Keep an Eye on Summer

J'ai grandi en banlieue pavillonnaire proche de Nancy. À la périphérie, champs et stations de gaz occupent la majeur partie des environs. Rien là-bas n'est conçu pour produire du "beau".

Pendant mes étés, très jeune, je passais la majeure partie de mon temps sans vraiment faire attention aux espaces, exceptés les quelques jours avant la rentrée scolaire. C'est durant ces instants qu'une étrange sensation se faisait ressentir : celle de prendre conscience de l'immensité du paysage et des horizons que je n'avais jamais pris la peine d'explorer.

Pendant mes années d'études, j'ai pu revenir sporadiquement dans ce lieu; simplement mes amis d'enfances avaient pratiquement tous désertés.

Parallèlement je me suis mis à découvrir la musique des Beach Boys. Les odes mélancoliques aux plages de Californie transformaient la perception de mon environnement rural, le rendant plus exotique qu'il ne l'était. Ce décalage entre le réel et la suggestion musicale me questionnait d'avantage sur le rapport que j'entretenais avec ma ville.

En 2016, un soir d'été, j'aperçu un quartier en train de se construire à quelques pas de la maison familiale. En découvrant le chantier, j'eu la sensation de me trouver sur une base spatiale ou une terre d'Islande, de part l'obscurité environnante et les lumières halogènes des quelques lampadaires déjà installés.

Mon travail personnel m'a ensuite amené au Japon pour mes études. Là bas j'ai constaté qu'un lien étroit avec mon enfance existait.

Ces interrogations se sont traduites par un mémoire suivi d'un film pour mon diplôme d'école. Les thématiques en jeu étaient si diverses qu'il me fallait d'avantage expérimenter pour continuer à les comprendre.

Aborder cette thématique du "milieu" et de ses influences sur nos affects me semble être une piste d'oeuvre collective très riche sur la durée. Si cela peut sembler abstrait au premier abord, le projet va surtout s'apparenter à une fiction, voire à un faux documentaire avec un point de départ assez précis : "l'été prochain nous seront collectivement contraints à rester enfermés dans notre ville". Il faudra que les enfants puissent tout au long de la résidence inventer des alternatives aux voyages pour rendre cette saison estivale désirable.

Il s'agira d'établir une cartographie de la ville, inspirée de la psychogéographie de Guy Debord, basée sur des lieux qui agissent sur les émotions et les comportements des enfants. Ces lieux pourront être définis en raison de leur(s) nature(s) liée(s) à des activités précises, d'histoires ou de légendes urbaines, mais aussi à travers les affects et les souvenirs qu'en ont les enfants.

Je leur demanderai également de me faire part de leurs expériences antérieures liées au "voyage" et les inviterai à me ramener des objets constitutifs de ces déplacements sensibles. Ainsi nous pourront essayer d'imaginer comment ces sentiments de "nouveauté" ou "d'exotisme" pourraient être amenés à l'intérieur même de l'architecture de leur ville qu'à priori tout oppose.

En cela le médium de l'animation est parfaitement adapté pour illustrer chaque intention. La technique principale sera celle du papier découpé même si d'autres techniques seront abordées : dessin sur papier, rotoscopie, stop-motion, ou encore le fond vert...

La nature des images sera pour la plupart constituée de recherches in situ en amont de la production, en groupe et dans différents espaces de leur ville. Elles nous amèneront à exercer le regard et l'attention sur un quotidien trop souvent ignoré (en filmant régulièrement le trajet jusqu'à l'école par exemple), dans le but de faire apparaitre certains détails significatifs jusque là invisibles. En imprimant les photographies des lieux, puis en les découpant et en les juxtaposant avec d'autres images, il sera possible d'ouvrir la narration en connectant différents espaces et différents temps. La réalisation du film sera une occasion d'imprimer une sensibilité sur milieu d'enfance des participants, qui je l'espère restera en eux le jour - peut-être - où ils s'agira de quitter sa ville pour de bon.