Le jeu de construction explore les formes, les matières et l'espace. Cher à l'enfance, il exprime la créativité et la découverte, laboratoire de l'artiste adulte. Peut-il permettre un rapport plus sensible à l'environnement immédiat ? Comment et pourquoi interroger notre environnement quotidien ? Le définir : mettre des mots dessus, chercher les formes qui le structurent, qui se répètent...L'art existe pour interroger le quotidien, le remettre en question. Mon projet propose une lecture des espaces de notre vie par le jeu de construction, la cartographie et le dessin pour mieux comprendre notre relation à l'environnement.
Comment et pourquoi évaluer notre rapport à l'espace? L'art doit permettre de montrer l'inventivité de l'environnement ordinaire. Les espaces dans lesquelles nous vivons sont régis par des lois et des formes construites par d'autres. A chaque élément est assigné une place, un rôle, un produit à consommer. Selon Michel de Certeau, « l'homme ordinaire se soustrait en silence à cette conformation. Il invente le quotidien grâce aux arts de faire, ruses subtiles, tactiques de résistance par lesquelles il détourne les objets et les codes, se réapproprie l'espace et l'usage à sa façon ». Ma recherche a lieu sur l'imaginaire que l'on entretient avec un espace. Espace vécu, traversé, inventé... Le rapport du corps à l'espace se fait avec le temps. Je questionne les répétitions, la découverte, l'exploration, l'espace « routinier ». La carte est un moyen que je privilégie dans cette recherche. Quelles sont les règles que nous impose l'univers dans lequel nous bougeons ? Je cherche à les définir par le jeu de construction, le rapport du toucher, de la hauteur, du poids... La lecture de l'environnement pose des questions sur l'altérité : les lieux de la solitude, de la communauté, du partage, de l'oubli et de la projection... A partir de l'étude de l'espace par la carte, nous étudierons par glissement le rapport espace / temps. A travers des jeux de construction nous tenterons d'en donner une nouvelle lecture. Et à partir de ces expériences nous pourrons établir un manuel à l'usage de l'autre pour lire l'espace que nous aurons exploré. Nous utiliserons la carte comme un support de lecture puis comme un support d'action. Avec elle nous pourrons lire le passé et prévoir le futur. Elle est un moyen pertinent d'évaluer notre rapport au monde car elle a la particularité de réunir le temps et l'espace dans une seule et même image. Nous verrons ainsi une "traduction du chaos des données empiriques en un système homogène exprimé en termes de position et de distances " selon les termes de Gilles Tiberghien. Le dessin est un outil qui sera privilégié. Sur une feuille de papier classique, au mur, au sol, sur soi, sur l'autre. Il permet d'explorer l'environnement et d'exprimer son imaginaire. Le monde a sans cesse besoin d'être lue : plutôt que traverser, il faut l'interroger pour le lire. Le jeu de construction est une grammaire de matière et de formes en attente d'être. En lui se trouve la logique du potentiel, c'est à dire ce qui existe en puissance mais qui doit être acter. Il demande une implication, une expression propre à chacun... Il est une forme première de la sculpture où on questionne, évalue les poids, les distances : les règles propres à la matière. Les éléments de construction seront inspirés par l'univers de l'école: formes, matières et images. Les éléments donnés ne seront pas tous évidents : formes droites ou courbes, inégales, légères ou plus lourde... Je pourrais demander aux enfants de choisir leur matière : bois, plastique, métal. Chacune est une forme d'être au monde. Le manuel qui viendra synthétiser le projet sera un témoignage de l'expérience vécue et partagée par les enfants durant ce projet sous une forme didactique à l'usage des plus grands.
Vienne
Par le(s) artiste(s)