Par un spectacle de figures marionnettiques, de théâtre d'ombres et de matières, Souffle de la Terre a l'intention d'explorer les liens sensoriels entre le corps humain et la nature.
La création s'inspire des notions de l'animisme : une participation plus active avec l'environnement au travers des sens; le corps est le seuil par lequel nous faisons l'expérience du monde.
Pendant plusieurs mois, Laura Elands, metteuse en scène du Théâtre de l'Heure Bleue, travaillera au sein de l'École Primaire de Mouzay, dans la région de la Meuse. Elle compte s'immerger dans les espaces naturels des environs de Mouzay, les documenter et s'en inspirer afin d'entamer des expérimentations plastiques et poursuivre le processus de recherche artistique de son nouveau spectacle.
Laura a comme intention de proposer une série d'interventions pédagogiques reflétant son processus de recherche dans la création de ses spectacles, afin d'inviter les élèves de l'école à en faire eux-mêmes l'expérience. Des ateliers mèneront les élèves à réveiller leurs sens dans un environnement naturel et à traduire leurs expériences au travers d'exercices artistiques. Suite à une initiation au théâtre d'ombres, ils développeront leurs recherches plastiques afin de créer des scènes d'ombres en créant des silhouettes en deux et trois dimensions.
Les travaux produits par Laura et les élèves seront présentés pendant une restitution de fin de résidence.
Au travers d'un jeu de matières et de figures marionnettiques, j'entame la création d'un spectacle qui interroge notre lien humain avec la nature. Nous sommes à une époque où la crise écologique devient de plus en plus urgente, et tandis qu'une multitude d'actions positives destinées à faire freiner les effets du réchauffement climatique sont en cours, un changement de regard sur notre entourage naturel me semble essentiel.
C'est sur ce changement de regard que je m'inspire afin de créer un spectacle qui proposerait au public une expérience sensorielle, de faire une expérience 'autre’ de la nature qui nous entoure.
Par un langage scénique doux, poétique et méditatif, je souhaite faire vivre au plateau un environnement naturel interprété au travers d'une esthétique visuelle de textile artistique.
Cette création s'inspire par des recherches au sujet de l'animisme. L'animisme est un terme académique utilisé afin de théoriser sur les origines de l’univers, des croyances de certains peuples indigènes, des religions et de leurs natures. L'animisme peut être perçu comme une manière de faire l'expérience du monde, comme un regard qui peut encourager le lien et l'échange entre les personnes humaines et non-humaines et le respect de la vie d'autrui.
De nos jours, un 'nouvel' animisme met en avant la communication qui va au-delà des paroles. C'est une communication non rationnelle, qui passe par les sensations, par l'intelligence du corps.
David Abram, un écologiste et philosophe, est l'écrivain qui a eu le plus d'influence sur la direction de mes recherches.
Il considère que chaque corps est un seuil, et que par cela chaque corps est capable de rentrer en contact avec le monde qui l'entoure. Il suggère que les choses matérielles ne sont jamais entièrement passives dans notre expérience perceptuelle, mais plutôt que ces choses perçues sollicitent activement notre attention, engageant le corps dans une participation continuelle.
Notre expérience de nous-même ne se limite pas à nos pensées, à notre état intérieur, mais ces derniers viennent interagir au travers de notre peau et de nos sens avec l'extérieur. Cette communication avec notre entourage naturel nous demande de sortir de notre tête et de passer au travers du corps afin d'être à l'écoute intérieure de ce langage subtil et intuitif.
C'est pour cela que pour la création de ce spectacle, une grande partie des résidences à l'École Primaire de Mouzay se focaliseront autour du processus de recherche dans un environnement naturel que propose la région de la Meuse.
Ce temps de recherche me permettra de m'immerger dans une expérience sensorielle en lien direct avec la nature. Ces expériences seront documentées ; filmées, photographiées, et seront traduites en écriture et au travers d'enregistrements sonores. De ceci se développera le langage artistique du spectacle, et la forme que prendront la scénographie, les marionnettes, la mise en scène...
Le spectacle reposera sur une esthétique fortement visuelle, organique et ancrée dans l'utilisation du textile artistique par un travail de matière et de figures marionnettiques.
Plusieurs techniques, tel que la création manuelle de laine feutrée, la soudure de textile et l'utilisation de tissu dissoluble à l’eau, parmi bien d'autres, seront explorées, en lien avec les recherches effectuées en milieu naturel.
J'imagine déjà que les marionnettes seraient conçues afin d'exprimer le prolongement d'une expérience, d'une sensation d'un élément naturel. Elles prendront la forme de figures marionnettisées, capables d'interagir et de s'articuler autour du corps du marionnettiste, comme objet-extension du corps, créant un trouble entre la matière plastique et le corps humain.
L'ombre serait un élément important du spectacle, par l'utilisation d'écrans fabriqués de laine feutrée. Ces écrans auront déjà des silhouettes intérieures, c'est à dire, dans le processus de feutrage, des silhouettes sont incorporées dans le tissu à ce qu'elles ne soient à peine visibles si elles sont éclairées par l'avant. Si la lumière traverse le tissu par l'arrière, ces silhouettes seront visibles et pourront interagir avec d'autres silhouettes manipulées à distance.
Ceci viendrait créer un effet d'ombre comme on peut observer à l'extérieur par la lumière du soleil, une transformation en continue par les changements de lumière. Les éléments scéniques, tel que les figures marionnettiques, viendront aussi créer des ombres et interagir avec elles.
La création sonore serait de nature immersive afin de permettre au public de s'évader dans les sensations. Les prises de sons seraient entièrement enregistrées par l'équipe, et travaillées avec un minimum de synthétisation afin de conserver les éléments sonores au plus naturel possible.
En parallèle aux temps de résidences de création du spectacle aura lieu le projet de transmission. Ce projet a comme intention de proposer aux élèves de faire l'expérience de mon processus de recherche. Les élèves vivront eux-mêmes des expériences sensorielles en milieu naturel, qu'ils traduiront par des exercices artistiques permettant de développer un langage visuel. Ils seront ensuite initiés au théâtre d'ombres, une forme artistique qui façonnera le développement du langage artistique émergeant de leurs expériences sensorielles. Une série d'expérimentations d'ombres en deux et trois dimensions, ainsi que par la forme du théâtre d’ombre corporel donneront suite à des scènes créées par les élèves, qu'ils présenteront en fin de projet pendant une restitution, dans laquelle seront également exposés leurs travaux.
Dans le projet de spectacle autant que dans le projet de transmission, j'espère orienter le regard du public, et celui des élèves, vers leur entourage naturel, et d'encourager l'appréciation des bienfaits apportés par la nature et le processus d'une activité artistique.
Mon intention est de déclencher, même si de manière subtile, une prise de conscience par rapport à notre participation active avec notre environnement naturel pour freiner un détachement qui nous désensibilise aux problèmes écologiques. Peut-être un objectif pas si simple à atteindre, mais je souhaite au moins proposer au public une expérience poétique et agréable, tel une méditation visuelle à emmener ensuite avec soi et à laisser germer dans son esprit.
Par le(s) artiste(s)