"Tapis-exquis" est un projet de recherche en design qui, à partir d'une réflexion sur l'objet tapis, lieu d'échange, de convivialité et vecteur de récits, tentera de faire de la salle de classe un espace capable de transmettre le goût du vivre ensemble et du faire en commun.
Depuis quelques mois mes recherches s'articulent autour de cet objet devenu un lieu commun : le tapis. Il peut être objet ou espace, il peut isoler ou regrouper, montrer ou cacher, être surface d'accueil ou créateur de situation, purement fonctionnel ou infiniment poétique. Le tapis véhicule des histoires, des mythes, des légendes, des récits. Les textiles résultent de techniques ancestrales qui ont traversé les siècles. Ils ont permis de fixer l'histoire, d'ancrer des fragments de vie, de diffuser des croyances, d'affirmer des appartenances culturelles. Le tissu se lit, le tissu raconte. Un peu comme objet premier de nos habitats, ou même comme habitat premier : un minimum vital aménagé au sol. Je me demande quelle est la valeur du tapis aujourd'hui dans notre quotidien. Au delà, je m'interroge sur la pratique même du tissage : qu'est ce que tisser aujourd'hui ? Comment cette pratique peut être une forme d'engagement ? Et en quoi le tissage peut être une forme de résistance au mode de production industrielle actuel ? Dans la répétition d'un même geste, l'esprit s'installe dans un rythme régulier trouvé par le corps qui est loin des gestes routiniers et abrutissants des chaines industrielles. A mesure que le tissage avance, la pensée se matérialise. Par l'assemblage des fibres, la satisfaction de constituer une matière se transforme alors en un plaisir de s'être constitué, recentré, rassemblé soi-même. J'ai trouvé dans la pratique du tissage une manière de matérialiser mes pensés et d'engager une posture de designer : les conditions de création, le moment où la chose est en train de se faire sont les moments déterminants du projet. Mes recherches, qu'elles soient pratiques ou théoriques me poussent donc autant, sinon plus, à réfléchir au processus de fabrication de l'objet plutôt qu'à l'objet lui-même. Cette résidence serait un moyen de privilégier ce lien entre la matière et la pensée, de voir leur mode de constitution concomitante où l'une influence l'autre et inversement. Je suis curieuse de voir comment les enfants appréhendent cette technique, comment ils la perçoivent et comment ils en parlent. Il me semble que le tissage n'est pas simplement une technique de production d'objet, c'est une pratique en soi, de soi, qui doit aussi se faire hors de l'atelier. La résidence « création en cours » serait un moyen de concrétiser cette conviction. En modifiant le métier à tisser lui même, le système Jacquard a révolutionné toute l'industrie textile. De la même manière, c'est sur le métier lui même, l'outil, que je voudrais orienter la suite de mes recherches. En tant qu'artisan designer, pourquoi ne pas commencer par la conception de mes propres outils ? Lors de mes différentes expériences auprès d'artisans, j'ai constaté que tous avaient adapté voire fabriqué eux-même leurs outils en fonction des pièces qu'ils fabriquaient et en fonction de leurs gestes. La résidence serait le contexte idéal pour mener cette réflexion sur des outils qui permettent à la fois de créer et de transmettre : concevoir le métier à tisser comme outil d'innovation social où, à travers la fabrication d'un objet, des histoires peuvent se « tisser ».
Ariège
Par le(s) artiste(s)