« One artist show » est une version artistique du « One man/woman show ».
« One artist show » c’est amener les élèves par l’intermédiaire d’une sculpture (comme la célèbre peluche du ventriloque) créée par leur soin à des pratiques performatives fondées sur l’art de la punchline, de l’humour et de la poésie.
A l’ère des médias internet interactifs (TikTok, Snapchat, Youtube, etc) et des selfies où l’individu se met en scène derrière sa caméra, l'idée est d'aborder sous le même angle la mise en scène mais cette fois-ci, en construisant pour chaque marionnette, un discours, une situation ; de lui donner vie, celle-ci pouvant être flottante entre le réel et l’imaginaire. Il est question de reprendre le contrôle sur le contenu et de tourner celui-ci vers des pans qui peuvent être réaliste, imaginaire, absurde, comique, poétique, etc.
Le rendu final est une vidéo avec enregistrement sonore, de présentation et d’interaction entre les élèves et les marionnettes.
J’ai eu l’idée de ce projet en observant les spectacles humoristiques. Il y a souvent dans les sketchs un personnage phare, souvent caricatural soit du grand-père par exemple dans les premiers textes de Gad Elmahled, du chti dans les spectacles de Dany Boon, de la grand-mère pour Eli Kakoo, d’un oeuf dans un des sketchs de Jean-Jacques Vanier. Différemment, les marionnettistes et ventriloques usent d’une figure externe, fabriquées de toute pièce qui parle, qui narre et représente soit un alter-égo, un personnage original etc.
« One artist show » est un projet de création pour chaque enfant d’un personnage imaginaire sous-forme de marionnette (au sens large, car il s’agit ici de faire une sculpture qui ressemble à un personnage) dans le but de faire un show avec celle-ci. Il s’agira d’élaborer ensemble un personnage et d’interagir avec lui.
Il s’agit alors de croiser les arts plastiques et l’art du récit, dans un spectre expérimental et à des vues de développer un personnage imaginaire.
C’est une pratique que j’utilise lors de mes performances : la création d’un personnage afin d’amener un discours, une histoire. J’aime en incarner différents : je suis La Brave, qui met un cintre dans le dos et boutonne mon gilet avec le mardi et le mercredi, je suis Franck Atoutvu, dragking qui fait de la tektonik, je suis Vernada, qui a peur et rate toute ses histoires d’amour et Joanna, qui reste enfermée tout le temps chez elle et parle avec ses araignées.
Ceux-ci ne sont pas des archétypes ou des stéréotypes, ils proviennent d’un désir d’incarner des voix, mes voies. Ils me permettent de prendre la parole sur des sujets qui me tiennent à coeur. Les sujets que j’aborde sont la maladie, l’amour et l’envie.
Plus précisément je pense aux performances que j’ai réalisées :
- Qui a volé l’orange du marchant?
Je suis La Brave: mon personnage naif, commère qui aime résoudre les énigmes. Je reprends la chanson de la star académie, pour répondre à la question que tout le monde se pose, qui a volé l’orange du marchand ? Je décide dans cette performance de chercher le coupable, d’en faire une affaire et de créer une fiction a partir de cette interrogation. J’use d’extrapolation, de détournement et de rebondissement, je prends tout les points de vue : le Marchand, le voleur ainsi que ceux qui ont pu voir la scène. C’est un pont entre la pop culture et le conte. Le film Les quatre saison d’Espigoule fait parti de mes inspirations. La scène est un décors chaotique activé par l’histoire.
- Manifesta x Tikka Radio
Performance radiophonique à l’occasion de Manifesta en partenariat avec Tikka radio.
Je suis Vernada, mon personnage amoureux sans arrêt, et je digression sur une rencontre. C’est un appel à la révolte par le coeur et par l’imaginaire.
Les artistes tel que Louis de Ville (performeur drag-king) et Sorour Darabi (dans sa performance « Farci.e : homme pantin ») usent de ce principe d’appropriation d’un personnage à des fins de récits et de conte.
Shana Moulton, artiste plasticienne, performeuse et vidéaste a quant à elle, développé le personnage de Cynthia qu’elle déclare être un « croisement de moi-même et d’autres femmes de ma famille » [cf. Connaissance des arts, 04/2019]. Laure Prouvost, artiste polyvalente, a créée un grand-père fictionnel qui a creusé un tunnel de son salon londonien jusqu’en Afrique.
Et Anouchka Oler, dans sa performance « L’Homme aux cent yeux » utilise une marionnette très timide mais qui a un discours politique et engagé, poussée par l’artiste à témoigner de ses idées.
Chaque élève développe son alter-ego ou sa marionnette. L’idée est de partir d’archives visuelle existante pour ensuite s’en détacher et créer un personnage original.
Il y deux phases qui avancent ensemble : celle de la création du personnage dite marionnette. On s’intéresse aux tissus, aux couleurs, à la taille des choses (les membres par exemples, des grands pieds, des gros yeux etc), à la texture, aux éléments rassemblés (du bois, de la mousse etc).
La partie expérimentale textuelle concerne « la voix » du personnage. C’est une approche de l’art du conte et du récit. Le ton employé est-il celui de la conversation ? Ou au contraire le personnage a t-il des airs guindés ? Le personnage parle t-il fort ? Doucement ? Zozote t-il ? Dit-il les choses tristes doucement et les choses joyeuses avec emphase ?
On peut alors faire une séance d’écoute de l’encyclopédie de la parole, projet artistique qui explore l'oralité sous toutes ses formes et collecte depuis 2007 tous les phénomènes particuliers de la parole.
La performance artistique demande sans arrêt ce travail de minutie, d’appropriation d’émotion, d’analyse et de décortiquer les situations et les personnes. Le projet « One artist show » est une approche de la performance dans le sens où il invite à l’analyse et néanmoins à la liberté de créer un personnage déconstruit ou non.
Ma pratique d’artiste-performeuse me donne aussi souvent à réfléchir au rôle du spectateur et aux interactions qu’il peut y avoir entre ce qui est donné à voir et ce qui est reçu. Un élève est souvent dans le rôle de celui qui reçoit une information (à l’école, au cinema, au théâtre) et pouvoir faire en sorte de changer les rôles et que l’action puisse être de leur côté complètement (sous-contrôle évidemment) est un projet qui m’intéresse.
Les réseaux sociaux , notamment Tik Tok, renversent la possibilité d’être seulement specateur.rice. Tik Tok est un réseau qui fonctionne par des « trend » (qui signifie tendance en français) : n’importe quel individu peut reprendre une chanson et une danse existante connue. Soit la personne réalise la performance avec perfection, ce qui crée un sentiment d’admiration soit au contraire assez mal, ce qui provoque le rire.
J’aimerai reprendre cette possibilité d’être acteur-trice mais en ouvrant les registres : comique ? dramatique ? poétique ?
Travailler avec la caméra est un moyen de jouer avec les écrans. L’expérimentation de la vidéo à la fois en classe et à la maison est un moyen de leur montrer la possibilité d’être créatif à tout moment.
Le projet final vidéo est une récole de tous les personnages comme une sorte de communauté archivé, de paroles imaginaires, une sorte de rêve. Mon intérêt artistique dans ce projet réside dans la diversité des propositions et dans l’archivage de celles-ci. J’envisage d’utiliser la vidéo pour une première partie de performance.