Alexandre Roccoli par Mehdy Berlouki

Deux ou trois choses sur Alexandre Roccoli

Le

Alexandre Roccoli poursuit au Carreau du Temple (Paris 3e) son travail initié en résidence aux Ateliers Médicis. Il propose aux habitants et habitantes des ateliers de recherche et d’expérimentation afin de nourrir sa création chorégraphique.

Que faites-vous aux Ateliers Médicis ?
J'ai répondu à l’invitation de Cathy Bouvard [directrice des Ateliers Médicis] avec qui je suis en lien depuis le début de mes projets en France comme à l’étranger et qui a toujours été pour moi une personne clef, un repère solide pour baliser ma vie d’artiste.
Les Ateliers Médicis représentent pour moi un réel espace de dialogue, de terrain et un modèle en devenir. Je souhaitais mettre une pierre à l'édifice en m'inscrivant dans les strates du temps avec les seniors, véritables archives de ce territoire. Nous mettons en places des pratiques entre générations, entre savoirs, sur le corps, le geste et ses mémoires et par là, nous créons de multiples dialogues où les savoirs convergent. Un véritable vortex s’est créé de manière nécessaire sur le corps, l'histoire des corps comme archives d'une géographie, d'une génération passée venant à la rencontre d’une génération future. Je crée des situations de rencontres où l’atelier même devient vaisseau à remonter le temps et les dimensions corporelles deviennent celles du sensible. Il s’agit d’une école de la vie au sens presque éthologique où les âges se confondent et se télescopent.

Vous travaillez avec l’école Kourtrajmé et la Maison des Seniors, qu’apportent les relations intergénérationnelles dans cette démarche ?
Je suis en dialogue amical avec les responsables de la formation : Sébastien Davis et Ludivine Sagnier, mais je ne travaille pas directement avec l’école Kourtrajmé, ces pratiques pourraient pourtant être riches pour le programme. J’ai, bien sûr, souhaité travailler avec des anciens élèves, mais pas uniquement. J'ai souhaité continuer ce travail mené depuis plus de dix ans où je tente de faire rencontrer des personnes de générations différentes. Ainsi depuis 20211, je travaille avec des jeunes migrants, des futurs soignants, des publics plus jeunes (collégiens, lycéens, apprentis), mais aussi des danseurs et acteurs. Ma volonté était de rencontrer des seniors, je m'attendais à ce que certains souffrent de la maladie d’Alzheimer. Ce n’est pas le cas des dames de la Maison des Senior, elles sont des sources vives, souvent plus alertes que les jeunes, encore en pleine recherches de confiances en leurs futurs.

Alexandre Roccoli au plateauCes pratiques physiques de reconnections et de déconnections traversent ce que nous souhaitons nommer « histoires de rites, du soin », où le moindre geste, le moindre contact  recentrent sur l’écoute de ce qui est essentiel, à savoir l'imaginaire, la visualisation, la sensation augmentées. On y sonde, on y scanne, on y traverse des gammes de touchés, de contacts, on y redirige la sève énergétique. On redonne au corps sa dignité.
Les artistes intervenant·es à mes côtés sont ici comme des passeurs, des catalyseurs, proches du chamanisme. Ici plusieurs artistes sont venu·es à nos côtés notamment Fatim-Zahra Alami et Pauline Pralong avec une générosité et une puissance imaginaire rare. Elles sont deux actrices brillantes. J’ai aussi invité des interprètes de mes précédentes pièces que je voudrais réactiver avec eux. Vera Gorbatcheva à travers les rites associés aux tissages dans Longing et Weaver Quintet ; Mehdi Berkouki à travers Empty picture la pièce hommage aux gestes de mineurs de fonds dont mon père reste un des derniers survivant en France.

Qu’est-ce que cette résidence a produit sur vous, sur votre pratique ?
Elle a créé le désir de s'inscrire encore plus dans le temps et de jouer avec celles et ceux, qui en vieillissant, rajeunissent et sont source de vie. Des portraits vidéos tissent ainsi, au-delà du bienfait des ateliers, le rôle crucial de faire coexister des savoirs et des générations de langages « Tremblez jeunesse nous sommes votre futur. ». Et le désir de créer une école pérenne intergénérationnelle afin de muscler les imaginaires hors des réseaux sociaux, en vue de créer des liens plus empathiques…
 
Que pensez-vous qu’elle a produit sur les participant·es ?
Ils sont gigantesques ! Les témoignages que vous verrez dans ces films sont bouleversants de sincérités.

Je remercie tout particulièrement la maison des seniors de la ville de Clichy-sous-Bois et son équipe, un des lieux clef qui a permis ces rencontres.

En savoir plus sur le site de l’artiste
-> www.alexandreroccoli.com

Photo d'Alexandre Roccoli par Mehdy Berkouki