Et si les « gribouillages » des enfants n’étaient pas des formes abstraites sans signification ? Les enfants ne peuvent pas toujours nous expliquer ce qu’ils perçoivent mais ils nous offrent des traces concrètes de leur extraordinaire découverte du monde et d’eux-mêmes : des dessins. Élise, Judith et Julie sont fascinées : il y a là tant de matière à penser, à ressentir et à s’émouvoir.
Avec leur prochaine création, un spectacle de marionnette : Ôlô, un regard sur l’enfance, dédié aux enfants comme aux adultes, les trois artistes nous plongent au cœur de l’enfance en mettant en scène le développement de la vie, la construction du rapport à soi et à l’autre, à travers la production iconographique des enfants.
Cette création sera nourrie d’un travail de terrain, réalisé en complicité avec les enfants, et en collaboration avec leurs enseignants. Construit comme un échange, il enrichira leur réflexion et leur création et permettra de faire découvrir aux enfants leur métier de créatrices
RECHERCHE FONDAMENTALE
Parce qu’ils sont en quelque sorte insaisissables à nos sens d’adultes, certains les qualifient de « gribouillage », d’autres, juste un peu plus grands que leurs auteurs, en disent qu’ils sont « mal faits » ; les dessins des jeunes enfants nous intriguent.
Mais alors quel sens ont les tracés des tout petits enfants ?
Une mémoire qui remonte à la conception de l’enfant ?
Une appréhension du mouvement à travers la trace ?
La traduction d’une vision du monde aujourd’hui invisible à nos yeux ?
C’est à partir de ces questionnements qu’est né le projet Ôlô, un regard sur l’enfance. Cette exploration est portée par les trois co-directrices de la Cie Le bruit de l’herbe qui pousse Élise Ducrot, Judith Guillonneau, Marie Julie Peters-Desteract.
Ensemble, elle rêvent, chacune à sa manière :
Élise :
“Dans mes cartons d’école primaire, entre les fautes de dictées et les poèmes de Prévert, j’ai trouvé des tas de dessins : foisonnants de couleurs vives, de plantes, de maisons stéréotypés et de têtes rondes. Reflétaient-ils ma vision du monde à cette période de mon existence ? Un monde rempli d’arc-en-ciel, d’arbres, de cheminées et de visages aux mêmes sourires. Etait-ce de la colère dans mes traits énergiques et sombres et de la joie dans ceux pastels et calmes ? Et si nous pensions à travers le geste ? Et si nous nous exprimions avec les couleurs ? Et si nous créons seulement par instinct et sensation ?”
Judith :
“Comment prend on conscience de soi en tant qu’individu et du monde qui nous entoure ? En mettant en parallèle différentes lectures sur la neuroplasticité et l’observation des dessins d’enfant, j’imagine la conscience des tout petits comme une sorte de matière brute. Ce magma toujours en mouvement, fusionnant l’intérieur et l’extérieur, se traduit sur le papier par des lignes brisées, des courbes, des spirales, des aplats, des points.En grandissant, la conscience est sculptée à mesure des expériences vécues ; alors que les lignes et les traits s’organisent, apparaissent les premières formes de représentation. ”
Julie :
“À la suite de Kandinsky, de Paul Klee et de bien d’autres artistes éveillés au dessin d’enfant, je suis fascinée et curieuse. Il me semble qu’il y a là tant de matière à penser, à ressentir et à s’émouvoir. En tant que plasticienne et marionnettiste, nous avons le pouvoir de mettre en scène le début de la vie, son développement, la construction du rapport à soi et à l’autre. Et si les très jeunes enfants ne peuvent pas expliquer ce qu’ils voient, ils nous offrent des traces concrètes de leur extraordinaire découverte du monde et d’eux-mêmes : des dessins. À nous de plonger, un instant, au cœur de ce que nous étions, il y a bien longtemps.”
Partie de l’acte fondateur du dessin, la zone d'intérêt des trois co-directrices s’étend rapidement au mystère du développement de l’enfant de 0 à … Quand donc notre perception du monde rejoint-elle celle de l’adulte?
Comment l’enfant se perçoit-il à mesure qu’il grandit?
Comment perçoit-il le monde?
Là encore, la parole n’est pas le seul langage de l’enfant pour témoigner de son extraordinaire traversée. À travers notre transcription au plateau, nous souhaitons développer un univers visuel, sensoriel, intuitif et immédiat où seul le point de vue de l’enfant existe. Plutôt que d’affirmer, nous préférons questionner, explorer, ressentir...
RECHERCHE DE TERRAIN
Pour ce projet la compagnie sera en résidence dans une école maternelle et souhaite également être en résidence dans une école primaire grâce à l’appel à projet “Création en cours”.
Pourquoi travailler avec les enfants ? Pour tenter de nous placer du point de vue de l’enfant.
Pour qu’il nous dise, nous chuchote, nous montre, nous déroute, nous guide, nous autorise à entrer dans leurs univers, leur royaume... Qui fut aussi, un jour, le nôtre. Parce qu’ils sont à la fois l’objet de notre étude et notre public-cible.
En temps qu’objet de notre étude, le regard des enfants nous permettra de mettre en lumière leur processus de développement, autrement insaisissable, grâce à une investigation autobiographique, “archéologique” et rétrospective de leur propre production plastique.
En temps que public-cible, ils seront nos yeux. Co-créer avec les enfants nous permettra en temps réel de leur montrer comment nous traduisons leur développement et d’affiner la réception du spectacle pour être au plus près de leur sensibilité.
En filigrane, le propos du projet est de valoriser la capacité créatrice des enfants à travers un travail autobiographique qui met en lumière le prodigieux parcours de développement de l’enfant depuis son très jeune âge.
Nous sommes persuadées que ces moments pourront être de vrais échanges ; qu’ils enrichiront notre réflexion et notre création ; et que nous pourrons faire découvrir aux enfants, en retour, notre métier de créatrices.
COLLABORATION AVEC LES PROFESSIONNELS
Il nous semble important que cette résidence en école primaire se fasse en partenariat avec ceux qui observent et accompagnent l’enfant quotidiennement : leurs instituteurs, les directeurs d’écoles, les parents et tous les membres de la communauté d’une école.
De même, dans le cadre du partenariat avec l’AGEEM (voir soutiens et partenaires), nous allons collaborer avec un chercheur sur le développement de l’enfant, pour qu’il nous guide dans nos questionnements. Ce chercheur pourra être amené à nous suivre lors de nos résidences à l’école.
UN PROCESSUS INTERDISCIPLINAIRE
La compagnie se démarque par un travail interdisciplinaire. Judith vient de l’art dramatique, scénographique et graphique ; Élise des arts littéraires, des arts vivants et de l’audiovisuel ; Marie Julie des arts plastiques, du textile et du théâtre d’ombre. C’est le théâtre de marionnette dans son acceptation contemporaine, inclusive de toutes les formes d’arts visuels et scéniques, qui les réunit. Depuis, elles développent une recherche interdisciplinaire qui mêle tout ou partie de leurs média de prédilection.
UN TRAVAIL AU CONTACT DES PUBLICS
Les artistes ont choisi d’ancrer leur compagnie dans le bocage Bressuirais, où Judith à grandi. C’est un territoire où de belles initiatives culturelles se développent et où les trois artistes ont senti qu’elles auraient la place et le soutien pour faire grandir la compagnie. Elles sont très heureuses d’y apporter la marionnette contemporaine, art encore très minoritaire dans la région. Depuis la naissance de la compagnie, elles mettent en place des échanges fréquents avec le public : invitations aux différentes étapes de création, médiations culturelles, résidences à l’école. Une partie des spectacles de la compagnie est d’ailleurs conçue pour être jouée en intérieur comme en extérieur, dans des lieux non-dédiés au spectacle afin de créer et de jouer hors les murs, au contact des publics.
Par le(s) artiste(s)