Danse contemporaine : pratique et notation Le projet est adossé à la création de Hortichorégraphie (29 avril 2017, Théâtre Paul Éluard, Bezons). Dialogue entre l'art des jardins et l'art de la danse, insistant sur la composition, Hortichorégraphie se présente non pas comme une pièce continue, mais comme cinq pièces courtes (12 à 15 minutes chacune), à la manière d'une collection ou d'un minisérie. "Le sixième jardin" associe les élèves d'une école élémentaire aux étapes de la création pour ajouter un item à la collection, un épisode à la série, un sixième jardin (et peut-être un septième, etc... ?) à Hortichorégraphie. La présence des artistes à l'école prendra plusieurs formes : répétitions, ateliers de danse, atelier du regard, ballades chorégraphiques. Le projet est évidemment à penser en co-construction avec l'équipe enseignante, dans un partenariat où les différents éléments du projet artistique sont des possibilités de rencontre avec les éléments du projet pédagogique : le thème du jardin (sciences de la nature, maîtrise du calendrier...), les outils de la notations chorégraphique ( repérage das l'espace, travail sur la graphie, géométrie...) et le mouvement dansé et sa sensibilité (histoire des arts, anatomie...).
Partons de la proposition de considérer le spectacle de danse comme un lieu, plutôt que comme un événement. Cela pourrait modifier la place prise par le spectateur, le rendrait peut-être moins témoin et plus acteur de sa perception de la danse. Et pour moi de tous les lieux parcourus, le jardin est le seul qui soit autant travaillé que la danse par la tension entre organicité et artifice, par ce paradoxe que chaque jardin et chaque danse dénoue à sa manière particulière. Et si on regardait la danse comme on visite un jardin ? Hortus : en latin : jardin, espace cultivé, par opposition à Ager, champ productif. Hortus désigne donc ce qui est cultivé, parfois aux prix de mille efforts, sans bénéfice. Pour rien. Utopie. Le jardin est toujours un paradis, son image, ou la tentative la plus frivole et la plus sérieuse pour le bâtir sur terre. De ce lieu impossible, que faut-il contrôler ? Quelle contrainte doit-on donner à la nature pour qu’elle nous paraisse la moins contrainte ? Quelle image des pierres et des plantes a-t-on pour qu’il faille tant d’efforts avant qu’ils y correspondent ? Promenade. Le promeneur mobile dans un jardin qu’on croit immobile, miroir d’un spectateur à peu près stable, face au mouvement des danseurs. Le jardin nous précède et nous survit, il est vivant et son permanent renouvellement est la condition de sa pérennité. Nous le contemplons comme une image mais il nous emmène avec lui, il nous déplace. Certaines danses tout autant. HORTICHORÉGRAPHIE est une série de pièces, chacune explorant une facette de l’art des jardins, sur différents siècles et en différents continents. Pensées pour le plateau ou l’extérieur, d’une durée entre 10 et 15 minutes chacune, destinées à être montrée séparément ou ensemble, de manière modulable. Avant même de parler de sons et de musique pour la danse, on partira explorer la musicalité des jardins. Chaque forme composée de jardin détient une alchimie de rythmes et séquences, matières et textures, couleurs et timbres. On mêlera volontairement les termes musicaux et plastiques pour parler des lieux et de leur perception. Il s'agira bien plus d'un voyage perceptif éclairé que d'une simple analyse des logiques compositionnelles des jardins a travers les âges et les territoires. Le potentiel et la variété des processus de composition des corps dans l’espace et le temps, pivots du travail, se nourrissent de la connaissance et de l’expérience de la notation Laban. L’enjeu de ce qui fait oeuvre, de ce qui tient la chorégraphie, est stimulé par la variété des contextes de présentation. Ainsi, les cinq Hortichorégraphies peuvent autant se déployer dans le cadre de scène conventionnel du théâtre qu’en des lieux au sens propre extra-ordinaires. L’écriture de chaque jardin reposant sur des principes précis et articulés, la danse se fait fil d’Ariane déroulé, cadre, borne, commentaire ou interrogation guidant la (re-)découverte d’un lieu, quelle que soit sa nature : intérieur ou extérieur, urbain ou rural, reconnu ou ignoré. La situation du public peut elle-même varier : frontal, multi-frontal, ou en déambulation. Le dialogue est toujours permis par la multiplicité des entrées de chaque danse. Observer un vivant composé, organisé à la fois par la biologie, la géologie et le jardinier est une expérience à transposer pour le spectateur de danse. Une expérience libre, sans narration, sans symbole. La fonction changeante de ces jardins et leurs esthétiques variées. Chacun des cinq jardins se construit sur un paradigme, un nombre limité de possibilités, qui, combinées, sont la matrice de la composition, assurent sa cohérence. Surtout, elles organisent un corps spécifique chez l’interprète. Une structuration qui permet la transformation, et fait visiter ces cinq corps, qui sont aussi cinq manières de voir le monde. Il en va de même pour le spectateur car s’agit de modifier ses dispositions de perception du monde. Peut-être cinq fois de suite. - Autour du jardin à la française : la rencontre des plans de Le Nôtre et des danses de Pécour. - Le jardin-paysage : Le marcheur observe, il fait partie du paysage et est observé à son tour. - Clairière, cloître, patio : entre quatre murs, le mouvement se dissimule pour mieux se révéler. - Le jardin minimal/minéral : des corps comme des pierres, monumentaux, immobiles et vivants. - Dramaturgie et grotesque italiens : à Bomarzo, un labyrinthe ésotérique et mystérieux. Parmi les objectifs de ce travail se trouve la volonté de créer une danse autonome. Un des moyens d’y parvenir est d’exclure du processus de travail et de représentation toute dépendance qui sortirait du champ chorégraphique au sens étroit. La composition, si elle transpose des idées, techniques, esthétiques du jardin, n’en emprunte pas les outils, mais aiguise les siens propres : pas de râteau sur scène. Mais pas non plus d’accessoire autour duquel se formerait le geste, pas de costume à manipuler, ou aux effets scénographiques modifiant la perception. Pas de musique à compter, ou de repères à guetter. En somme, il s’agit d’isoler les éléments compositionnels de la danse en dissociant les éléments spectaculaires. Quant au format, la variété a d’autres conséquences que le seul agrément. Elle libère le positionnement. Quand on se repère par rapport à un seul lieu (aussi harmonieux soit-il) on n’a d’autre choix que d’être dedans ou dehors. Deux lieux donnent de la polarité, et une ligne. Trois lieux créent un plan, quatre un volume, et cinq empêchent de poursuivre l’analogie spatiale. Cinq lieux offrent de choisir auprès duquel, ou desquels on veut se trouver, entre lesquels cheminer. Cinq lieu proposent au spectateur de composer lui même son jardin : le préférera-t-on fleuri ? Sauvage ? Calme ? Protégé ? Foisonnant ? Dans quel ordre ? Ne proposer qu’une seule utopie, une seule manière d’atteindre le bien, le beau, c’est prendre le risque d’un projet totalitaire. En proposer cinq, afin que chacun est de quoi créer le sien.
Val-de-Marne
Par le(s) artiste(s)