Octantis | Constellation sonore

Je décide aujourd'hui de participer à l'aventure création en cours et de me focaliser sur ma première installation sonore en solo : Octantis. Le mélange de la création et de la pédagogie, du travail en commun avec des personnes (ici des élèves) extérieures m'intéresse énormément et je pense orienter une partie de ma carrière de musicien indépendant vers des projets de formes similaires. C'est pourquoi Octantis ne sera pas seulement un projet artistique transmis aux élèves à travers des ateliers reprennant les mêmes principes mais véritablement un projet que je construirais avec eux. Effectivement, étant très intéressé par le mouvement Do It Yourself (Faire soit même) qui prône la collaboration, la mise en commun du savoir, sa gratuité et l'apprentissage par la pratique, il me paraît essentielle pour cette première installation d'en appliquer les valeurs. Concernant la pédagogie, il faudra également faire en sorte d'ancrer mes travaux dans une réalité, faire le lien entre des recherches relativement abstraites, ou du moins très spécifiques et une pratique, une écoute quotidienne, des comportements beaucoup plus concrets. À travers Octantis, qui vise à interroger les rapports entre l'être humain et les sons, l'électronique et sa place dans le cosmos (nous verrons plus tard dans ce dossier de quelles façons), et propose un travail collaboratif très poussé, je souhaiterais sensibiliser des élèves au son, leur expliquer les enjeux d'une création sonore et de la place de l'art dans nos sociétés en général. Le travail en commun ne sera donc pas seulement de l'ordre de la pratique mais portera également sur la réflexion intervenant lors de nos échanges et des sessions de bricolage en commun. J'aimerais ici vous parler de manière plus approfondie de l'installation en elle-même et de son aspect technique, des choix qui m'ont amené à cette idée de création mais aussi des va-et-vient qui ont sans arrêt lieu entre réflexion intellectuelle et fabrication manuelle. Le bricolage est une des facettes essentielle de ma pratique, mon expérience de deux ans à Lutherie Urbaine m'a permis d'en comprendre les enjeux. Grâce à toute la formation technique que ce travail a permis, je suis également capable d'orienter mes projets pour qu'ils soient réalisables. Il y a ici un énorme travail d'adaptation entre l'idée et le façonnage d'un ouvrage réalisable. Ma connaissance des moteurs, des LED, des microphones et de toute la chaine du son me permet de faire cet aménagement. Tout part donc de l'idée de ce plafond suspendu. Pour réfléchir à la place de l'écoute et aux interactions entre l'être humain et les sons dans la société je pense qu'il faut challenger les conditions d'accès aux sons. C'est pourquoi je décide de proposer des sons qui ne viennent pas de haut parleurs, toujours positionnés de la même manière, de sorte que notre oreille les perçoivent au mieux, mais bien des sons venant du plafond. La directivité des son va donc changer notre perception. De plus, j'aimerais que le public ait la possibilité de s'assoir, voire même, de s'allonger, ce qui changerait encore leur perception. Tout ceci me permettra, en compagnie des élèves co-créateurs, de questionner la perception et le formatage de la réception des sons ainsi que de sensibiliser les publics à ces questions, de les guider, plus largement, vers une réflexion sur la place qu'occupent les sons dans nos sociétés et au-delà. Un détail technique et un principe de réutilisation, encore une fois découverts à Lutherie Urbaine, vont jouer un rôle central dans cette installation : les moteurs que l'on trouve dans les imprimantes de bureau qui ne fonctionnent plus correctement. Effectivement, nous avons découvert et réussi à contrôler grâce à l'outils informatique et à la programmation, avec les artistes associés de l'association, qu'à l'intérieur des imprimantes mises au rebut, nous pouvons trouver des moteurs qui contrôlent le déplacement horizontal des cartouches, les recycler en détourner l'utilisation et leur donner une seconde vie. Fixées sur un tuyau plus long que celui de l'imprimante, avec une courroie plus importante, il est possible de faire parcourir des mètres aux boitiers (réceptacle des cartouches d'encre à la base), sur lesquelles seront fixées les LED qui deviendront une des sources de son. Cette installation représente également une volonté de ma part de créer du lien entre mes questionnements sur l'être humain, et l'imaginaire spatial. Il me paraît nécessaire, à travers une étude des rapports qu'entretient l'être humain avec les sons, d'étendre le sujet à sa place dans l'univers et d'en profiter pour créer une identité qui me sera propre et qui se retrouvera dans de nombreuses installations sonores. Je fais le choix d'exploiter l'imaginaire astrologique car il me paraît permettre et faciliter l'immersion, la rêverie et une forme de pérégrination onirique. C'est pourquoi j'ai choisi de nommer ce plafond suspendu Octantis, du nom de l'étoile visible à l'oeil nue la plus proche du pôle sud céleste qui à la particularité d'apparaître quasiment immobile tandis que la voûte céleste tourne autour d'elle. Ceci me permet d'injecter un peu de poésie dans cette installation basée sur des principes technique relativement complexes et évoquer l'immobilité de l'être humain à l'échelle inter-planétaire et stellaire. Il s'agit là de détourner des théorie scientifique, de les mélanger à une forme d'astrologie imaginaire, le tout dans le but de se consacrer à l'étude du son et de l'être humain. Ce cheminement me paraît essentiel car il procure une liberté poétique transcrit, entre autre grâce à de nombreuses métaphores permettant une forme de vulgarisation d'un savoir sur les différents aspects du son. Encore une fois, cette identité spatiale est à préciser via, notamment, des débats avec les élèves sur ce que représente l'univers, les étoiles, comment l'homme peut se positionner face à tant d'inconnue et une telle immensité et également via une recherche sur les sons (fictifs, imaginés ou réels) de l'espace. Les travaux de recherche liés à Octantis s'étendrons certainement sur plusieurs décennies, demanderont de nombreuses versions de cette installation et d'autres. Cette première étape dans le long voyage que j'entreprends est essentiel, elle me permettra de délimiter avec plus de précision les possibilités qui s'offrent à moi, de clarifier certaines problématiques et, plus généralement, dessinera une direction, une voie dans laquelle s'inscrira nombre de mes créations. ____ Il serait difficile ici de résumer mes motivations qui sont très nombreuses et qui ne se concentrent pas dans ce seul projet mais évoluent depuis de nombreuses années. Cependant, il s'agit ici d'une forme de concrétisation de mes années d'études et de mes quelques expériences passées. J'aimerais donc ici vous évoquer quelques points m'ayant véritablement décidé à rédiger ce dossier et à engager ce travail pour le projet Création en Cours : - À l'exception de la Lutherie Urbaine, les Instants Chavirés et le lieu Multiple à Poitier, je n'ai pas eu l'occasion de travailler avec d'autres structures. J'ose espérer que cette expérience me permettra, de façon directe ou indirecte, d'étendre mon réseau de collaborateur. - En tant que jeune artiste, les opportunités sont rares et difficiles à obtenir. Profiter d'un tel dispositif pour faire avancer mes questionnements et mes engagements serait une chance immense. - Étant musicien indépendant, aux idées fortes et conscient de la société dans laquelle nous évoluons tous, l'argent n'est pas une réelle motivation, cependant, dans bien des cas il permet d'avancer plus efficacement. - De plus, j'envisage dans quelques années d'entreprendre un doctorat en musicologie traitant des thématiques évoqués plus tôt. Cette première installation me permettra d'affiner mon sujet à travers un jeu d'aller-retour entre recherches et créations.