Le Motif dans le Territoire

Le Motif dans le territoire ne s'ancraient pas particulièrement dans l'Orne à l'origine, mais se définissait plutôt comme une recherche incessante et systématique, s'adaptant aux différents territoires. Poursuivre le projet dans l'Orne avait pour objectif d'intégrer une nouvelle source d'informations : la mémoire.

Le Motif dans le territoire a toujours été un tissage entre une réalité environnementale concrète et des représentations folkloriques. Les recherches théoriques, l'échange avec les habitants et surtout l'observation du paysage local (rural, urbain, industriel...) étaient les principales sources d'inspirations pour déterminer de nouveaux "motifs".  Même s'ils étaient systématiquement subjectifs, la quête du "motif réel" était animée d'un désir d'outrepasser des symboles traditionnels, pour donner à voir des images plus concrètes, moins pittoresques, et donc, plus "vraies".

Cependant, prenant racine dans l'Orne, le protocole de recherche et de création fut mis à mal, influencé par des souvenirs et l'envie de confronter des croyances anciennes aux "réalités actuelles". Le Motif dans le territoire fut donc d'abord une quête complexe et tumultueuse de vérité.

Mais, au fil des séances avec les CM1-CM2 de Chailloué, je voyais un vocabulaire graphique se mettre en place, associant symboles officiels pittoresques et réalités intimes. De la même façon, je constatais que mes recherches théoriques sur l'Histoire de l'Orne, n'étaient pas si déconnectées de mes observations et de mes souvenirs. C'est dans ce contexte que Le Motif dans le territoire est devenu un projet de recherche où la notion de patrimoine est détournée, redéfinie, inlassablement. Qu'est-ce qu'un patrimoine, de quoi se compose-t-il ? Le patrimoine survie-t-il parce qu'il s'est transmis ? Que m'a-t-on transmis ? Qu'a-t-on conservé ? Quelle est la différence entre la transmission et la conservation ? Le journal de bord rédigé sous formes d'articles, publié sur ce site, rend compte du cheminement mental et formel qui fit évoluer le projet.

Les pièces produites dans le cadre de la résidence forment une constellation d'objets hétéroclites, liés les uns aux autres, où la mémoire intime, les récits officiels, les témoignages, et les perceptions subjectives passées et présentes, s'entremêlent. L'exposition finale Le Paysage selon des normands rend compte de ce tissage complexe en questionnant le concept de patrimoine sensible. La résidence de recherche Création en cours constitue donc une étape importante du projet. Le Motif dans le territoire interroge finalement le tissage spatio-temporel complexe qui façonne un territoire et ses modes de représentations, à travers ses différents patrimoines vivants et "figés". 

Lorsque j'ai interrogé les élèves de Chailloué sur ce que signifiait pour eux le terme "tissage", nombreux m'ont répondu qu'il s'agissait d'un vêtement. Le Motif dans le territoire serait-il, au final, une pièce textile dont on ne saurait retracer l'origine de tous les fils qui la composent ? Le territoire est-il, en fin de compte, un tissu dont on ne peut distinguer toutes les coutures et comprendre tous les motifs ?

Le territoire et ses motifs, pourraient-ils être comme un vêtement qu'on nous aurait tricotté, transmis, qu'on porte parfois indifféremment, parfois fièrement, mais la plupart du temps inconsciemment ?