Ils étaient une fois des pirates

« La Piraterie n'est jamais finie », Booba, Auto-tuné.
Comme une devise. Vernaculaire. Vulgaire.
Symbole du 92 [neuf deux]. Du rap français. Un parmi beaucoup d'autres.
Et de la musique qui retranscrit de l'histoire, celle de la banlieue française, une histoire controversée, méchante puisque « Le monde est méchant » (Niska).
Le pirate est une figure qui m'interpelle par son anti-héroïsme.
C'est d'abord le méchant des mers qui pille les trésors colons.
C’est en tout cas ce que l’Histoire a voulu que l’on retienne de lui. Avant-cela, c’est l’histoire de corsaires qui se sont retrouvés à la fin de la guerre de Succession à la mer, sans emplois, ne sachant que naviguer. C’est l’histoire d’un soulèvement antisystème, d’opprimés qui deviennent oppresseurs pour la grande Histoire occidentale.
Aussi a-t-on fictionnalisé le pirate.
Car le pirate rime avec liberté. Révolte. Justice.
L’Occident ne pouvait pas en faire un parfait méchant. Ce serait là renier un combat du peuple, puisque le pirate était avant tout un citoyen.
Et le rap français s’en revendique.
Comme une métaphore filée du pirate des mers échoué en bas des blocs. Un miroir de l’Histoire étatique, dans une société qui s’extrémise et qui pose la racaillisation comme une problématique néologique.
Les voyous des cités comme fléau.
Une histoire parallèle à celle franco-française ; une histoire d’oppressés devenus oppresseurs.
« T’façon, on va pas s’mentir on est des racailles », Badivé.
« C’est marrant, ils nous ont fait venir quand ils avaient besoin de nous, maintenant ils
veulent qu’on s’en aillent », Kany.

Fanta, Oussama, Kany, Taslim, Moussa, Jeffi, Ali et Haroun, accompagnés de leurs animateurs Badivé et Mariam ont chacun choisi un texte de rap. De ce corpus de texte s’est dégagé l’idée d’un fatalisme banlieusard, pris entre des intra-problématiques et une fatalité nationale. Comme condamné à subir la réputation des quartiers malfamés : Chénay-Gagny, au centre social.
« L’État est-il le seul responsable de la situation actuelle des banlieues ? »
Une première réponse unanime : oui. Puis mettre en scène un débat, à la manière de Kery James dans À Vif. Jouer un rôle d’abord, celui de l’État qui s’opposerait aux banlieusards. Puis comprendre que la réponse n’est pas si évidente.