Ce projet explore les possibilités imaginaires et des manifestations festives et collectives des régions dites vieilles régions industrielles : Les Vosges, La Moselle et les Ardennes. Des forêts de grands pins aux allumettes, les paysages transformés par l’industrie forestière et minière sont aujourd’hui habités de nouvelles présences. Louise Hallou développe un projet performatif et filmique dont la trame de fond serait cette histoire contrastée de la région, pour construire avec les enfants le projet étrange d’une manifestation de la forêt. Elle explore ainsi deux aspects de ses recherches autour du paysage et de sa mise en mouvement à travers les gestes et mouvements du corps, par la performance, ainsi qu’un regard poétique et politique en observation du quotidien de ces régions.
"L’idée est d’organiser avec les enfants une manifestation collective et poétique pour l’étrange et le merveilleux après avoir collecté ensemble des idées, images, matériaux formant petit à petit le corpus d’une narration collective à performer. Cette manifestation prendra place dans les rues de la ville, elle reflétera son univers merveilleux et social, comme si la ville fabriquait elle-même sa propre représentation avec ses jeunes acteurs, qu’elle se donnait ensuite à contempler.
Les forêts des Vosges sont faites d’immenses pins, elles ont un caractère merveilleux mais ont aussi été la matière première des industries forestières. Du grand pin aux allumettes. Ces régions portent des contrastes forts, entre des paysages préservés, des paysages industriels à l’abandon et de nouvelles réhabilitations. Les régions de l’implantation de ce projet ont aussi été marquées par des mouvements ouvriers : un esprit de solidarité, de diversité sociale et aussi du labeur qui est peut-être encore présent dans l’héritage des pensées, les gestes, les lieux de rencontre.
En travaillant avec les enfants, l’idée sera d’abord de dresser un portrait d’une petite ville, de ce qui fait son quotidien, de ce qu’il s’y trouve de particulier et étrange, du regard que l’on pose encore sur la nature, le rapport que les enfants entretiennent avec elle, et ce qu’on peut soulever ensemble comme interrogations, contrastes, et images.
Paterson est un long poème de William Carlos William construit autour de la ville ouvrière du New Jersey qui lui donne son titre. Son écriture poétique en vers est faite d’images, d’anecdotes, de paysages, propres à cette ville traversée par la rivière. Cette écriture s’alterne avec des fragments d’archives quotidiennes : coupures de presses, faits divers locaux, lettres, documents divers. J’aimerai partir avec les enfants d’une observation aussi sensible du quotidien : quelles scènes humaines, mouvements naturels, compréhensions sociales nous permettent d’établir un portrait poétique de la région dans laquelle je me trouverai ? Qu’est-ce qui en sortira de tendre, de dur ? Qu’est-ce qui s’étirera dans le temps ?
Je poserai de mon coté ces idées avec les matériaux de la vidéo et de l’écriture de poèmes qui seront plus tard mis en formes avec la captation de notre manifestation.
Nos premières rencontres prendront place dans un lieu qui sera pensé comme un espace de partage, dans lequel nous pourront tour à tour parler de nos observations, parler de contes évocateurs du paysage, visualiser des extraits de vidéos d’artistes, de films. Chacun pourra y amener ses trouvailles : une vieille carte postale de forêt, une boite d’allumette, des photos des ouvrier.ère.s dans les scieries, un morceau de bois trouvé dans la rue, la vidéo d’un vieux chien ou du mouvement d’un arbre agité par le vent. Nous avanceront en nous demandant comment trouver du merveilleux ou de l’étrange dans ces observations ? Comment amener le réel de la ville vers l’irréel ou le poétique ? Nous chercherons ensemble comment ces petits événements observés pourraient être encore plus étranges, sauvages ou tirer vers la science fiction - par le jeu des mots, de la couleur, de la narration
Des images et messages en découleront : L’ARBRE QUI TREMBLE, SOLEIL BLEU, LE CHIEN À TROIS PATTES, 3-4 ALLUMETTES POUR UN GRAND FEU,
Ces idées pourront être dessinées, écrites, des photos coloriées, et nous diffuserons ces recherches dans l’école sous forme d’affichettes. Ces messages seront ce pour quoi nous manifesteront. Nous préparerons tous ensemble cette manifestation avec la fabrication de banderoles, de déguisements faits de matériaux récupérés.
La forêt en mouvement
L’idée d’un corps, d’un personnage qui entrainerait le paysage avec lui, qui se transformerait en le traversant, et dont les mouvements évoquerait ses rythmes, ses accents sauvages, son désordre est un travail que j’explore depuis mes études dans le secteur Art Espace des Arts Décoratifs. Les paysages et costumes que je fabrique sont faits de matériaux artificiels et précaires, et évoquent autant des registres issus du cinéma (fragments de décors, matières réfléchissantes, neige carbonique…) que de l’industrie (bouteilles d’eau, charbon de bois, morceaux de métal…).
« ‘ Tonnerre, Troisième Apparition, un enfant couronné, avec un arbre dans la main. ‘
« Macbeth ne sera pas vaincu jusqu’à tant que
La grande forêt de Birnam vers le sommet de Dunsinane
Ne s’avance contre lui. »
Dans Macbeth la seule manière de détrôner le tyran est de lui faire croire que la forêt se met en marche contre lui. Par le déguisement en arbre, le peuple dupe Macbeth -si convaincu par rationalité et arrogance qu’il ne peut croire au rêve, à l’impensable d’une forêt qui décroche ses racines pour avancer. C’est une action collective et créative encourageante et inspirante !
La nature de notre manifestation sera de créer, d’ouvrir sur l’imaginaire, sur le jeu et sur le partage, dans une volonté de faire exister l’art là où il n’est habituellement peut-être pas présent. Entre chorégraphie déguisée et manifestation poétique. Les enfants formeront de petits groupes de 4 ou 5 et choisiront leur cause-poétique. Chacun arborera des bannières que l’on aura fabriquées ensemble.
La récolte de matériaux trouvés ou issus de l’industrie sera la matière même de la confection de costumes, outils et éléments de décors. Cette stimulation inventive sera déjà une expérience de la performance : le fait de faire, de fabriquer, développe un vocabulaire de gestes et de mises en mouvement performatif et riche en imaginaire : un ermite prépare son feu, sa cabane, un cyborg dont l’armure est faire de bouteilles de plastiques...
Je suis curieuse de voir quel type d’énergie va naitre de cette expérimentation, quel mouvement va-t-on donner à cette forêt ensemble, quels bruits les matériaux produiront en s’entrechoquant ? Comme dans toute procession, il y aura beaucoup d’éléments contradictoires : des éléments naturels, d’autres quotidiens et contemporain, et mêmes certains futuristes. Cette parade bricolée pourra vivre dans les rues du village dans lequel nous nous trouverons et sera filmée par les parents des élèves et par moi même. Cette création s’inscrira alors dans l’espace social : la salle de classe, la rue, le cinéma.
Une fois ces fragments montés le film pourra être projeté en fin d’année dans un espace que nous auront reconstitué, avec nos recherches, nos pancartes et affiches, nos restes de costumes. Cette séquence sera incluse dans un ensemble de captations que j’aurai faites pendant ma résidence : des regards sur le paysage industriel, sur des détails du quotidien. "
Par le(s) artiste(s)