Avec Utopie & Résilience Rurale, Charles interroge notre rapport aux ressources énergétiques inexploitées telles que la pluie qui tombe sur un toit ou le vent qui passe par la fenêtre. Une étude technique et culturelle lui a permis de saisir l’impact des innovations populaire, du bricolage au design industriel, et leur capacité à façonner notre vision de l’énergie et du développement durable. Ses outils de designer lui permettent de concevoir des imaginaires tangibles ou fictifs basés sur une logique constante de simplification et d’accessibilité. Création en cours est l’occasion de poursuivre cette recherche en étudiant de nouveaux territoires, ressources et échelle de projet. Les temps d’échange sont des opportunités pour mettre au point la capacité didactique de cette démarche. Par un processus empirique constant, le but sera de changer de regard sur notre environnement direct et de pousser à la réflexion post-carbone.
L’environnement qui nous entoure est rempli de richesses énergétiques. Le plus souvent inaccessibles, cachées ou inexploitées (aération de bâtiments, surface de récupération d’eau, espace ensoleillé). Alors qu’une nouvelle voie s’ouvre pour les designers et architectes : celle de la conception d’outils et d’infrastructures toujours plus performantes et obscures pour l’usager, je choisis, à travers cette recherche, la réinterprétation de l’existant. C’est par la combinaison de micro réseaux déjà présent que je tente de dessiner des imaginaires flexibles pour un futur fait d’écosystèmes vertueux.
Par ce programme de résidence, je souhaite prendre le temps d’observer de plus près les milieux et l’environnement local. Essayer de mieux les comprendre et de les valoriser par le biais des énergies naturellement présentes. Je souhaiterais également profiter de l’exercice de documentation pour prendre du recul sur ma pratique et réfléchir aux prolongements envisageables du projet à l’issue de la résidence. Ayant entamé précédemment des investigations autour des énergies et du bricolage, il m’importe de poursuivre l’exploration de cette démarche en la partageant avec des enfants tout comme je l’ai déjà fait au centre culturel numérique (cf. CV). Outre le fait de confronter mon approche à un terrain et des regards nouveaux, pleins d’imaginaires et d’insouciance, ce qui me pousse à collaborer avec eux, c’est l’idée de penser et de faire plus intuitive, plus ludique, plus intelligible et mémorable. Je compte inscrire et orienter ma recherche et les étapes de création en cohérence avec le socle commun de compétences à valider au cours du cycle 3 de consolidation. Le thème des énergies fait directement écho au domaine 4: les systèmes naturels et les systèmes techniques.
L’intérêt de les impliquer dans ce type de problématiques est d’éveiller leur sens critique en leur donnant de nouveaux critères d’observation. Je souhaiterais aussi qu’ils se rendent compte de leur « expertise » en tant qu’usager et par extension de leur légitimité à prendre part à la construction de leur cadre de vie. Ainsi ils découvriront que les espaces, les objets et les phénomènes qui les entourent sont sources d’inspirations pour leur vie de tous les jours. Ils développeront leur créativité, leur sens critique, leur débrouillardise et leur habilité manuelle. J’aimerais également leur faire prendre conscience de la richesse de ces écosystèmes, naturels ou artificiels, et de l’importance de préserver les savoirs et la nature qui y est inscrite.
Nous commencerons le projet par une phase de découverte et d’initiation à la méthode empirique (concept de rhizome développé par Gilles Deleuze et Félix Guattari) en étudiant l’environnement direct (la porte de la classe et ses mécanismes, la descente de gouttière de la cour de récréation, le vent qui passe par la fenêtre). Il s’agira de comprendre ce qu’est une Énergie, une transformation ou une force, puis de la concrétiser sous la forme d’exercice « turbine ». C’est-à-dire, le démontage d’hydro turbine sommaire disponible sur le marché afin d’en recréer une « fictive ». La turbine est pour moi un élément totem dans notre rapport à l’énergie, elle concrétise différentes opérations ,comportements et réflexions relatifs aux objets générateurs d’énergie (comment fabriquer des pales, une jonction entre différentes parties, un axe, un mouvement). Tout cela sera étudié pour être construit avec des moyens rudimentaires mais efficaces, nous pourrions par exemple utiliser des élastiques, du scotch, des bouts de tissus et des brindilles. Je veillerais à apporter durant cette phase une documentation élaborée avec l’équipe enseignante au préalable.
Une fois familiarisés avec ces comportements (principe de coque, de fixation, de prise au vent ou de roulements) et en possession d’un important nombre de données sur leur milieu, nous passerons à une pratique plus élargie. Les élèves questionneront et repenseront les ressources à leur disposition par le collage, afin de créer un « abécédaire » d’utopies énergétique (cf. Portfolio). Nous formerons par exemple des groupes de réflexion autour de l’eau, du vent et du soleil. Nous porterons notre attention sur le partage de ces imaginaires par la mise en place d’un grand panneau des flux où chacun pourra y relier sa vision et ses inventions.
Tels des explorateurs, nous partirons ensuite à la recherche d’éléments présents dans la ville, le village ou l’établissement et tenterons d’en imaginer leurs détournements. Comment un mât peu récupéré les vents, comment créer un réservoir à la sortie de la gouttière, en quoi les déchets alimentaires de la cantine permettrait de réchauffer les manteaux l’hiver… Nous répertorierons alors nos trouvailles et nos idées en essayant de les combiner à l’abécédaire. Nous pourrons également penser d’autres solutions qui n’auraient pas été évoquées. Nous travaillerons alors sur leur capacité à synthétiser, présenter, raconter et à mettre en valeur des informations. Il s’agira ensuite de passer de l’idée au projet. En fonction de nos investigations sur le terrain et en classe, nous choisirons de concrétiser un ou plusieurs projets. Accordant beaucoup d’importance au sens de l’astuce, j’essaierais de trouver des stratagèmes pour faire des économies de moyens et travailler in situ à partir des ressources disponibles. Cela permettra aux enfants de suivre au maximum les évolutions du projet tout en restant dans une logique d’écoconception, de bricolage et de rapport direct à l’environnent.
Je veillerais à adopter une démarche écologique à toutes les étapes de création. Cela impliquera de remettre en question le choix des usages, des matériaux et des procédés de fabrication. Il s’agira également de prendre en compte le souci de l’allongement de la durée du projet et sa recyclabilité. Le projet sera à l’image des Lows Techs, comme répondant à des problématiques ludiques, vitales, économiques ou environnementales. Nous pourrions par exemple travailler sur la revalorisation des déchets agricoles du village pour en faire du chaud, exploiter les girouettes et créer des effets lumineux ou encore dessiner un instrument à vent pour la sonnerie de la récréation.
L’utilisation des sources d’énergie abondantes et en libre accès comme la lumière du soleil, la chaleur, le froid, et les flux tels que la pluie, le vent, les mouvements seront continuellement questionnés vis-à-vis du territoire d’implantation. C’est pourquoi j’ai choisi des milieux disposant de ces éléments à foison, et d’une solide culture historique en la matière. Dans le Loiret, c’est l’important réseau de canaux et leurs dérivations, en Seine-et-Marne, les moulins pour moudre les ressources agricoles et enfin dans l’Essonne c’est sur le passé d’aviation que nous nous appuierons. Je m’assurerai au préalable à identifier au mieux ces ressources sur le terrain avant le commencement des ateliers.