Røst, Riace etcetera

Février 1432, le marchand Pietro Querini et les survivants de son équipage partis de Crête, échouent sur une île en Norvège après une dérive de plus d’un mois. Alors qu’ils se pensent condamnés à mourir sur cet îlot désert, ils sont secourus in extremis par des habitant·es de l’île voisine qui les hébergent et les nourrissent. Pendant cent jours, les naufragés reprennent des forces et découvrent les coutumes de leurs hôtes qui se sont accommodés de la rudesse du climat en faisant sécher au vent la morue pêchée dans les eaux poissonneuses de l’archipel. Juillet 1998, un bâteau achève son voyage de huit jours à travers la Méditerranée. À son bord, des hommes et des femmes fuyant leur pays. À Riace, un village de Calabre souffrant de l’exode rural, l’arrivée de 200 kurdes est vue comme une aubaine. On leur donne des maisons abandonnées qu’iels rénovent et au fil des années l’école et les commerces rouvrent, le village se réinvente. Ces histoires, à contre-courant des mouvements antimigratoires, Léa Lebrun et Maxime Callen ont décidé d’en faire leur point de départ. En cuisinant à leur arrivée du baccalà alla vicentina, ce plat typiquement vénitien à base de morue norvégienne dont la recette serait issue du voyage de Querini à Røst, iels amorcent avec les habitant·es du lieu de leur résidence un travail consistant à extraire de récits une symbolique de l’accueil. Après ce travail préparatoire, iels imaginent ensemble à partir du corpus symbolique pré-établi, une installation multimédia. Les volumes créés dans ce contexte rappellent peut-être les monuments qu’on retrouve dans la plupart des communes de France, pour mieux les détourner. C’est ainsi qu’iels imaginent construire une réplique de séchoir à morue. Ce poisson, dont iels ont décidé de faire leur étendard, se décline aussi en 3D à travers une vidéo mêlant cette nouvelle symbolique à des messages – enregistrés auprès du voisinage – qui pourraient être adressés à de futur·es arrivant·es. En utilisant des médiums et des matériaux aussi divers que la sculpture, la vidéo, le bois, le sel… les artistes cherchent à amener un trouble dans les repères temporels pour signifier l’idée que les humain·es ont toujours migré et qu’iels le feront toujours.