Un confinement rempli de lettres et d'imagination 1

Publié par Suzanne Dubois

Lettres confinées

Après trois jours d'intervention très agréable dans cette école...

Le Confinement !

Nous sommes reparties chez nous avec leurs dessins d'Elzéard Bouffier. Nous aimions tous ces dessins, tous différents et pleins de détails qui ouvraient notre imaginaire. Alors nous avons voulu leur partager toutes les histoires qu'ils nous inspiraient.

On a donc décidé de leur écrire à chacun une lettre manuscrite avec leur propre histoire. On trouvait important qu'ils puissent avoir un contact avec nous par un autre média que l'écran qui était surexploité. L'avantage de la lettre manuscrite c'est qu'elle rappelle un rapport au temps, qu'elle peut être imparfaite et donc personnelle, mais surtout ils peuvent la lire où ils le souhaitent et la garder où ils veulent. Elle évoque aussi un voyage concret de nous jusqu'à eux.

L'idée était aussi de montrer que chaque détail pouvait ouvrir quelque chose, chaque "erreur" aussi, que tout pouvait être utilisé pour amener des rebondissements à une histoire, que l'important c'est d'en faire quelque chose. Chose qu'on a travaillé plus tard dans les longs voyages improvisés.

Nous avons tout de même recopié les histoires à l'ordinateur. En voici quelques unes.

Dessin de Stanislas

Stanislas Bouffier

           Stanislas Bouffier avait remarqué que la nature autour de lui était trop plate. Il ne comprenait pas. Cela faisait des jours et des jours qu’il marchait sans rencontrer un seul relief. Même pas une bosse, un caillou ou une racine sur lesquels son pied fatigué aurait pu trébucher. Non. Le seul relief c’était lui. Il avait un drôle de chapeau qui se posait non pas sur son crâne, comme tout le monde, mais sur ses cheveux. Il avait les cheveux tellement épais et rigides, certains diraient « comme des branches ! », que son chapeau restait en l’air, perché sur les branches comme un oiseau. Il était très fier de cela parce qu’ainsi il avait l’aération qu’il lui fallait. Le chapeau faisait de l’ombre et le vent pouvait se glisser entre le crâne et le chapeau. Ainsi il obtenait de la fraîcheur. Ce qui était nécessaire parce qu’aucune ombre n’osait pointer le bout de son nez.

            Marchant toujours en continue un mouton s’était mis à le suivre. Il souriait toujours. Stanislas l’avait donc nommé Sourire. Son sourire à lui était devenu invisible. Sa barbe avait tellement poussée qu’elle s’était emmêlée et avait recouvert sa bouche puisqu’il ne parlait plus. Il en était heureux car il avait le sentiment de se promener avec un nid d’oiseau sur la bouche. Il était persuadé qu’un jour un œuf apparaîtrait et qu’il le couverait de ses yeux. Il attendait cela avec impatience.

            Un jour il se gratta la barbe comme tous les matins. Son doigt s’arrêta sur quelque chose de dure, d’ovale et de lisse. Emu, il se dit « Le voilà. ». Délicatement il extirpa l’œuf de sa barbe. Ce bel œuf était un gland. Il comprit. Bien sûre, pour qu’il y ait des oiseaux, il faut des arbres. A l’aide de sa canne il planta ce gland et espéra en trouver d’autres dans sa barbe pendant longtemps encore.

Stanislas Bouffier avait remarqué que la nature autour de lui était trop plate. Il ne comprenait pas. Cela faisait des jours et des jours qu’il marchait sans rencontrer un seul relief. Même pas une bosse, un caillou ou une racine sur lesquels son pied fatigué aurait pu trébucher. Non. Le seul relief c’était lui. Il avait un drôle de chapeau qui se posait non pas sur son crâne, comme tout le monde, mais sur ses cheveux. Il avait les cheveux tellement épais et rigides, certains diraient « comme des branches ! », que son chapeau restait en l’air, perché sur les branches comme un oiseau. Il était très fier de cela parce qu’ainsi il avait l’aération qu’il lui fallait. Le chapeau faisait de l’ombre et le vent pouvait se glisser entre le crâne et le chapeau. Ainsi il obtenait de la fraîcheur. Ce qui était nécessaire parce qu’aucune ombre n’osait pointer le bout de son nez.

            Marchant toujours en continue un mouton s’était mis à le suivre. Il souriait toujours. Stanislas l’avait donc nommé Sourire. Son sourire à lui était devenu invisible. Sa barbe avait tellement poussée qu’elle s’était emmêlée et avait recouvert sa bouche puisqu’il ne parlait plus. Il en était heureux car il avait le sentiment de se promener avec un nid d’oiseau sur la bouche. Il était persuadé qu’un jour un œuf apparaîtrait et qu’il le couverait de ses yeux. Il attendait cela avec impatience.

            Un jour il se gratta la barbe comme tous les matins. Son doigt s’arrêta sur quelque chose de dure, d’ovale et de lisse. Emu, il se dit « Le voilà. ». Délicatement il extirpa l’œuf de sa barbe. Ce bel œuf était un gland. Il comprit. Bien sûre, pour qu’il y ait des oiseaux, il faut des arbres. A l’aide de sa canne il planta ce gland et espéra en trouver d’autres dans sa barbe pendant longtemps encore.

Dessin d'Amélia

Amélia Bouffier

     Dans une plaine proche des nuages vivait une jeune fille, Amélia Bouffier. Ce qu’elle aimait par-dessus tout c’était de s’allonger dans la mousse. Il y avait assez d’humidité dans cette plaine pour que le sol soit complètement couvert de mousse. Quel bonheur ce sol moelleux et accueillant. Elle ne pouvait résister à l’envie d’enlever ses chaussures et de faire aller ses coussinets sur ce duvet. Ses parents lui disaient toujours « A force de te balader à pieds nus, tu vas avoir des sabots à la place des pieds ! ». Elle ne les écoutait pas et s’en allait pieds au vent. Allongée dans la mousse elle regardait les nuages. Elle voyait des baleines, des chevaux, des loups, elle pouvait raconter un tas d’histoires de métamorphoses. Mais surtout le plus souvent elle  imaginait que c’était elle qui sculptait les nuages. Ses parents lui disait toujours  « A force de regarder le ciel comme tu le fais, tu vas avoir les yeux brûlés ! ». Elle ne les écoutait pas et s’en allait sculpter de plus belle. Ses parents se faisaient vraiment du souci. Un jour ils lui dirent de ne plus rentrer tant qu’elle ne saurait quoi faire de ses mains. « Mais je sculpte les nuages ! » Répondit-elle avec une magnifique naïveté. « A force de sculpter les nuages, c’est du coton que tu vas avoir à la place des mains ! ». Elle s’en alla, heureuse d’être libre de sculpter les nuages.

         Elle passa des jours et des jours dans la mousse, pieds nus, à regarder le ciel pour sculpter les nuages. Elle y mettait tout son cœur. Elle voulait que les nuages deviennent ses amis. Elle le rêva si fort qu’un matin, au réveil, elle vit que les nuages autour d’elle avait des pattes, des têtes, des cornes et qu’ils broutaient tranquillement. D’instinct elle sculpta les nuages qui enveloppaient le corps de ses nouveaux amis. C’était chaud  et doux elle voulut en faire des vêtements. Ses mains devenues nuages étaient parfaites pour cela. Elle se rendit compte que tout ce temps passait à sculpter avait donné raison à ses parents. Elle avait bien des sabots  mais ils  lui permettaient de gambader avec ses nouveaux amis. Elles avaient bien des yeux de soleil et ils lui permettaient de veiller sur ses amis la nuit. Elle put retourner voir ses parents, fière de tout ce que son imaginaire avait pu créer. Ils l’accueillirent bras ouverts et émerveillés d’être les parents de la première bergère.

Dessin de Tom

Tom Bouffier

      

        Dans une vallée pas très loin d’ici vivait un jeune garçon avec des griffes à la place de ses mains. Il s’appelait Tom Bouffier. Ses mains griffues effrayaient les habitants de la vallée. Alors, un jour, il décida de partir. Etonné, tout le monde lui disait « Pourquoi diable vas-tu t’installer là-haut ? Il n’y a pas une âme qui y vive. »Tom Bouffier leur répondait simplement qu’il serait cette âme la. Il disait « Dans les hauteurs les maisons peuvent toucher le ciel et les âmes ont des griffes. » 

        Cela faisait maintenant plusieurs mois qu’il vivait dans une maison toute petite. Elle était bien loin de toucher le ciel. Il l’avait construite de ses griffes. Elle avait une jolie porte bleue avec une fenêtre qui reflétait le bleu du ciel les jours de beau temps. Un matin il se dit à lui-même : « C’est vrai que je suis la seule âme ici et c’est bien triste. Il semblerait que même les animaux aient peur de moi. » A peine eu-t-il pensé cela, qu’il entendit un bêlement. Quelle joie transperça son cœur. « Doux son, son de vie » se dit-il. Il ouvrit la porte. Un mouton se tenait sur le seuil et semblait lui demander l’autorisation d’entrer. La maison était si petite que Tom craignait de ne pouvoir accueillir son invité dignement. Mais il se dit « On trouvera bien de la place » et il le laissa entrer. Le mouton semblait fatigué. Tom Bouffier prit soin de lui. Il lui concocta des tisanes, enveloppa ses jambes fatiguées dans du linge humide et chaud et le garda au repos. Le lendemain, la même scène se produisit avec un mouton plus petit. Et le surlendemain avec un mouton noir. « Incroyable, se disait Tom, comment savent-t-ils que j’aime soigner les animaux ? - Rentrez donc, on vous trouvera bien un peu de place. » Et effectivement on trouvait toujours de la place. A mesure que les animaux entraient, la maison s’étirait miraculeusement vers le haut. Tom la voyait se remplir et s’agrandir, bientôt elle toucherait le ciel… Rien ne le rendait plus heureux. Mais toujours il se demandait « Comment ont-t-ils su que mon cœur était bon ? »

Desssin de Naël

Naël Bouffier

        C’est assez rare de croiser Naël Bouffier. Mais si on tend l’oreille, on peut facilement l’entendre murmurer.

         Depuis tout petit très souvent il va dans la forêt et s’enterre. Il adore être en contact avec la terre. Mais ce qu’il aime par-dessus tout c’est écouter les arbres chanter, ça, ça n’arrive pas tous les jours. Alors pour savoir quel sera le jour, il se connecte aux racines et papote. Il passe des heures à discuter avec les arbres. Cette année-là ils chanteront le jour du printemps.

         Le jour du printemps, il est prêt. C’est le petit matin, comme à son habitude, il s’enterre. L’attention est particulière ce matin : les vers ne se soucient plus des taupes, les lapins s’assoient à côté des renards, tout n’est qu’audience. Une grande vibration se fait alors sentir. Chaque feuille d’arbre capte la lumière du soleil et vient la donner sous terre. Une à une les racines s’illuminent, et voilà que Naël Bouffier est au milieu d’une terre étoilée. Un calme et une joie intense le parcourt. Les yeux émerveillés il est prêt à écouter le secret de la terre. Les arbres se mettent à vibrer. Il pleura soudainement. Il se sentait profondément transformé et touché par ce chant presque sourd. De retour chez lui, sa mère lui dit : « Tu es encore allé t’enterrer dans la forêt toi ! Enlève donc ce champignon de ta tête ! » Ne comprenant pas, Naël Bouffier alla voir dans le miroir.  Il vit qu’effectivement un champignon le coiffait. Il essaya de l’enlever mais « Aïe ! ». A la fois heureux et perturbé il retourna voir sa mère et lui dit « Je ne peux pas maman ce champignon est en symbiose avec moi. » Horrifiée sa mère s’écria : « Il faut le couper immédiatement ! » Elle tenta de l’arracher. Mais Naël hurla si fort que sa mère prise de remord le serra dans ses bras, pleine d’excuses. « Mais qu’est-ce que ça veut dire Petit Champignon ? Lui demanda-t-elle.- Je ne sais pas maman, mais avec lui j’entends mieux les arbres parler, c’est un peu comme une grande oreille. -Et que te disent les arbres mon chéri ? – Je ne comprends pas bien, je ne comprends pas encore tout, mais j’ai cru qu’ils me disaient merci. – Tu sais pourquoi ? – Non… – Parce que tu t’enterres. C’est rare les personnes qui aiment autant la terre. – Je crois qu’ils ont dit « mourir la terre ». Ce n’est pas bien ça. Avec mon champignon je pourrais rester plus longtemps dans la terre. Peut-être que je comprendrais. – Promets-moi de toujours ressortir de la terre pour me raconter. – Promis. »

          Maintenant Naël Bouffier parcourt le monde et observe les sols. Puis il tente de raconter aux humains. Mais comme il reste très timide, il s’enterre et murmure aux personnes qui sont prêtes à l’écouter. Grâce à lui de nombreux agriculteurs font plus attention à ce que leur sol reste bien vivant. Le champignon de Naël Bouffier continue de grandir alors il entend de mieux en mieux. Ses bras commencent à ressembler à des racines. Sa mère le voyant devenir de plus en plus végétal lui dit «  Viens au moins pour Noël mon magnifique champignon. » Et en été elle se balade en l’écoutant.