« Sculpter la danse » est une création chorégraphique pour un danseur, proposée dans le cadre du dispositif « Création en cours ». La création se propose de redécouvrir le travail sculptural d’Auguste Rodin sur la danse, en revenant aux origines de la danse contemporaine. La chorégraphie est une alliance de danse contemporaine et d’arts plastiques, accompagnée par une instrumentation à l’orgue. Il s’agit d’une exploration transversale mélangeant travail sur la technique originale du sculpteur Rodin et volonté d’authenticité portée par les précurseurs de la danse contemporaine.
Je souhaiterais créer une pièce mélangeant danse contemporaine et sculpture. La danse a été toujours dans l’Histoire des Arts une source d’inspiration inépuisable pour les peintres et sculpteurs (je pense notamment à Degas, Rodin ou Niki de Saint Phalle). Pour ce projet, j’aimerais travailler autour des oeuvres de Rodin et redécouvrir en chorégraphie l’histoire de leurs créations. Mon choix s’est rapidement porté sur Rodin en raison de la modernité de sa démarche artistique pour son temps. En effet Rodin privilégiait la représentation d’un corps en mouvement aux poses académiques et figées habituellement demandées par les sculpteurs. Voici sa méthode de travail avec ses modèles, telle qu’il l’a confié à Paul Gsell, à la fin de sa vie : « Quant à moi, chasseur de vérité et guetteur de vie, (…) je prends sur le vif des mouvements que j’observe, mais ce n’est pas moi qui les impose. Même lorsqu’un sujet que je traite me contraint à solliciter d’un modèle une attitude déterminée, je la lui indique, mais j’évite soigneusement de le toucher pour le placer dans cette pose, car je ne veux représenter que ce que la réalité m’offre spontanément. En tout j’obéis à la Nature et jamais je ne prétends lui commander. Ma seule ambition est de lui être servilement fidèle. » Le désir qu’il a eu de saisir des instants de la réalité, authentiques et non fabriqués m’a tout de suite plu car il me ramenait aux origines de la danse contemporaine quand elle s’est séparée de la danse classique qu’elle jugeait trop factice, codifiée et normative. D’ailleurs, à la différence d’autres artistes comme Degas qui peignaient les danseuses de l’Opéra Garnier, Rodin préféra délaisser les ballets classiques pour s’intéresser aux expérimentations de Loïe Fuller, Isadora Duncan et Nijinski. Ces trois grands chorégraphes sont importants pour moi car ils ont permis à la danse de se libérer de ses artifices et de ses conventions et ainsi lui permettre d’être beaucoup plus libre. En cassant les codes de la danse classique, ils ont cherché à se rapprocher de la nature et des mouvements simples qui en découlent. Pour Isadora Duncan, la danse avait ainsi une dimension sacrée : elle permettait d’unir le corps et âme et d’exprimer de façon naturelle et pure toute la richesse des sentiments humains. Je souhaiterais que ce travail s’inscrive dans cette lignée, à l’interface entre sculpture et danse, et m’amène à découvrir une méthode simple, authentique, honnête et vraie de création. Le travail que j’aimerais initier s’articulerait autour du travail créatif du peintre-sculpteur. Je suis aussi bien intéressé par la danse du modèle devant le sculpteur, que le travail de saisie du mouvement ou de façonnage manuel par le sculpteur, à l’aide de terre de modelage pour la sculpture, du crayon pour le dessin ou du pinceau pour la peinture, que du rendu final. J’aimerais que tous ces moments puissent s’intégrer de façon fluide dans la création. De prime abord, j’aimerais que la chorégraphie soit accompagnée par une musique de l’époque Romantique, qui est à mon sens propice à l’expression des sentiments, et que la musique soit jouée à l’orgue. Le choix de prendre cet instrument m’est cher car je trouve que le son qu’il donne est magistral, pénétrant, spirituel et sacré. De plus, l’Association genres et Ma.Ni que j’ai crée avec Arthur Nicolas-Nauche, notre organiste, a pour vocation de réunir l’orgue et la danse car l’orgue accompagnait au commencement la danse. En ce sens, le choix de l’orgue s’inscrit bien dans cette démarche de retour aux origines. J’ai été intéressé par le projet « Création en cours » car à la manière d’enfants qui grandissent et se développent, nous jeunes chorégraphes nous apprenons à developper notre imaginaire, notre créativité et notre réflexion dans les différentes pièces que nous créons. Par ailleurs, Isadora Duncan pensait que « on ne doit pas apprendre à l’enfant à faire des mouvements, mais on doit le guider et l’instruire par l’esprit au fur et à mesure qu’il grandit ; en d’autres termes, on doit apprendre au corps à s’exprimer lui-même par des mouvements qui lui sont naturels. » J’ai l’impression que cela s’applique toujours pour moi dans le travail de création. De plus, je pense que la danse est un outil qui peut aider les enfants à se développer, tant du point de vue physique, que musical ou expressif. En effet, nous sommes enfermés dans un monde technologique et rapide, de plus en plus éloignés du naturel et nous oublions souvent de prendre le temps d’explorer nos sensations, nos mouvements spontanés et nos émotions ; ce à quoi la danse nous ramène. Je suis ainsi convaincu que grâce à la danse - et c’est ma propre expérience qui parle - les enfants seront plus aptes à clarifier leurs sentiments et à approfondir leur connaissance d’eux-mêmes, des autres et du monde dans lequel nous vivons. J’espère que ce projet saura retenir votre attention.
Mayenne
Par le(s) artiste(s)