Prenez garde. L’orée du bois que vous vous apprêtez à franchir, zone de bord de monde, est habitée par des êtres pas vraiment qu’humains (ou trop humains ?). Ielles ont quitté notre société, par protestation, à la recherche d’autres chemins. Si ielles ont tapé du poing dans la fourmilière, ce n’est pas pour les écraser mais pour goûter la sensation d’être mordu. Vous partez à leur rencontre. Vos regards ne seront plus tout à fait les mêmes.
Frondaisons est un projet de territoire pour la création située d’une déambulation en forêt. À partir de la fable d’Italo Calvino, un groupe d’habitant.e.s de la ville voisine est invité à écrire leurs propres figures de Barons Perchés, à rêver leurs actes radicaux et fantasques de rupture, puis à incarner celles-ci lors de la déambulation. À travers un processus d’écriture sensible - des jeux d’immersion et de décalages sensoriels à des protocoles d’écriture visuelle et textuelle – ielles sont les auteurices et acteurices de ce conte
Prenez garde. L’orée du bois que vous vous apprêtez à franchir, zone de tangente et bord de monde, est étrangement habitée. Y rôdent des êtres pas vraiment qu’humains (ou est-ce le contraire, trop humains ?). Ielles ont quitté notre société à la recherche d’autres chemins. D’autres sensations. Si ielles ont tapé du poing dans la fourmilière, ce n’est pas pour écraser les fourmis mais pour goûter à la sensation d’être mordu par des centaines de bouches nouvelles. Pour la beauté de leur ballet aussi, cette danse sur laquelle nous marchons sans la regarder. Ils se sont retrouvés là par hasard, les unes après les autres. Vous partez à leur rencontre. Vos regards ne seront plus tout à fait les mêmes.
Le 15 juin 1767, Côme Laverse du Rondeau, 12 ans, refuse un plat d’escargot que son père voulait lui forcer à manger. Il quitte alors la maison familiale pour les arbres, et ne remettra plus jamais les pieds sur le sol. C’est l’histoire du Baron Perché, contée par Italo Calvino. L’histoire d’un enfant qui se révolte contre les règles sclérosées d’une famille aristocratique, contre un monde et ses codes qu’il juge injuste. L’histoire d’un garçon qui trace une tangente, qui pose un acte radical de rupture, fantasque et fou.
Ce qui nous intéresse dans cette histoire c’est le décalage imaginaire et poétique contenu dans cette révolte. C’est un acte engageant philosophiquement, car engageant physiquement et optiquement. Regarder depuis les branches permet de renverser le poste d’observation du monde le plus commun, et promet d’intéressantes découvertes.
Qu’est ce qui nous pousse à quitter des situations d’oppression et à se révolter contre des actes d’injustice ? Quelles formes peuvent prendre ces actes de révolte ? Quels autres regards sur notre société permettent-ils ?
Nous sommes curieuses de savoir comment chacun.e d’entre nous réécrirait ce conte du Baron Perché, en en reprenant le canevas et la dynamique, pour inventer un autre contexte d’injustice et une autre manière de s’y opposer. Quel acte fonderait le départ de chacun.e d’entre nous, et quel chemin de traverse nous dessinerions ? Quel Baron Perché serions-nous ?
Frondaisons est un projet de territoire pour la création située d’une déambulation en forêt : la forêt des « barons perchés ». Dans chaque ville, village, commune à la lisière de laquelle nous interviendrons, nous souhaitons travailler en amont avec un groupe d’habitant.e.s désireux.ses de s’interroger sur ces questions. Ielles seront invité.e.s à rêver et dessiner leur propre figure de baron perché, à imaginer leur acte radical et fantasque de rupture, puis à incarner celle-ci lors de la déambulation. À travers un processus d’écriture sensible - de jeux d’immersion et de décalages sensoriels à des protocoles d’écriture visuelle et textuelle – ielles deviendront les auteurices et acteurices de ce conte protéiforme.
Lors de cette déambulation, le spectateur, cheminant seul, sera invité à rencontrer ces différentes figures disséminées sur le chemin, qui, de simples apparitions muettes à narratrices conteuses, pourront ainsi leur proposer de les rejoindre dans leur expérience et regard sur le monde (comme le Baron perché invite certains protagonistes à monter avec lui dans les arbres), ou leur raconter des bribes de leurs cheminements. Certains de ces parcours de barons pourront s’entrecroiser, permettant l’émergence de scènes collectives, entre unisson et opposition.
Nous souhaitons situer ce projet en forêt, ou lisière de forêt parce qu’elle est le lieu de « l’immaitrisable », zone de cachette et de fuite, où de nombreux personnages réels ou fictifs ont trouvé refuge pour des raisons diverses (de Robin des Bois à David Henry Thoreau, en passant par les maquisards de la seconde guerre). Or la fuite peut aussi être synonyme de révolte, de protestation. C’est ce dont parle Henri Laborit dans son livre L’éloge de la fuite duquel nous nous nourrirons pour la construction de nos ateliers, ainsi que Walden de Henry David Thoreau.
Lors du processus d’écriture, l’entrée par la fiction permettra à chacun.e d’interroger de manière détournée les moteurs de ses propres révoltes, et ses potentialités poétiques d’actions, tout en adoptant un point de vue distant et décalé. La dimension contextuelle est ainsi primordiale : la forme du projet variera en fonction des groupes que nous rencontrerons (enfants, adultes, personnes âgées, etc) et de leurs problématiques singulières. Nous souhaitons ainsi que l’écriture du projet s’adapte à ces rencontres, pour que s’expriment de manière individuelle et particulière les révoltes, actes de ruptures du quotidien. Chaque ville possède ses barons perchés qui ne demandent qu’à se révéler.
« Création en cours » est pour nous l’opportunité de tester ces protocoles d’écriture située, pour une lisière de forêt. À l’issue de ce premier moment de travail et recherche sur ce projet, nous affinerons ce qui deviendra un canevas fixe, à conserver pour chaque implantation, et ce qui sera à réécrire et à réinventer à chaque rencontre avec les habitant.e.s. « Création en cours » nous permettra notamment d’imaginer des premières hypothèses quant à la définition précise des modalités de cette déambulation pour le spectateur.
Par le(s) artiste(s)