(En concertation avec les professeures de l'Ecole des Chazelles avec lesquelles je vais collaborer, je retire de mon projet la première phase que j'avais imaginée: un travail autour de ma pièce jeune public "Prouve-le", sur les théories du complot, qui semble compliquée à aborder pour des CE2-CM1-CM2. Cela se fera au profit du reste.) Sensibiliser les élèves à l’art théâtral dans ses formes contemporaines, et particulièrement à l’écriture de théâtre. Mettre en lumière un processus d’écriture, avec ses phases de recherche, de fausses pistes, d’essais au plateau, d’amusement, de recommencements… Faire découvrir le théâtre, par la lecture et par le jeu, et amener à l’écriture individuelle et collective. Faire des langues et lieux ordinaires un matériau d’écriture, une machine à jouer. Explorer un espace : l'établissement scolaire où l'on vient tous les jours ; poser dessus un regard nouveau en en faisant un espace où se déploieront de nouveaux textes, des histoires, des personnages de théâtre. Écrire, apprendre à donner en lecture ses écrits, et accompagner une auteure dans les commencements d'un nouveau projet d'écriture.
À l’école comme au collège, on n’a pas toujours l’occasion de découvrir que le théâtre peut être un art mettant en jeu des questions contemporaines ; que des pièces s’écrivent aujourd’hui, mettant en scène nos vies, travaillant des langues actuelles ; et que ces pièces peuvent mettre en scène des personnages de notre âge : parler de la grande jeunesse. D’autre part, en zone rurale ou peu émaillée en infrastructures culturelles, les occasions de rencontrer les personnes qui écrivent et font le théâtre aujourd’hui sont souvent inexistantes. Les œuvres peuvent alors sembler provenir d’un autre monde, auquel il serait impossible de participer, en tant que lecteur-spectateur, ou amateur, ou créateur. Rencontrer des artistes de théâtre et avoir l'occasion d'expérimenter cet art peut pourtant permettre de voir le théâtre comme il est: un art vivant, qui peut parler de nous, et nous parler. Quant à moi, quand je suis animée par la volonté d’écrire des textes jeune public, ou tout public, et d’interroger ce que c’est que de grandir aujourd’hui, les occasions me manquent parfois de côtoyer les personnes qui ont l’âge de mes personnages, et de m'imprégner des lieux qui font leur quotidien. Ces interactions créatrices me sont pourtant nécessaires. Pendant l’écriture de deux textes jeune public dont je suis l’auteure : "Le Gène de l’orchidée", et plus récemment "Prouve-le", des périodes de résidence organisées par la Comédie de Valence dans des établissements scolaires d’Ardèche avec des élèves de cycle 3 m’ont beaucoup inspirée. Ces résidences, et d’autres cycles d’interventions artistiques que j’ai menés, m’ont également confirmé l’appétit des plus jeunes pour le théâtre et pour les textes qui donnent à voir leurs vies, en prenant des angles de vue inhabituels. Dans le cadre de Création en cours, mon objectif est d’amener progressivement les élèves à participer à l’initiation d’un projet d’écriture : un ensemble de courtes formes à jouer sans dispositif technique dans des lieux de vie collective qui font l’ordinaire, comme les établissements scolaires. Je désigne pour l’instant ce projet par le titre "Éclats". La jeune compagnie de théâtre Le Cri du Lombric, avec laquelle j'ai déjà collaboré, souhaite le mettre ensuite en scène et le porter. Mon objectif est de m’inspirer des espaces contenus dans l’établissement scolaire, pour enclencher de l’écriture à partir de ces espaces. Je souhaite amener les élèves à imaginer quelles histoires insolites pourraient jaillir du plus banal des couloirs, d’un casier, d’un vestiaire, etc… Ce qui correspond à ma démarche pour mon projet d’écriture "Éclats", que j’écrirai pendant et à l’issue de Création en cours. J’imagine des situations, à jouer in situ, telles que, par exemple : "Il y a un garçon-sirène assis dans les toilettes. Il a dû arriver ici en remontant par les égouts". En faisant part aux élèves des personnages et brèves situations que m’inspirent les espaces de leur établissement, et en les amenant à imaginer et écrire les leurs, j’alimenterai mon projet, tout en accompagnant les élèves dans l'écriture collective de leur ensemble de formes brèves. L’écriture aurait lieu dans un aller-retour entre le travail face à la feuille, et l’expérimentation en espace, en jeu. Nous créerions collectivement une poétique de l’ordinaire : la vie secrète du réfectoire, les murmures des portails, les témoignages des bancs du fond de la cour, les blagues que s’échangent les chewing-gums collés sous les tables, les disputes des taches sur les murs, et les personnages qui sont là quand on ne regarde pas. Concernant les élèves, l'objectif de création ne sera pas un spectacle bien léché, de facture classique. Les professeures et moi-même nous sommes mises d'accord sur l'idée que le processus d'écriture est l'enjeu le plus important, et le processus de travail de la lecture à voix haute. Ma résidence aboutira cependant à une lecture dynamique, mise en espace, des textes créés au cours du processus à partir de leur lieu de vie ordinaire (nous présenterons une sélection de leurs écrits et des miens). Concernant mon projet d'écriture "Éclats": m'imprégner fortement d'un établissement scolaire, en tant que bâtiment et lieu de vie collective, me sera très utile. C'est pour et à partir de ce type de lieu que je souhaite écrire "Éclats". Les recherches: lectures, images, etc... que je proposerai aux élèves comme source d'inspiration en ateliers d'écriture nourriront aussi mon projet. De plus, en proposant parfois des expérimentations en lecture et en jeu de mes écrits aux élèves, je pourrai les retravailler avec plus d'efficacité. Il s'agirait donc de faire écrire les élèves en épousant ma démarche (écriture à partir de et pour des lieux), afin de préciser et affiner la mienne, et d'amener les élèves à être les écrivains d'une forme collective.
Lozère
Par le(s) artiste(s)