La rencontre avec des plantes médicinales sur le continent africain ces dernières années lui a donné envie de retracer les voyages que les plantes ont vécues il y a des centaines d'années afin de comprendre les goûts et les couleurs dans différentes zones du monde. Des traditions culturelles d'Afrique de l'ouest se sont retrouvées dans les Caraïbes dans un contexte historique spécifique et Hélène aimerait travailler sur l'évolution de deux d'entre elles : la céramique et l'ethnobotanie. Ces pratiques ancestrales se traduisent aujourd'hui dans la réapparition des jardins créoles, jardins crées par des esclaves au XVIIIème siècle, et qui revoient le jour dans des mouvements socio-politiques importants avec les questionnement sur l'écologie et le réchauffement climatique. Ces pratiques artisanales se sont-elles transformées en traversant l'Océan Atlantique et les siècles? Comment se sont-elles adaptées? Ont-elles dessiné les savoir-faire perpétués dans le temps et dans les mémoires?
Travaillant sur des questions décoloniales depuis l'écriture de mon mémoire en 2017, je voyage principalement sur le continent africain où j'expose, je collabore et je rencontre toute une sphère artistique de personnes formidables dont on ne parle pas beaucoup en Europe. Après avoir exposé mes recherches sur des plantes médicinales africaines en France, au Cameroun et au Burkina Faso, j'aimerais entamé le même voyage que certaines plantes ont réalisées à travers le monde il y a plusieurs siècles. Les traditions d'Afrique de l'Ouest ont traversé l'Atlantique par l'esclavage jusqu'aux Caraïbes et ce serait la première étape de mon voyage. Pendant mes déplacements, j'apprends beaucoup de techniques artistiques et artisanales grâce à des personnes autodidactes, ce qui questionne les conventions, les institutions et les pédagogies scolaires de l'occident. De retour à l'atelier, je peux ainsi approfondir mes connaissances et utiliser tous ces nouveaux savoir-faire transmis d'un continent à un autre. La médecine par les plantes et la céramique sont deux pratiques artisanales ancestrales qui sont liées dans mon esprit, et qui se perdent au fur et à mesure que la technologie évolue. Avec l'urgence climatique que nous traversons, j'aime connecter le royaume du vivant aux arts visuels, afin de toucher un large public sur ces réflexions écologiques et décoloniales et peut-être un jour réconcilier la flore et la modernité.
Les arbres fruitiers sont nombreux en Martinique en Guadeloupe et en Guyane, ce qui permettrait d'être une porte d'entrée sur ces réflexions. En effet, les plantes comestibles sont de véritables projecteurs de lumière sur l'histoire coloniale ,et le commerce mondial aujourd'hui est le résultat de plusieurs siècles de domination européenne. Apprendre cette histoire à travers les plantes me paraît plus intéressant et moins brutal, mais également plus détaillé que dans les manuels d'histoire actuels. J'ai donc pensé à cette résidence en plusieurs étapes artistiques et botaniques.
En premier lieu, nous travaillerons le dessin d'observation en allant dessiner dans la nature (plantes) ou en classe (fruits). Le but serait de constituer une sorte de dictionnaire des plantes comestibles de l'environnement des enfants. Leur apprendre les bienfaits nutritionnels et médicinaux, savoir d'où elles viennent pour reconnecter à leurs histoires singulières. Dans un second temps, nous créerons un jardin créole, tradition qui rassemble plantes comestibles, médicinales et permaculture. Nous irons visiter certains de ces jardins, et des associations spécialisées dans la permaculture. Ce bagage social est très important à l'approche de l'adolescence. Ce jardin créole poussera grâce aux graines que nous récolterons des fruits que nous mangerons, afin d'apprendre toutes les étapes du circuit court et de l'auto-suffisance. Ne pas jeter les graines d'un aliment est simple mais c'est un geste fort. Enfin, nous irons à la rencontre des céramistes et des exploitations locales du sol argileux, pour découvrir ce métier et ce savoir-faire manuel et naturel. Nous créerons des contenants et des sculptures pour les semis des graines. Les enfants pourront alors faire pousser des arbres fruitiers dans leur création en céramique.
Pourquoi auraient-ils besoin de moi pour construire ces ponts de la mémoire? Je partirais de France avec des graines de fruits cultivés en Europe, et qui ne font pas les mêmes trajets que les bananes et les fruits de la passion. A l'inverse, j'apporterais des graines de fraisier, de framboisier ou d'arbre à kiwi pour permettre ainsi de renverser le sens du commerce de masse de fruits dits" exotiques".
Les points de départ de mes recherches se créent généralement par un constat: ici c'était le constat que dans nos grandes enseignes et ça toute l'année, nous pouvons acheter des fruits qui poussent sur d'autres continents. En Europe, on ne connaît pas la forme d'un manguier ou d'un bananier alors qu'on mange leurs fruits. De par ce constat et les futures rencontres que je ferais dans une de ces régions d'Outre-mer, je m'appuierais sur des témoignages, des hommages et des collaborations à court ou long terme que je mettrais en place là-bas afin de raconter ce que je vais voir, apprendre, ce que je vais déconstruire et ce que je pourrais rapporter, pour le traduire à nouveau sous un médium plastique et botanique.