C’est un spectacle avec des enfants, inventé pour et avec eux. Ils en sont les acteurs et les artisans avec pour partenaires et complices une équipe artistique de trois acteurs et une metteuse en scène. Sur le plateau, comme dans un rêve, tous demandent : qu’est-ce que la vérité ? Je suis l’acteur de ma propre vie : voilà ce que nous racontent les enfants quand ils jouent, chargés d’illusions. Nous sommes au théâtre. Là où vérité et mensonge s'enlacent pour déformer le monde afin de le voir davantage. Le jeu des métamorphoses nous apparait par tableaux dans ce spectacle et les formes qu'il emprunte sont multidisciplinaires. « Juré, craché que j’ai pas peur du noir ! Juré, craché que je suis le capitaine Haddock ! Juré, craché que je ne suis pas un âne ? Juré, craché que j’ai pleuré hier soir dans mon lit ! Juré, craché que tu ne m’abandonneras jamais ? Juré, craché que toi, tu es éternel, papa ? Juré… ? ».
1- DES ENFANTS AU THÉÂTRE, A LA RECHERCHE D’UNE DRAMATURGIE NOUVELLE Les oeuvres qui mettent l’enfant au centre de leur proposition m’ont toujours fascinée. Lorsque l’artiste s’est mis au service et au plus proche des enfants ou de la notion d’enfance, le résultat est bouleversant. On a pu voir notamment de nombreux films avec des enfants. On pourrait croire que les enfants sont nés pour la caméra. Elle capte des détails sublimes de leurs réactions, entend leurs petites phrases timides et rend tangible au spectateur ce sentiment incroyable d’être « avec », de « redevenir » ou « redécouvrir » l’enfant. Certains travaux chorégraphiques se sont emparés de ces corps enfantins, comme les chorégraphes Josette Baïz et Boris Charmatz. Les enfants savent bouger. Et lorsque l’artiste sait comment les amener à reproduire un mouvement, comment s‘amuser avec le corps et le mouvement, ils savent réagir et proposent souvent de très belles choses. Le corps de l’enfant parle, à peine est-il planté sur le plateau. Mais quel texte et quelle parole sur un plateau de théâtre ? C’est dur le théâtre ! Il faut parler fort. Il faut se souvenir de ce qu’il faut dire. Et à qui ? Et où et quand se déplacer dans l’espace ? Dans l’imaginaire collectif le théâtre est absolument interdit aux enfants, surtout les tous petits, car ils sont imprévisibles : « C’est trop risqué ». Voilà la raison qui me pousse à imaginer une forme théâtrale avec des enfants : trouver les solutions scéniques, dramaturgiques qui leur permettent de jouer. Quels mots leur faire dire ? Quel texte ? Tout est permis au théâtre : réinventer l’espace sans cesse, l’utilisations des technologies nouvelles, le travail de chœur, de groupe, le travail chorégraphique et plastique, présents à l’intérieur d’un canevas multidisciplinaire. Ce projet, c’est la volonté de créer un spectacle AVEC les enfants. Qu’ils en soient les acteurs et les artisans. Un enfant n'a pas forcément d’idées préconçues, y compris sur ce que doit être le théâtre. Je souhaiterais travailler sur cette ingénuité, cet anticonformisme naturel qu’ils possèdent, pour écrire ce spectacle. Dans cette même idée, leur naturelle et nécessaire capacité d'abstraction sera une source d’invention et de possibles dramaturgies nouvelles et inépuisables. Avec eux, l’équipe d’artistes qui encadrera l’aventure, les guidera et les aidera à inventer et seront avec eux au plateau en tant qu’acteurs. Ces rencontres, qui seront des temps de création dans l’école, fabriqueront en partie la matière nécessaire à la fabrication d’un canevas précis et "universel", susceptible d’être joué par d’autres enfants dans d’autres écoles. L'objectif serait, grâce à la relation privilégiée que nous aurions avec une classe durant six mois, d'arriver à fabriquer une matière à la fois fixe et précise dans ses grands fondements, tout en arrivant à garder une certaine souplesse afin d'adapter cette forme à d'autres enfants et leurs personnalités. (voir prolongement du projet). 2 DE QUOI ÇA PARLE? Ce que nous souhaitons aborder avec les acteurs et les enfants, ce sont les différentes notions de vérité. Qu’est-ce que la vérité? Chaque être humain arrivé sur cette terre cherche la vérité, or le monde n’est qu’illusion. Nous le découvrons à travers nos yeux et souvent ils nous trompent. Notre monde n’est pas réel, ni porteur d’une vérité absolue. Nous ne faisons que l’ « envisager », nous ne le voyons pas. Nous le reconstituons entièrement. Cette pensée n’est pas une réflexion purement métaphysique ou philosophique. Elle provient du parallèle que je perçois entre notre perception du monde, celle des enfants, et ce qu’est le théâtre. Nous nous « racontons » le monde exactement comme l’enfant joue au pirate et comme l’acteur joue son rôle chaque soir. L’enfant « joue le monde », et, peut-être, en le trafiquant, en l’inventant, le perçoit-il mieux? Le théâtre a, à mes yeux, ce pouvoir d’agir comme un miroir déformant qui révèle d’autant plus le monde tel qu’il est. Quel est le vrai paysage du monde ? Voilà la question que se pose un enfant. Voilà la question qu’il nous pose à nous, les enfants disparus ou cachés, quand nous le regardons le regarder. Un enfant nous ramène sans cesse à nos propres ignorances, nos propres incertitudes et nous rappelle notre quête du présent, cet appétit de la découverte et enfin notre désir fondamental d’exister. « Simplement exister » Voilà ce que fait un enfant. Alors vérité et mensonge ne sauraient vivre l’un sans l’autre. Voilà l’autre axe fort dans ma recherche. C’est ce que dit Molière dans le Misanthrope au travers de ce personnage entier, et donc complexe, qu’est Alceste: « Peut-on vivre dans un monde où nous dirions la vérité sans cesse? Pouvons-nous réellement dire ce que nous pensons ? Sommes-nous capables de vivre dans la vérité ? L’enfant dit tout ce qu’il pense. Il n’est pas conforme lui non plus. Il est en décalage, et c’est ce qui le rend si intéressant. L’enfant, comme le clown, dit tout car il ne "sait" pas, lui. Il n’a aucun a priori sur ce qui est bien ou ce qui est mal. Il vient frapper de manière presque violente nos contradictions. Pourtant, un jour, l’enfant éprouve et fabrique du mensonge lui aussi. Il invente, trafique, transforme. Il teste. Il passe par le mensonge, comme Pinocchio, pour faire l’expérience du monde et de l'humanité. Et si l’enfant ment, c’est que nous ne cessons pas de lui mentir aussi. Nous leurs racontons des histoires. Pour les préserver? Pour nous préserver ? Ainsi, la vérité existe peut-être à l’intérieur des rêves, là où les mensonges et les illusions sont rois et reines. Au théâtre par exemple, là où les rêves se font réalité.
Drôme
Par le(s) artiste(s)