi?", mais plutôt comme un bouquet de sensations recueillies auprès de ces habitants-en ce lieu-en ce présent, habitants d'un territoire à imaginaire collectif local, avec histoires de vies et traditions propres. Plutôt qu'une froide caméra reportage, la captation se fera "à la manière de", ici avec l'essai d'incarner le regard de l'enfant. Le jeu théâtral est partie intégrante de notre écriture cinématographique, nous souhaitons interroger le faux, la croyance, l'effet, l'artifice. Jouer sur la lisière entre réel et fiction, avec la notion de bien joué et mal joué, jouant des registres, de la langue, du costume... Réinventer une fabrique de la fiction à nous, entre théâtre et cinema, avec pour intention première de "donner à voir" au spectateur sans assigner du sens, proposer des associations libres en favorisant le goût de l'interprétation personnelle, en le poussant à choisir les liens de compréhension. Parce qu'on cherche à montrer des visions subjectives, on imagine une narration enchevêtrée, pour perdre, pour créer un paysage cacophonique, à visions plurielles, un film indiscipliné à l'image des enfants, ces machines de création de fiction, ces écouteurs fous d'histoires, ces inventeurs sur page blanche. Et avec eux, déconstruire la fiction pour tendre plus largement à une réappropriation de l'imaginaire.
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Pour la restitution finale, nous prévoyons une "projection performative". Il s'agira de montrer le film aux enfants, à leurs parents, leurs proches et à un public plus élargi en inventant un cadre théâtral. Pour prolonger l'expérimentation, nous aurons à coeur de troubler le contexte comme nous aimons le faire au sein de la Cie Celui qui dit qui est pour questionner la place du spectateur, le cadre de la fiction. Nous avons déjà prévu un tapis rouge à la craie déroulé sous les pieds du public complice chaleureusement invité.
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Ce projet de série docufiction "Le goût du faux" est une production de la Compagnie Celui qui dit qui est, il fait partie des « créations hybrides » où le spectacle se prolonge dans un médium autre que la scène. La série s'écrit sur plusieurs années. Nous prévoyons 2 volets par an. Chaque épisode s'invente pour varier le regard et l'imaginaire commun avec différents publics en habitation dans divers lieux : une théâtre, une école, collège, usine de contre-façon, centre social... A chaque habitation, des comédiens complices de la Compagnie s'incrustent dans le paysage des habitants et catalysent la rencontre autour de dispositifs immersifs (vrai faux loto de village, caméra-parloir...). Nous sommes en train de créer un pilote avec des images tournées au Point Ephémère et le quartier parisien Stalingrad. En septembre 2021 se tournera l'épisode 1 en lien avec le théâtre du Ring-Scène périphérique et les habitants de son quartier toulousain des Sept Deniers. Avec Création en cours ce sera l'épisode 2 pour le printemps 2022.
Par le(s) artiste(s)