À partir de sa série de sculptures Formes concrètes et en lien avec la pratique de "modifications" du peintre danois Asger Jorn, Amalia Vargas souhaite proposer un atelier ludique autour des principes de détournement et de réemploi de peintures anciennes et amateur.
Plusieurs tableaux seront mis à disposition des élèves, qu'il s'agit d'utiliser comme supports de création : recouvrir et modifier partiellement l’image existante, empêcher ces toiles anonymes de « sombrer dans l’oubli » en leur proposant une actualisation et un nouveau terrain de jeu propice à l’expérience collective.
En parallèle de l'atelier, Amalia souhaite nouer des liens avec le réseau professionnel local, afin de développer sa pratique sur l'île sur laquelle elle a grandi.
Petits et grands, nous avons tous le souvenir d’une peinture ancienne - que l’on nomme souvent croûte - vue accrochée dans les intérieurs de nos grands-parents ou étalée dans un vide grenier. Ces peintures aux représentations diverses et désuètes nous rappellent une époque faussement révolue. Petits et grands, nous avons tous maquillé d’une moustache ou d’un rouge à lèvre les visages de personnages figurant dans des magazines ou sur des affiches. La valeur des supports caviardés est habituellement minime et banale ce qui permet un geste libre, spontané et amusant. Ces parodies ludiques, à portée de tous, sont entrées dans le champs de l’art notamment par les œuvres et pensées du mouvement Dada et perdurent jusqu’à aujourd’hui dans les œuvres de nombreux artistes ayant tous pour volonté de questionner les conventions idéologiques et esthétiques dans lesquelles les pratiques artistiques s’inscrivent. Par ce projet de résidence « Modification, détournement et réemplois » je souhaite proposer un terrain de jeu et de création propice à la transmission de ces pensées d’avant-garde qui ont marqué l’histoire de l’art et qui influencent beaucoup mes recherches plastiques. À partir de ma série de sculptures Formes concrètes et en s’inspirant de l’univers fantastique et enfantin de l’artiste Asger Jorn, nous fabriquerons un ensemble d’œuvres en réemployant d’anciens tableaux abandonnés. Formes concrètes, c’est un mélange temporel où passé et présent se côtoient dans un détournement des dispositifs classiques de monstrations. Peintures et gravures anciennes sont tombées du mur pour s’enfoncer dans des blocs de matières leur conférant un aspect de sépultures étranges, presque inquiétant. Asger Jorn est une figure emblématique du détournement qui développera tout au long de sa vie une relation à l’imaginaire de l’enfant le pensant comme révolutionnaire. À la fin des années 50, Jorn produit un corpus d’œuvres détournées : les Modifications. Tableaux quelconques, paysages ou portraits, sont repeint à même la surface réinterprétant leurs sujets vieillit et leur picturalité afin de les mettre au goût du jour. C’est principalement au regard de ces modifications que s’articulera notre immersion dans l’univers du réemploi. En amont de la résidence, je partirais à la recherche des supports de création : ces croûtes anonymes. Avant ma venue, les élèves eux aussi seront invités à cette collecte, la chasse aux trésors picturaux sera lancée! L’idée étant d’en avoir un maximum afin d’expérimenter plusieurs procédés : peinture, craie grasse et collage seront les techniques de prédilections laissant ouvert toutes autres méthodes de modification. La question de l’auteur sera abordée par l’imagination de l’existence antérieure des objets. Par l’écriture et le dessin, je voudrais inviter les élèves à imaginer la vie passée des tableaux, à inventer les caractéristiques de l’artiste qui les aurait produit ainsi que les traits de l’ancien détenteur et les espaces qui auraient pu accueillir ces toiles. Nous nous inspirerons ensuite de ces textes pour commencer les recouvrements partiels des images représentées, sous forme d’hommage fabuleux à leurs histoires. Entre temps, j’imagine confectionner avec les enfants un ouvrage éditorial entre la revue et le fanzine. Glossaire de formes, images, mots et autres fragments des moments de création, je souhaiterais transmettre aux élèves ma passion pour l’édition. Parfois précieux, parfois banal, l’édition d’un ouvrage permet d’archiver des périodes amenant une mobilité des savoirs et des compréhensions du monde. Dans notre époque de dématérialisation constante, je voudrais sensibiliser les jeunes sur les traces matérielles d’un moment collectif avec la fabrication de cet objet-souvenir qu’ils pourront faire perdurer dans le temps. En articulation des temps de recherche et de création la question de l’exposition sera abordée et pensée afin de proposer une restitution finale des réalisations. La mise en situation des modifications sera inspirée par les chevalets en verre de l’architecte Lina Bo Bardi. Conçus à l’opposé des standards muséographiques, les œuvres ont quitté les murs venant s'accrocher sur des plaques de verres soutenues par des blocs de béton. En réinterprétant les plans de l’architecte, nous fabriquerons nos propres chevalets. Nous confectionnerons des coffrages en bois afin de couler du plâtre et/ou du béton qui formeront les blocs où seront insérées les plaques transparentes. Nous pourrions aussi envisager d’autre matériaux d’un certain poids présents sur place, qui pourraient accueillir les plaques translucides. Après l'exposition, ces dispositifs pourraient accueillir d'autres travaux d'arts plastiques, au sein de l'établissement et/ou dans des espaces du village.