Au départ une action simple: aller fouiller dans un placard ou un grenier, chez un copain ou sa grand-mère, dans une boutique ou dans la rue. Ensuite trouver un objet simple au premier regard, lui aussi, et surtout inconnu à nos yeux. Se dire que ça intéressera le groupe. Le noter, le décrire, le dessiner, le photographier: constituer sa fiche technique regroupant un maximum de caractéristiques. Puis supposer, proposer des usages, des noms, des fonctions.
À partir d'anecdotes relatives à la découverte d'objets bizarres et inconnus à nos yeux, nous avons voulu partager cette expérience de découverte, l'étendre à nos recherches respectives et par la suite développer un travail scuptural et d'édition à mener avec des enfants. Pensé comme une enquête ou une fouille, Archéologie du présent: le machin est un projet qui laisse s'exprimer les outils/objets, qui génère des récits et qui raconte tout un hors-champ caché derrière.
« Qu’est-ce que c’est ? » et « à quoi ça sert ? » sont des questions que nous nous posons régulièrement face à des outils/objets inconnus. Il y a quelques temps je me trouvais chez ma grand-mère où j’observais un objet fascinant mais totalement inconnu à mes yeux. À ma question : « Qu’est-ce que c’est ? », celle-ci me répondit : « c’est un vistemboir ». La moitié de mon interrogation était comblée, je connaissais son nom mais pas son usage. C’est un objet d’environ 20cm de haut constitué de superpositions de sphères en verre s’élargissant petit à petit de bas en haut. On aurait dit un verre à bourrelets retourné, posé sur les lèvres. Un mélange entre une ampoule à décanter et un ballon à fond rond. En guise de réponse à « Mais à quoi ça sert ? », j’obtenais un haussement d’épaules. Je m’empressais de me renseigner auprès de différentes sources, humaines, écrites ou informatiques. Toutes me renvoyaient uniquement à la fiction de Jacques Perret, Le Machin. Je compris alors que ce mot n’était autre qu’une manière plus délicate de dire truc, machin ou bidule. Je le photographiais le montrais à Plume qui me sortit alors son vistemboir à elle, provenant du bureau de son grand-père. Sans le savoir nos grands-parents venaient d’amorcer notre projet commun : Archéologie du présent : le machin.
Deux approches complémentaires :
outil : Objet fabriqué, utilisé manuellement, doté d'une forme et de propriétés physiques adaptées à un procès de production déterminé et permettant de transformer l'objet de travail selon un but fixé. ( en acier, en bois, en fer, en pierre...) Un outil peut être également un objet quelconque que l'on ne peut ou ne veut pas nommer précisément (cf : Le Machin). Chaque outil permet de déterminer une action (biseauter, chanfreiner, estamper, mortaiser etc.) qui par extension permet d’aborder une activité ou un métier spécifique (boucher, charpentier, maçon, plombier, sculpteur etc.) Comment un outil est porteur d’une histoire, individuelle ou collective ? Comment raconte-t-il un travail et par extension, un métier ? L’outil est le premier lien physique entre l’homme et son matériau. Il peut-être à la fois objet d’études et lien entre tous.
Nous nous intéressons chacune à notre manière aux différents contextes contenus au sein de chaque outils mais aussi aux différentes manières de percevoir et d’aborder ce même outil, en fonction du point de vue de chacun.
« En quoi est-ce fabriqué? », « Quelle est sa provenance? », « Sa taille? » mais aussi « Dans quel contexte l'as tu trouvé? » Un objet ne va pas être observé de la même manière par tous en fonctions des caractéristiques qu'il présente. L’outil se charge également du prisme de perception de celui qui le regarde. C’est cela dont nous voulons parler à travers ce projet; ainsi que faire émerger le potentiel narratif de ces outils en émettant des hypothèses qui perment de générer un récit. Toutes ces questions nous ont amené à penser qu’il s’agissait d’écrire une certaine histoire collective comme une forme d’archéologie d’aujourd’hui.
L’archéologie du présent ou le machin
Le titre « Archéologie du présent » renvoie d’abord à la discipline scientifique dont la vocation est d’étudier l’homme à travers l’histoire, grâce aux vestiges d’objets, d’architectures ou autres. Grâce à elle, nous apprenons ce qu’étaient les habitudes, les coutumes et les manières de vivre de l’humain suivant les époques. Nous empruntons ce titre à une exposition qui a eu lieu en 2016 au Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne questionnant la place des objets au sein de l’histoire de l’art moderne.
Notre démarche concernant ce projet pourrait s’apparenter à celle de chercheuses.
Les petits éléments comme les outils d’artisans, les objets oubliés deviennent des témoignages qui nous semblent importants de sauvegarder. Mais peut-on réellement parler d’archéologie quand rien n’a encore disparu ? Il faudrait plutôt parler de sauvegarde du savoir car l’objet continu d’exister. Mais s’il n’est ni nommable, ni connu, existe t’il encore ? Est-ce que s’inquiéter de la disparition et anticiper la trace de cette disparition pourrait être interprété comme la crainte d’un monde nouveau ?
En tous cas, nous voulons effectuer une sorte d’inventaire des outils que nous sommes en capacité de récolter, pour en générer de nouveau.
Concrètement?
Quoi de mieux que de re-contextualiser dans un cadre concret ce projet en travaillant avec des enfants, leurs proches et des artisans locaux ?
En s’inspirant de la méthode de la fouille archéologique comme une mise en scène étalée dans le temps, nous partirions d’un mode opératoire pour créer un protocole déplaçable. Il serait le point de départ de notre recherche et du cadre de travail qu’on utiliserait avec les enfants (voir croquis 1):
Voici des suggestions d'étapes à interpréter au sens large :
1/ Aller sur le terrain : partir en mission ;
2/Avec les enfants, on observe, on cherche, on fouille dans un placard ou un grenier;
3/On trouve, on note, on dessine, on photographie, on pense la trace en réalisant des témoignages graphiques ;
4/On questionne l’objet, on s’interroge collectivement sur son milieu, son usage possible : on émet des hypothèses, on lui cherche un mode d’existence ;
5/Avec les enfants et les acteurs locaux, on l’inscrit dans une histoire ;
6/On le montre, on l’expose, on le diffuse;
Après avoir établit ce répertoire de formes avec les enfants, nous souhaiterions produire la trace des ses objets en pierre ou en marbre. En s’inspirant des scénographies de musées d’histoire naturelle dont nous allons étudier les spécificités ainsi que des ouvrages techniques et scientifiques, nous voulons proposer une édition qui regroupe le répertoire de formes de notre archéologie du présent. Dans la mesure du possible, nous aimerions penser à une exposition avec l'école.
Haute-Garonne