Continuez toujours tout droit - Dicodocus

« La moquerie bouffonesque ou la naïveté hypersensible du clown renversent la vision du monde d’une manière toujours rassurante, par le rire ou la compassion, et ont le pouvoir de mettre “en espace le mystère des choses ». J. Lecoq, Le corps poétique.

Alors que Marie est au Samovar en formation de clown et autres excentriques, Elise lui propose de mêler clown et danse-théâtre, de trouver quel “mystère” ces deux corps et leur compréhension décalée de la réalité allaient révéler, mettre en espace.

La relation entre langage et autorité est le terrain de jeu qui s’impose à nous dès nos premières recherches de protocoles gestuels communs, entre danse contemporaine et clown - créature pour laquelle les rapports d’autorité et de statuts donnent du jeu.

Ainsi, nous éprouvons le langage - tant verbal que physique - comme outil central de toute autorité, qu’elle soit consciente ou non, ostensible ou insidieuse, privée ou publique, opprimante ou protectrice, parce que le langage véhicule des normes, instaure une réalité, impacte les corps, de la vie privée à la création théâtrale.

Heureusement, une société est animée de langages très variés et en perpétuelle évolution. À nous de prendre régulièrement du recul face aux langages, afin de garder un rapport libre et joyeux avec tout ce qu’ils véhiculent.

Continuez Toujours Tout Droit - Dicodocus : dictionnaire(s) textuel(s) et gestuel(s)

C’est pour cette raison que dans Continuez Toujours Tout Droit & Dicodocus, nous proposons aux élèves et aux spectateurs de glisser d’un langage à l’autre - verbal et physique - de tordre les corps et le sens en allant à contre-sens ou au contraire en prenant les gestes et les mots au pied de la lettre.

Dans le spectacle par exemple, la machine Barbara (I.A. chargée d’accompagner nos deux protagonistes venus d’ailleurs dans leur intégration au public) s’exprime en empruntant aux injonctions et à la prosodie de voix - extérieures ou intérieures - qui “font autorité" et que l’on suit par conviction, par habitude, par confort ou de peur de ne pas prendre la bonne voie.

Au bal des injonctions, nous dansons tous en rond.

N’ayant pas les codes de cette société, nos deux protagonistes répondent aux injonctions en toute bonne foi mais avec grande maladresse. La distorsion suscitée par leur incompréhension révèle pourtant ces voix, les donne à voir et à entendre non sans humour.

« On a tous des comportements ridicules que l'on accepte ou pas... que l'on assume ou pas... dont on est conscient ou pas... Mais peut-être que cela vient du fait qu'on nous oblige à avoir des comportements ridicules afin d'être normal ». M. Dallaire, Le clown, l'art et la vie.

Nous souhaitons partager avec les élèves le fait que les langages - et donc aussi les règles et les sociétés qu’ils représentent - restent en mouvement et sont un terrain de jeu infini.

La logique de l’absurde.

Nous souhaitons éprouver nos protocoles avec les enfants, qui comme le clown, ont cette faculté de tout questionner, d’avoir conscience des cadres tout en testant les limites, d’entendre le sens caché d’une expression, de saisir instinctivement le langage du corps, de faire entrer l’imaginaire dans la réalité. Autant de facultés qu’il semble essentiel d’entretenir.

En développant Dicodocus, les élèves détournent l’outil du dictionnaire qu’ils découvrent en CM1 et CM2 et le réinventent pour mieux le comprendre. Au-delà des mots, c’est surtout le fait de lier le langage verbal au langage physique et aux émotions qui nous intéresse.

Une résidence pour continuer toujours tout droit… en prenant les détours nécessaires.