Épigraphes

« Partout des empreintes nous précèdent ou bien nous suivent. Beaucoup nous échappent, beaucoup disparaissent, quelquefois sous nos yeux mêmes. Certaines transparaissent, d’autres crèvent les yeux. D’autres ont disparu depuis longtemps, mais quelque chose nous dit qu’elle demeurent, enfouies, repérables par quelque détour archéologique du désir ou de la méthode. Certaines quelquefois semblent nous poursuivre. Beaucoup nous survivront. »

Georges Didi-Huberman, L’Empreinte.

L'épigraphe annonce. Elle commence un écrit, elle trace un chemin, une idée, un fil conducteur. Elle parle fort d'abord, et garde beaucoup, à dire tout bas, pour plus tard, pour ceux qui voudront. L'épigraphe est alors littéraire, encrée, abstraite. Parfois aussi, elle s'inscrit ailleurs, sur les édifices, au creux d'une pierre au lieu d'une page. Elle dit autre chose, elle date, elle apostrophe presque. Elle raconte des faits, en quelques mots, tantôt graves, tantôt légers.

Un jour, j'ai lu cette phrase : « Les bergers étaient des épigraphistes sans le savoir » (L'Écriture des bergers dans Ossau Pastoral, Jean-Pierre Dugène). Le texte parlait des pierres gravées dans la vallée des Merveilles, celle d'Ossau, de Maurienne. Je ne sais pas très bien si c'est l'appel de la montagne que je ressens souvent, ou si c'est le mot « graphiste » qui s'était intimement glissé dans cette phrase, qui explique pourquoi elle m'a tant marquée. L'été qui suivait cette lecture, je travaillais en tant qu'aide-gardien en Haute-Maurienne. Mais la production plastique que j'avais fantasmé, je n'ai pas bien pu la saisir cette fois-là. Dans un refuge, il y a toujours à faire.